Gaïane MILLER Isola d'Elba Petit-déjeuner toscan

Petit-déjeuner toscan

Stella s’étire comme un chat et se demande pendant quelques secondes où elle se trouve.

— Je suis chez Alessio, dans la chambre d’ami et j’ai dormi comme un bébé. Au boulot !


Dans la cuisine, une petite dame rondelette aux cheveux noirs s’affaire devant le four.

— Bonjour Angela, je suis Stella Caselli, la…

— Je sais qui vous êtes, Monsieur Brancardi m’a mise au courant. Installez-vous dans le patio, je vous sers un jus de fruit pendant que Monsieur termine sa séance de natation.

— Ces petites brioches sentent très bon et doivent être délicieuses. Je peux vous aider à porter quelque chose ?

— Merci, mais c’est mon travail. Contentez-vous de vous laisser servir puisque ce sont les ordres de Monsieur.


La jeune femme ne sait pas comment analyser les paroles d’Angela. Les mots sont, de prime abord, bienveillants mais le ton est plutôt caustique. Stella comprend la réaction de la femme car, après tout, elle a aussi le statut d’employée mais elle s’assoit à la même table que le maître de maison.


Arrivé au bout de la piscine Alessio rejette ses cheveux en arrière et aperçoit Stella. A la force des bras, il se hisse hors de l’eau et la jeune femme se délecte de la vision de ce corps d’athlète. Le torse en V recouvert d’un léger duvet sombre et les tablettes de chocolat la font saliver. En quelques jours, Alessio a repris la plupart des kilos perdus et, grâce à un entrainement intensif, a retrouvé ses muscles d'avant. Gênée d'être surprise en flagrant délit de convoitise, elle remercie Angela qui remplit son verre en la dévisageant avec curiosité.


Alessio enfile un peignoir en soie noire qu'il laisse négligemment ouvert et lorsqu’il s’assoit face à elle, le regard de Stella est scotché sur l’échancrure.

— Je constate que vous appréciez… les confitures et les pâtisseries faites maison, la taquine Alessio un brin amusé. Les brioches confectionnées par Angela sont encore chaudes et le pain aux céréales est fabriqué par le boulanger du village voisin. Si vous préférez, il y a une salade de fruits frais de saison.

— Les yaourts sont faits maison ? demande Stella qui sent le rouge lui monter aux joues.

— Evidemment !


Alessio resserre le col de son peignoir et penche la tête pour tenter de lire à l’envers.

— C’est quoi cette feuille ?

— Je n’arrivais pas à m’endormir alors j’ai travaillé un peu pour peaufiner votre surveillance et j’ai fait la liste du matériel que vous devrez acheter.

— Vous ne pouvez pas vous en occuper ?


Embarrassée, Stella ne sait pas comment avouer qu’elle a dépensé tout l’argent.

— Heu… L’enveloppe que vous m’avez donnée a fondu comme neige au soleil. J’ai acheté une paire de jumelles et j’ai aussi craqué sur un détecteur de caméras espions et quelques autres babioles qui me seront utiles.


Des caméras espions ! Alessio est sidéré par les termes employés et il a l’impression d’avoir intégré le casting d’un film avec James Bond.

— Vous n’en faites pas un peu trop ? s'interroge-t-il en coupant une brioche en deux.

— Quand vous m’avez dit avoir été suivi, j’ai pensé au vol de données. Les criminels utilisent des appareils qui amplifient ou imitent le signal des télécommandes pour entrer dans les véhicules sans les forcer. Je vous passe les détails techniques mais, en résumé si vous mettez vos télécommandes, portables ou ordinateur dans un sac de Faraday, le signal est…

— Je connais le principe de la cage de Faraday, s’impatiente Alessio en beurrant généreusement sa demi-brioche. J’ai compris.

— C’est une mesure préventive très efficace pour la sécurité des véhicules et des données informatiques. Les services de médecine légale, l'armée et beaucoup d’hommes d’affaires les utilisent pour assurer la confidentialité de leur travail et leur sécurité personnelle. Je suis étonnée que vous ne…

— Jusqu’à notre rencontre, je me sentais en sécurité. Même après le décès de ma femme.


Le nez baissé, Alessio s’applique à étaler du miel de châtaigne et Stella ne peut voir si son regard est triste. Elle pose son bol et reprend la feuille et le stylo.

— Sinon, pour faire plus simple, vous avez le sac banane faraday dont la taille permet d’y ranger plusieurs téléphones portables, vos clés de voiture et cartes bancaires mais il coûte cent euros.


Alessio se redresse, ses yeux lancent des éclairs.

— Je m’en fous du prix. Un sac banane !! Vous me voyez porter une telle horreur avec un costume à mille euros ? Vous êtes sérieuse ??

— C’est bien utile pour avoir les mains libres. Je ne suis pas très sac à main alors il m’arrive d’en porter un, surtout en vacances.

— C’est votre style mais pas le mien.

— Quoi mon style ? s’énerve Stella en brandissant le stylo en direction de l’architecte. Qu’est-ce qu’il a mon style ?

— Pardon, je ne voulais pas vous offenser mais reconnaissez que ça ne le fait pas sur moi.


Stella capitule.

— Ok, je supprime le sac banane. Par contre, il faudra plusieurs pochettes faraday. Une pour votre ordinateur, une pour votre portable, votre carte bancaire et…

— C’est bon, laissez tout. Je vais mandater un « runner ».

— Un quoi ?

— Une personne qui effectue mes achats à ma place. Il existe une application très utile pour ce genre de service. Je l’utilise souvent.

— Non, ce n’est pas prudent. Si vous êtes surveillé, il pourrait se faire intercepter et informer vos…

— Ok. Je vous donnerai une carte de crédit et vous ferez ces achats. Vous avez terminé ?

— Je suis prête, on peut y aller.


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