Fyctia
Chapitre 16 - Sa Main
Zoé s'était réveillée tôt. Elle avait laissé Tomas en fin de journée quand son beau-frère était venu le raccompagner chez lui et vérifier que le bateau était rentré sans heurt.
Elle avait profité du petit déjeuné de l'hôtel avant d'aller se balader dans les rues déjà animées du centre-ville. La ville de Tremblant était très touristique et beaucoup de Québécois venaient y passer le week-end ou des vacances, en famille ou entre amis.
Elle, qui avait toujours détesté les touristes à Paris, prenait plaisir à se laisser porter par leur flot qui emplissaient les terrasses et prenaient la direction du lac ou des sentiers de randonnée.
En tant que citadine pure et dure, elle avait l'impression de découvrir un nouveau monde. Celui des sportifs d’extérieur. Ici, les gens ne faisaient pas leur footing sur le bitume, mais autour d'un lac ou en trail sur des sentiers. La mode était aux chaussures de randonnée plus qu'aux bottines. Une étrange décontraction et une atmosphère de vacances entouraient la ville.
Elle se sentait enfin bien.
- Cette après-midi, c'est moi qui choisit le programme ! Avait-elle dit à Tomas en le retrouvant à la sortie de son kiné.
Quand ils arrivent sous le télécabine, Tomas marqua un temps d'arrêt.
- Je me suis renseignée ce matin, l'arrivée est facile pour les personnes à mobilité réduite.
Un regard de Tom suffit à ce qu'elle se déteste d'avoir précisé cela. Il devait certainement déjà connaître le lieux et l’entraîner de force en haut d'une montagne juste pour profiter de la vue, cela ne semblait finalement pas une si bonne idée...
Pourtant, il la remercia poliment d'avoir pensé à demander avant de s’avancer jusqu'au départ du téléphérique.
Tomas fila au fond de la cabine pour cacher son profil gauche au couple qui partageait la cabine avec eux. Il gardait un œil sur Zoé qui semblait aussi excitée d'une enfant lors de sa première sortie scolaire. En quelques phrases, elle sympathisa avec le jeune couple. Ils venaient de Montréal et passaient leur premier week-end en amoureux. Nikki était fleuriste et Alex plombier. Tom se figea quand la jeune femme demanda à Zoé si pour eux aussi, c'était une première.
- Oui, je suis venue de France pour rencontrer Tom et son pays.
- Et alors, t'en pense quoi ?
- C'est surprenant et apaisant. Ça change de Paris.
- Et de ton Chum ?
Zoé prit le temps de dévisager Tom avec un sourire espiègle.
- Je crois que c'est comme cette ville, surprenant et apaisant.
La cabine arriva en haut alors que Zoé échangeait son numéro avec Nikki qui rêvait de découvrir, "Paris et l’Europe". Zoé sortit sans porter d'attention à Tom qui luttait avec son corps pour passer la porte dans les temps.
Dans la précipitation, sa jambe gauche refusa de lui obéir et il se retint à Alex pour ne pas tomber.
- Hey, doucement l'ami.
Tomas releva la tête en s'appuyant sur le corps sûr et solide de leur partenaire d’ascension.
Il vit le regard surpris de l'homme quand il se retrouvera nez à nez avec lui. Il le repoussa pour lui épargner son profil déchiré et vacilla à nouveau. L'homme maintenu sa prise sur ses épaules et le remis droit.
- Ça va aller ?
- Oui, merci, répondit Zoé en passant son bras sous celui de Tomas pour le maintenir en saluant ses nouveaux amis qui ne les laissèrent qu'après-avoir avidement dévisager Tom.
Dans le flot de visiteurs, il ne parvenait pas à retrouver son équilibre.
- C'est pour ça que je n'aime pas sortir.
- Tu t'en sors très bien, lui souffla Zoé en serrant sa prise autour de son bras, se collant un peu plus contre lui.
Tomas voulait pouvoir marcher seul, déjà qu'il devait supporter sa canne de vieillard, il refusait d'être ce pauvre mec handicapé.
Pourtant, la pression de Zoé sur son bras, son odeur, la caresse des boucles de ses cheveux conte sa joue. Elle était si proche de lui, elle se serrait contre lui et marchait à ses côtés. Il en avait rêvé si longtemps.
Alors que sa main gauche avait décidé de reprendre sa liberté et de s'agiter entre eux. Dans un geste simple et naturel, Zoé fit glisser ses doigts le long de son bras et les mêla aux siens.
Sa main dans la sienne. Il revécut tout, les papillons dans le ventre, la gorge sèche, se sentir hors de son corps, avoir l'impression que tout son être n'est plus que dans cette main, qu'il n'est plus que ce contact.
Sa main qui serre, sa pomme qui réchauffe, ses doigts qui glissent entre les siens.
Elle était là, avec lui, main dans la main alors que tout le monde pouvait les voir. Il aurait voulu crier, s'assurer que le monde entier les voit, que tous sache son bonheur. C'était meilleur que son premier baiser, meilleur que sa première fois. Il aurait jeté tous ses souvenirs, pour que ce moment ne s'arrête jamais.
Ses douleurs, ses tremblements, ça n'existait plus. Il ne ressentait plus que le corps de Zoé contre le sien. Il se laissa guider jusqu'au point de panorama. Tout s'arrêta, elle se détache, le lâcha pour courir se pencher par-dessus la balustrade.
Sans sa main, sans son corps près du sien, il sentit un grand vide, brutal, mais dès qu'elle se retourna vers lui pour lui offrir un sourire, il fut capable de voler à nouveau.
Quand lui avait-il donné tant de pouvoir sur lui.
- Viens, on doit absolument faire une photo. C'est magnifique.
Elle était là, avec lui. Elle était venue là pour lui. Il l'aimait bien trop pour que ça puisse être réel.
Elle pressa son corps contre le sien pour entrer dans le cadre, sa joue sur son épaule, sa main sur sa hanche, son odeur partout autour de lui.
Une envie sourde et brutale le saisit. Il avait envie de la prendre par la taille, de la serrer fort, de l'embrasser. Sentir ses lèvres. Il la désirait intensément. Pourtant, avant que son esprit n'ordonne, avant que son corps n’accepte d'obéir, elle s'était déjà échappée courant comme une enfant à la recherche du meilleur point de vue.
Voyant qu'il avait du mal à suivre, Zoé lui proposa d'aller boire un verre au restaurant du haut du mont tremblant.
Elle restait captivée par la vue panoramique sur la vallée, les lacs et les forets de la réserve. Tomas quant à lui ne parvenait pas à détacher son regard de Zoé. Profil qui se découpe sur fond vert. L'agitation ne semblait pas l’empêcher de profiter de la vue perdue dans ses pensées. Il en était certain, elle n'avait jamais été plus belle qu'aujourd'hui.
- Tu sais que je m'étais mise à la course à pied en espérant pouvoir te suivre dans tes randonnées.
- Le premier triste de ne pas pouvoir randonnée, ça reste moi.
Réalisant qu'elle avait été indélicate, Zoé contra.
- Sûrement, car moi, je détestais ça la course à pied.
- Ça te faisait du bien de courir.
Zoé fit une petite moue espiègle avant d'avouer.
- T'avais raison, t'étais pas le seul à mentir.
Tomas prit un air profondément outré sans parvenir à masquer son sourire en coin.
- T'imagines pas le nombre de fois où je te disais que je sortais de la douche après une course alors que mon seul effort avait été de vider un paquet de chips dans le canapé...
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