Le Mas de Gaïa InnoScIence Méli Malo - 7/7

Méli Malo - 7/7

Le lendemain nous sommes réveillées par un petit groupe de goélands installés sur une bordure de toit qui crient à tue-tête face au large. Comme promis, nous partons pour notre visite supra-muros de la ville fortifiée. Au sommet des remparts, la vue est époustouflante. En contrebas, les vagues grignotent la plage de Bon-Secours. Au loin, les villas Belle Époque de Dinard se découpent sur la côte. Je respire l’air iodé et vivifiant à plein poumon et me souvenant de ma promesse, envoie un SMS à O’Sullivan avant de commencer notre ballade touristique.


  • Pk es-tu parti ?


C’est succinct et droit au but, mais il comprendra.


Sans attendre de réponse, nous longeons les maisons de riches armateurs malouins, découvrant d’autres très belles vues, tant sur la ville remontée pierre à pierre que sur la mer. De bastion en bastion, nous découvrons les îles et les rochers pointant sur la surface houleuse, une vue sur l’isthme étroit reliant la vieille ville à ses faubourgs, les caps et les plages de sable fin réparties en corolle au pied des remparts. La marée montante modifie de façon spectaculaire l’aspect du rivage. Les vagues partent progressivement à l’assaut des remparts. Lorsqu’elles viennent s’échouer sur la digue du sillon, le spectacle est extraordinaire. Nous continuons sur le chemin de ronde pour nous retrouver cette fois face au Môle des Noires dont l’arrondi évoque la queue d’un dragon légendaire et à la Cité d’Alet, le cœur antique de Saint-Malo.


Au bout des remparts, la silhouette du château, dominé par son donjon, nous indique la ligne d’arrivée. Nous avons laissé nos vélos sur l’esplanade Saint-Vincent, mais le même sentiment d’être surveillé que la veille me taraude. Faisant une pause, je sors mon téléphone et jouant à la touriste jusqu’au bout, je prends des selfies sous toutes les orientations. Je parcours les photos en me concentrant sur l’arrière-plan jusqu’à ce que je la repère.


La jeune femme au carré strict et à la tenue un peu trop légère qui étudiait la carte de la crêperie hier soir se trouve à quelques mètres derrière moi sur un des clichés. Je relève brusquement la tête et me retourne. Son changement d’attitude trahit que sa présence n’est pas le fruit du hasard. En trois pas, elle se rapproche. Au moment où la notification de la réponse du Doc retentit, elle m’arrache l’appareil des mains et sort un pistolet à injection de sa poche. Je saisis le poignet de Ïéléna et pars en courant. Nous slalomant quelques instants entre les touristes, mais le terrain est trop dégagé pour pouvoir semer qui que ce soit.


Plutôt que de continuer sur le chemin de ronde, nous descendons une volée d’escaliers quatre à quatre. Suivant les parterres de pavés, nous pénétrons dans le dédale de rues, d’escaliers et de passages vides et silencieux. Quand je sens que je traîne plus que je ne guide mon amie, nous nous engouffrons dans un magasin de souvenirs bondés. Ïéléna me tend deux casquettes :


— Dans les films, ils mettent toujours des casquettes pour pas se faire repérer.


— On est en plein mois de novembre, tu as vu beaucoup de gens avec des casquettes dans les rues ?


Elle secoue la tête penaude. J’attrape un bonnet noir et lui enfonce sur la tête :


— Mais tu as raison, tes cheveux sont bien trop identifiables. C’est juste qu’en cette saison on ne se protège pas du soleil, mais du froid, je ponctue d’un clin d’œil pour adoucir ma première réplique un peu sèche.


La silhouette imposante de la propriétaire de l’échoppe se place innocemment entre la porte et notre position au moment où miss coupe au carré scanne le magasin, les sourcils froncés au-dessus de ses lunettes rectangulaires. Une fois le danger parti, notre fugace complice nous fait un clin d’œil et retourne à ses autres clients. L’esprit rebelle de la flibuste est toujours bien présent dans la cité corsaire.


Je paye le bonnet en laissant un beau pourboire et reporte mon attention sur Ïéléna. Je lui retire son manteau Desigual bien trop voyant et lui échange contre ma doudoune noire. Je ramène mes propres cheveux en un chignon rapide maintenue par une pince, retourne sa veste et l’enfile à l’envers, la doublure étant bien plus discrète. Ainsi accoutrées, nous ressortons, sur nos gardes.


Des rayons de soleil percent l’ombre des bâtisses. Nous suivons les chemins jusqu’à la lumière, puis jusqu’aux murs de la ville. Nous les contournons d’en bas cette fois, découvrant une galerie de niches, portes et grottes qu’on n’imagine même pas quand on est sur les remparts. Digues, remparts et rochers se font violemment tabasser par des eaux déchaînées et nous nous faisons copieusement éclabousser par ce combat terre-mer.


Ce niveau est désert et nous ne pouvons pas décemment continuer sans nous faire repérer. Entre deux vagues, nous nous glissons dans une alcôve aménagée dans les remparts. Invisibles du chemin de rondes, avec une vue dégagée à 180° et le bruit de la mer couvrant tout le reste, nous patientons dans notre cachette improvisée en surveillant les alentours. J’espère que personne n’imaginera qu’on ait choisi une planque si inconfortable et qu’au contraire on nous attende à la gare. D’ailleurs il va falloir trouver un autre moyen de rentrer, car une chose est sûre, on va louper notre train.

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65

65 commentaires

Zebuline

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Il y a 8 mois

Rhaaa mais il a répondu quoi ?!? Top ce chapitre !

Ady Regan

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Il y a 9 mois

Encore de magnifiques descriptions, je ne m'en lasse pas. Même pas besoin d'aller à St-Malo je connais déjà tout 😜 sinon cette femme est vraiment très étrange et je me demande ce qu'elle veut ! Et on ne saura pas ce que le Doc a répondu 😭

Le Mas de Gaïa

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Il y a 9 mois

Désolée, la frustration ne devrait pas durer troooop longtemps ;)

LOVE SAND

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Il y a 9 mois

Alors là, je te remercie de m'avoir fait découvrir St Malo que je ne connais pas du tout et que j'avais l'impression de visiter accrochée à ton bras. Tes descriptions sont très immersives. Cette course poursuite accélère le rythme de ton récit en y ajoutant une petite dose de suspens fort appréciable. Je m'interroge tout de même: cette chasse à l'homme n'a pas vraiment l'air de l'inquiéter, c'est voulu? En tout cas, moi je voulais connaitre la réponse du Doc, me voilà fort déçue, j’espère qu’elle trouvera un moyen de mettre tout ça au clair :(

Le Mas de Gaïa

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Il y a 9 mois

Je ne connais pas non plus St Malo 🫣 mais c'est comme ça que je l'imagine d'après les photos et plans que j'ai étudié ;) J'ai essayé de montrer par le détachement de Gaïa qu'elle reste un corps programmé pour une mission et que du coup elle n'a pas tout le spectre des émotions "normal". Au fur et à mesure qu'elle se reconstruit, elle va de plus en plus ressentir (enfin c'est l'objectif)

clecle

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Il y a 9 mois

J'aime le contexte dans lequel tu places ce rebondissement et cette partie de cache-cache en quelque sorte (St Malo, super décor). Est-ce que G a des hypothèses concernant cette personne ? elle n'en discute pas avec Ielena comme si elles n'avaient pas tellement d'interrogations sur cette attaque pourtant surprenante. Peut-être que la partie descriptive au début du chapitre pourrait être un peu raccourcie, car elle trouve un écho dans la fin du chapitre lorsqu'elles se cachent. Cela peut entraîner un effet répétitif. Autre point, elle vient de perdre son téléphone, ne craint-elle pas que l'inconnue fouille dedans et récupère des infos importantes ?

Le Mas de Gaïa

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Il y a 9 mois

Alors son téléphone ne lui sert qu'à communiquer et faire des recherches donc non pour les infos importantes, en revanche elle se dit que la gare doit être surveillée. Pour les hypothèses et la discussion avec Ïéléna, je vais voir comment aborder le sujet rapidement ici parce que tu n'es pas la première à s'étonner qu'elles n'abordent pas le sujet.

CarlaRN

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Il y a 9 mois

Tes descriptions sont toujours très belles, j'aime beaucoup ! En revanche, je trouve qu'elles ne sont par forcément nécessaires ici, du moins, pas autant. Gaïa fait face à un danger, elle ne devrait pas prendre le temps de contempler les paysages. Si tu étais en narration omnisciente à la 3e personne, OK, mais dans la POV de Gaïa, j'aurais tendance à développer davantage les sensations, ses émotions, plutôt que le paysage. Par exemple, donner des détails sur les répercussions de cette course poursuite : essoufflement, sueur, etc. Je trouve que l'action est un poil trop rapide. On ne sait pas si elles ont couru longtemps pour la semer ou non. Pour résumé, je te conseillerais de développer davantage l'action et de réduire les descriptions ☺️ (Encore une fois, ce n'est qu'un avis perso, mais j'adore la tension dans les livre !)

Le Mas de Gaïa

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Il y a 9 mois

Oui, tu as raison, j'ai tendance à me mettre dans l'ambiance avec les description pour pouvoir visualiser la scène, mais clairement ici je devrais développer les ressentis et l'action. Merci

Leo Degal

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Il y a 9 mois

Toujours de très belles descriptions, on voit le soin que tu prends à les rédiger, c'est superbe ! Gaïa avait raison de se fier à son instinct, on le sentait depuis la scène de la crêperie... J'ai trouvé que la scène d'action manquait un peu de rythme, les phrases m'ont semblé un peu longues, un peu construites à l'identique, avec un complément d'entrée, puis la phrase principale ensuite, je ne sais pas. Je ne suis pas une experte des scènes d'action, c'est vraiment pas ce que je préfère écrire, mais ici, j'ai trouvé que c'était un peu abrupt. La perte du téléphone est évidemment on ne peut plus frustrante !!!
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