Suelnna Itinéraire amoureux d'une multiple qui croit se maîtriser Balthazar 1/2

Balthazar 1/2

Un artiste ne se plie pas à la réalité, il l'invente. C'est parce que l'artiste déteste la réalité que, par dépit, il la crée. — La Part de l’autre.


Elle me devance en me regardant à peine : elle doit avoir oublié de se démaquiller la veille et l’image qui me vient à l’esprit me donne envie d’éclater de rire.


Un petit panda.


« Annie ? »


Elle se retourne et son regard se pose sur la peluche que je tiens dans un pot qui devait, selon toute vraisemblance, contenir du thym. Sans que j'aie le temps d'ajouter quoi que ce soit, elle s’avance et les lèvres pincées, se saisit du malheureux pot de fleurs.


« J’ai oublié de t'appeler par ton surnom. Désolé, Nina »


La bouche en coin, elle exprime son contentement et ses paupières se soulèvent : un mignon petit panda.


« Tu n’aurais jamais dû voir une chose pareille. Ce n’est pas pour les âmes sensibles ! »


Je toussote, et souris.


« C’est à cause de mes goûts littéraires que tu dis ça ?


— Heu… non, pas du tout ! Tu veux un café ?


— Volontiers.


— Viens alors, tu peux t’installer sur le canapé. J’arrive. »


Étrange. Il y a quelques jours, elle m’avouait détester le café, et voilà que je trouve dans sa cuisine une machine De’Longhi PrimaDonna Soul. Le prix de cette machine vaut deux bons mois de loyer. C’est relativement cher pour un aficionado du thé comme elle semble l’être.


J’arrive dans la cuisine et là, je vois un joli petit gâteau marbré noir et rose resté intact. Je ne peux m’empêcher d’exprimer mon impression avec un sifflement.


« Joli ! C’est toi qui l’as fait ?


— Non, je… l’ai acheté ! »


Je hausse les sourcils : le gâteau est posé sur un plateau tournant. Elle ment.


« Vraiment ? »


Je la vois en train de se laisser glisser avec subtilité vers l’évier pour se figer les yeux grands ouverts quand mon regard croise le sien. J’éclate de rire, cette fille est un vrai numéro.

« À quoi est-ce que tu joues, Nina ?


— À 1, 2, 3 soleil, quelle question ? »


Je ris à nouveau et puis reprends mon sérieux :


« Perdu. C’est un coupe gâteau que je vois là, dans l’évier ? »


L’air coupable, je la vois baisser les épaules et se diriger vers la petite table de cuisine. Elle effleure l'extrémité du plateau tournant et fait tourner le gâteau.


« Ça me prend, de temps à autre. »


Quels autres talents cache-t-elle? Je veux goûter ce gâteau. Si je n’ai pas gardé Cathy, outre son incapacité totale à laisser le contenu de la caisse tranquille, c’est aussi parce qu’à part manger les pâtisseries, elle ne m’était pas d’une utilité transcendante.


« Tu sais, Nina. » Je pose le sac que j’ai apporté sur la table, et j’attends qu’elle me donne le droit de m’asseoir, puis une fois son accord obtenu d’un signe de tête, je tire la chaise et je m’assieds avant de poursuivre, tout en inspectant son gâteau des yeux : « La pâtisserie est un Art à double tranchant. Il y a deux épreuves à passer quand tu fais de la pâtisserie. D’une part, tu as l’examen des yeux, d’autre part celui…


— Du palais », me coupe-t-elle dans un souffle. J’acquiesce, et me demande si elle comprend mon intention.


« Tu veux du sucre dans ton café ?


— Un, s’il te plaît. »


Elle me sert, prend la chaise restante et se place en face de moi. J’ai l’impression d’être à un entretien d’embauche, chez le candidat.


« Tu veux le goûter, c’est ça ?


— Ce serait un plaisir, mais je ne veux pas te forcer », sourié-je en prenant le sac et en le mettant sur mes genoux.


« Uniquement si tu me dis pourquoi tu es là », elle se saisit du couteau et je sors de mon sac la chemise qui contient le contrat que j’ai préparé et la dépose sur la table.


Un candidat qui veut mener la danse.


Alors qu’elle se lève pour aller chercher des assiettes et nous servir, je dépose le thé qu’elle a acheté la veille et que j’ai récupéré à sa place.


« Merci ! Il a confiance, ce marchand ! »


Je ris.


« Nina, j’ai besoin de toi. »


Son regard croise une fraction de seconde le mien, avant de s’attarder sur le contrat. Il est temps que je me confie à elle, car, après tout, j’ai découvert quelque chose qu’elle tenait à garder secret entre nous.


« Je me sens vite dépassé, quand il y a du monde autour de moi. C’est une phobie que j’ai depuis l’enfance. »


Une œillade dubitative accueille ma déclaration. Je prends une bouchée, ce cake est une tuerie. Elle dépose le contrat sur la table et attend la suite.


« J’ai besoin de quelqu’un qui a le contact facile avec les gens. Une personne qui est en mesure de prendre des initiatives, comme le fait de rouvrir le salon de dégustation, par exemple.»


Elle regarde ma part de gâteau, que je me retiens d’engloutir. Elle se contrefout totalement de ce travail. Ce qu’elle veut : savoir si j’aime son gâteau.


« En plus, tu n’as pas l’air étrangère au métier. Tu pourrais devenir mon bras droit et je pourrais enfin être autonome, financièrement parlant. »


Un rictus se forme et ses lèvres s'entrouvrent en une moue ironique :


« Alors comme ça, on dépend de papa ?


— Oui. »


Autant ne pas mentir. Si on veut travailler sur le long terme, autant apprendre à se faire confiance.


Elle passe la langue sur sa lèvre supérieure pour me faire saisir toute sa satisfaction à ma réponse. A-t-elle oublié qu’elle ressemble à un raton laveur, avec sa tignasse en pagaille ?


« Demain, je ne peux pas. J’ai accepté une commande et c’est pour un mariage… »


Je termine ma part de gâteau, quand je la regarde à nouveau, elle a les paupières closes et les lèvres pincées. Vais-je vraiment faire ce que je m’apprête à faire ?


« Pas de problème, je peux rester fermé demain et venir t’aider ? »


Elle ouvre les yeux d’un coup et penche la tête.


« Vraiment… tu m’aiderais ? »


Elle se lève et récupère mon assiette vide.


« Entre passionnés ? »


Je me lève à mon tour et la dévisage :


« Tu seras ma cheffe… »


Un sourire se dessine sur son visage, j’ai envie de l’embrasser. Ne dit-on pas que le chemin le plus rapide vers le cœur d’un homme est son ventre ?


Je sens une pression contre ma jambe et sursaute puis regarde par terre et je vois une masse noire et touffue, deux magnifiques billes vertes qui me fixent.


Elle éclate de rire.


« Oh ! Melchior n’est pas habitué à voir ses semblables… »


Je la toise désormais du regard, est-ce qu’elle se moque de moi ?


« Je parle des mâles bien sûr, pas des rois mages ! »


Là, elle se fout de moi.






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30

30 commentaires

Mira Perry

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Il y a 2 ans

Coucou ! J'ai rattrapé les likes manquants. N'hésite pas à passer chez moi à l'occasion 😉

Anne-Estelle

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Il y a 2 ans

Il n'a pas l'habitude de la foule, mais il a une répartie de dingue quand il s'agit d'être en tête à tête. Il a raison d'être cash, de lui dire qu'il a besoin d'elle. Par contre, demander à pâtisser avec elle ? C'est pas un peu trop "précipité" ? Je me demande. Il ne l'a pas vue depuis deux jours, elle lui montre clairement qu'elle n'en a rien à faire de ce job, ou même de lui, et il lui propose ça comme si c'était une idée géniale alors qu'il fuit quand même le contact en général

Lexa Reverse

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Il y a 3 ans

coup de pouce de l'avent :)

clecle

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Il y a 3 ans

Bah oui elle n'a pas fait preuve de tact, dommage on sentait poindre un peu de romantisme. Va falloir rattraper tout ça en faisant des bons gâteaux !

Suelnna

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Il y a 3 ans

Faut toujoooours qu'elle gâche tout ! Mais ce n'est que la partie 1 ^^"

Gottesmann Pascal

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Il y a 3 ans

Melchior et Balthazar. Il ne manque que Gaspard.

Suelnna

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Il y a 3 ans

Tu crois que ce sera qui ? Je vais lancer une enquête dans le prochain chapitre !
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