SerCyr Iverna, fille du Nord Prologue: Part 3

Prologue: Part 3

La Marque des Parias

"Un Nisvernien sans son clan n'est pas vraiment un Nisvernien. C'est sans doute pour cela qu'à leurs yeux, il n'est de pire châtiment que celui de l'exil. Ceux qui en sont frappé sont appelés Disgraciés ou Parias. Le seul moyen pour eux de regagner leur honneur est une mort glorieuse au combat."


Iverna avait honte. Elle avait non seulement fui le combat mais en plus elle n'avait même pas combattu. Si elle n'avait pas été si terrorisée, elle aurait pu retourner au combat pour racheter sa faute, mais elle avait laissé passé sa chance de conserver son honneur.


Elle passa une nuit désagréable dans les bois, lovée entre les racines d'un arbre avec pour seule compagnie sa hallebarde, sa partenaire qui s'était révélée inutile entre ses mains.


Le lendemain matin, elle rassembla enfin le courage de retourner au village, mais pas celui d'aller inspecter le champ de bataille.


L'issue funeste du combat ne faisait aucun doute.


Au fur et à mesure qu'elle se rapprocha du village, les volutes grises dans le ciel se firent plus épaisses et l'odeur de brûlé plus tenace.


- Regardez ! cria un survivant en pointant la jeune fille du doigt lorsqu'elle arriva à l'orée du village.


Iverna n'avait pas bonne mine et elle le savait. La peinture de guerre mauve avait craquelé sur son front, ses cheveux cuivrés étaient pleins de brindilles et ses fourrures étaient maculées de boue. Elle avait l'air d'une revenante.


Le village avait brûlé et il n'était pas difficile d'imaginer que les précieuses provisions pour passer l'hiver avaient disparus, emportées par les pillards Mac Turst.


Sygvi fut le premier à venir à sa rencontre. Il boitait et sa barbe était maculée de sang séché. Iverna espérait trouver un peu de réconfort dans ce visage familier. Elle n'y vit que de la froideur, et de l'animosité lorsqu'il prit la parole :


- Par Balor ! Où étais-tu passée ?


- Je...


- Fais voir ton arme !


Iverna tendit sa hallebarde en essayant de lutter contre les larmes qui lui montaient aux yeux. Sygvi n'inspecta l'arme que quelques instants avant de la pointer d'un air accusateur vers Iverna.


- Ta lame est propre. Tu as fui le combat.


- Mon oncle...


Ces deux mots mirent Sygvi encore plus en colère.


- Non ! Mon frère n'a pas élevé une lâche.


Il pointa du doigt Neam qui sortait d'une tente à demi-brûlée.


- Neam est allé évacuer le village.


Puis sa propre poitrine en continuant :


- Et j'ai retenu les ennemis avec nos guerriers survivants pour gagner assez de temps. Je suis le seul à en être revenu.


Il pointa ensuite un doigt accusateur vers sa nièce.


- Mais toi tu as lâchement fui le combat. Tu as laissé mourir ton père et ceux qui étaient censés être tes frères d'armes. La clan n'a pas besoin de gens comme toi, Iverna!


Le silence résonna après ces paroles pleines de vindicte qui coupaient Iverna d'autant plus profond qu'elles étaient vraies. Elle supplia du regard Neam d'intervenir mais ce dernier secoua la tête en silence, il ne pouvait rien pour elle. Sygvi reprit la parole, grave :


- Je convoque le Conseil. Tu dois être bannie.


Iverna essuya les larmes qui lui montaient aux yeux. Elle se sentait déjà assez coupable et humiliée comme ça.


Le Conseil, composé du chef et des sept plus vieux membres du clan, était chargé de statuer sur les décisions importantes comme l'intronisation d'un nouvel adulte, la passation de pouvoir à un nouveau chef ou encore le bannissement d'une personne pour faute grave.


On confisqua l'arme d'Iverna et son procès commença. Deaclan mort et sa fille dans l'impossibilité de prendre sa succession, ce fut à Sygvi d'assurer la place du chef. S'il en tirait une quelconque satisfaction, il n'en laissait rien paraître. Il commença l'interrogatoire d'Iverna par une question rituelle:


- Quel est le nom que t'ont donné tes ancêtres?


- Iverna Mawr Deaclann eap Kenoc'hlann.


C'était sans doute la dernière fois qu'elle aurait le droit d'utiliser son nom complet.


Les Anciens questionnèrent ensuite la jeune fille sur les faits dont elle était accusée. Évidemment, Iverna n'avait pas de circonstances atténuantes et évidemment elle n'avait aucun témoin pour prendre sa défense. Elle avait fait preuve de couardise au combat, il n'y avait rien à ajouter.

C'était le plus grand déshonneur dont un Aen Gwynn pouvait faire preuve. Leurs ancêtres avaient résisté jusqu'au bout face à l'envahisseur sydorien avant d'être repoussés sur cette terre inhospitalière. Les clans ne toléraient pas que leur mémoire soit souillée par des pleutres.


Après une concertation rapide, le Conseil rendit son verdict :


- Par ta conduite lâche, Iverna, tu as fait rejaillir le déshonneur sur toi. Nous te condamnons à recevoir la Marque des Parias et te bannissons du clan. Tu as jusqu'au zénith pour quitter le village.


Iverna alla rassembler ses affaires pour partir: sa hallebarde, une couverture et de quoi allumer un feu. Les autres ne lui permettraient jamais de prendre des vivres alors qu'eux-mêmes n'étaient pas assurés de passer l'hiver.


Dans son malheur, Iverna eut quand même le réconfort de voir Neam venir lui faire ses adieux. Il avait apporté quelque chose.


- Prends-ça. Tu en auras besoin.


C'était une miche de pain noir. Iverna déclina :


- Je ne peux pas accepter. Vous en aurez plus besoin que moi.


- Non, nous sommes une clan et tu es toute seule. Où comptes-tu aller maintenant ?


Iverna eut un soupir maussade en cachant le cadeau sous son manteau de fourrure.


- Je ne sais pas. Personne ne voudra de moi lorsqu'ils sauront que j'ai été disgraciée.


- Pas sur Aphelion. Ils ne connaissent pas nos coutumes.


Iverna ne répondit pas.


Pour son départ, toute la clan se réunit pour exécuter le dernier rituel. La chamane présenta à la disgraciée la Marque des Parias: un disque en pierre noire grand comme une paume de main, un crâne y était sculpté. La chamane prononça ensuite une dernière prière :


- Par la coutume de nos ancêtres conférée par Dagh le Juste, le clan Kenoc'hlann bannit Iverna. Par ses actes, elle s'est montrée indigne de ses parents et de ses ancêtres et a ainsi perdu le droit de porter leur nom. Où qu'elle aille, ceux qui verrons la Marque des Parias à la boucle de sa ceinture sauront son déshonneur. Que personne ne s'avise de lui offrir l'hospitalité et qu'elle ne revienne jamais ici, sous peine de mort. Aux yeux des hommes, elle a perdu tout honneur. Aux yeux des dieux, seule une mort glorieuse pourra effacer son infamie. Ainsi soit-il.


Le clan répéta la dernière phrase avec cérémonie. C'était fait : Iverna n'appartenait plus à son clan.


Elle accrocha la Marque des Parias à sa ceinture et quitta le village sans se retourner.

Iverna avait 16 printemps et elle avait tout perdu. Il ne lui restait plus qu'à chercher une mort glorieuse, hallebarde à la main. Mais où ? Nisvernheim ne voulait plus d'elle.


Elle devait quitter l'île.

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17 commentaires

Erine Kova

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Il y a 3 ans

C’est super rude pour Iverna mais logique dans tout ce contexte Tout est tellement bien décrit et amené j’adore ta plume. On a tellement envie de voir comment Iverna va se relever

Mary Cerize

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Il y a 3 ans

Iverna est décidée victime de Tang d’amertumes, de violences et elle doit faire face à diverses situations complexes… lors de tes descriptions regorgeant diverses émotions, on sent en tes chapitres du caractère qui donne envie de s’intéresser à ton histoire. Vraiment un univers dans lequel t’initie tes lecteurs avec brio. Écriture fluide, textes bien décrits et bien répartis avec chaque détails qui annoncent les couleurs vives de ton histoire. Un déroulement intense et captivant! Tout comme ton résumé, la cover est assez intrigante et peu commune. Superbe 👍🏾 j’ai hâte d’en savoir plus continue et bonne chance !

SerCyr

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Il y a 3 ans

merci!

Feline Grey

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Il y a 3 ans

Eh bien... Que d'émotion pour la jeune Iverna ! La pauvre, cela doit être terrifiant d'être bannie et reniée par les siens. Ton écriture est vraiment fluide et on se laisse facilement porté par tes mots. Il y a même une certaine poésie, comme ce passage où te répètes une nouvelle fois qu'elle a 16 printemps "Iverna avait 16 printemps et elle avait tout perdu.". La suite lui réserve un tout autre destin que celui auquel elle avait songé, mais je suis sûre qu'il n'en sera pas moins riche en épreuves et glorieux, c'est du moins ce qu'on lui souhaite !

Feline Grey

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Il y a 3 ans

Hâte qu'elle parte à l'aventure, on va pouvoir découvrir de nouveaux endroits et peut-être de nouvelles civilisations. D'ailleurs n'hésite pas à expliquer , si cela n'est pas le cas, si le clan d'Iverna voyage beaucoup, si les terres hors de l'île ont déjà été explorées, si c'est quelque chose qui leur est familier ou inconnu. Et autre petit point, ça m'a un peu perturbé la scène où le conseil est rassemblé. Comme tu fais beaucoup d'alinéas c'est certes agréable à la lecture mais du coup on ne discerne plus très bien tes ellipses et j'ai du relire le passage pour comprendre que du temps s'était écoulé entre le moment où elle est juste avec son oncle dans les bois, et celui où elle est entourée du Conseil, d'ailleurs cette partie n'est pas très claire visuellement car nous n'avons pas beaucoup d'éléments sur le lieu, est-ce que le conseil les a rejoint ? Comment ? L'oncle est-il parti les chercher et revenu ? les a-t-il contacté à l'aide d'un moyen de communication qui leur est propre ? Iverna et son oncle sont-ils rentrés ? Dans ce cas où a lieu le Conseil ? Y a t'il un endroit dédié ? Est-ce en intérieur ? En extérieur ? Bien sûr je sais à quel point il est difficile de tout faire rentrer en 7000 caractères mais n'hésite pas à développer à la réécriture quand tu ne seras plus limité par ce format :)

SerCyr

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Il y a 3 ans

Merci pour le conseil sur le worldbuilding et la description du lieu. Les 7000 caractères ont effectivement été un facteur limitant et je devais faire un choix entre prendre le temps de tout expliquer ou faire avancer l'intrigue. Désolé si tout n'est pas clair du coup. Je fais confiance au lecteur, ce n'est pas QUE mon interprétation après tout.

Merixel

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Il y a 3 ans

C'est là que la guerrière va se révéler! Vivement la suite!

Christopher Llord

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Il y a 3 ans

J'adore ton histoire jusqu'à présent. Tu mets très bien dans l'ambiance et ton texte est fluide, avec un bon rythme. Pour la marque des Parias j'aurai fais une cicatrice ou un tatouage sur sa peau qu'elle ne peut retirer, et que tout le monde peut voir au premier coup d’œil. Hâte de lire la suite.

SerCyr

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Il y a 3 ans

En effet, un tatouage ou une cicatrice auraient été plus indélébiles mais j'aimais bien l'idée qu'Iverna ait le choix de porter la Marque, qu'elle soit d'accord pour subir cette tradition,pour être réglo.

Christopher Llord

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Il y a 3 ans

J'aime bien l'idée en effet. Elle reste en accord avec les valeurs de son clan même si celui-ci l'a reniée.
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