Fyctia
Amy vs Nathan (First Round)
Le refrain de Bad Romance s’arrête pour repartir de plus belle. En temps normal, j’aurais décroché dès la première sonnerie sauf qu’ici, la normalité est partie en vacances. Nathan, d’ordinaire si attentionné, se montre violent envers Samara. Aucun Monarch à l’horizon alors que les vestiaires devraient déborder de testostérone et surtout… Pourquoi le complexe sportif est-il désert ? Où sont passés les basketteurs, les nageurs et les adeptes de baseball ? Ils ne finissent quand même pas tous leur entrainement à cinq heures de l’après-midi.
- T’attends quoi pour éteindre ta saloperie de portable ?
S’il existait un championnat du monde de la fouille de sac, je remporterais la médaille d’or à coup sûr. Je coupe le sifflet de Lady Gaga et, parce que je sais qu’Hannah n’arrêtera pas d’appeler tant qu’elle n’aura pas eu de mes nouvelles, je passe en mode avion. Quand je relève la tête, Nathan se trouve devant moi. Je sursaute et, en retour, il m’adresse un sourire ultra bright.
- Alors, comme ça, on joue les commères ?
- No… Non. Je… Je passais juste par là.
- Vraiment ?
Son regard me scanne de la tête aux pieds, s’attarde un peu trop longuement sur ma poitrine avant de revenir se poser sur mon visage. Son sourire s’élargit.
- Je pensais connaître les plus belles filles du lycée mais je me trompais. Comment se fait-il que je ne t’ai jamais remarquée ?
Le contraire m’aurait étonnée. Nous n’avons que l’histoire-géo en commun* et il y brille par son absence, ce qui ne l’empêche pas de faire partie des meilleurs élèves grâce à la magie de la carte bancaire de papa.
- Comment tu t’appelles, ma jolie ?
Une autre que moi aurait fondu devant son sourire ravageur mais on ne me la fait pas. Ses compliments dépourvus de sincérité ne me feront pas oublier son comportement odieux envers Samara.
- Elle n’est personne.
Sérieusement, Samara ?
- Je ne t’ai pas sonnée.
La froideur de sa réponse me file la chair de poule tout comme sa façon de me dévisager. J’ai l’impression d’être une minuscule souris devant un méchant, très méchant matou. Mon instinct ne me souffle plus de partir. Il me le hurle.
Sans lui répondre, je fais mine de le contourner. Il me bloque le passage.
- On est en train de faire connaissance et tu veux déjà t’en aller ? Tu n’es pas très polie.
- Laisse-moi passer, s’il te plaît.
- Mais je n’en ai pas envie.
Nathan approche sa main de mon visage. Je la dégage aussi sec.
- J’ai déjà un copain alors bas les pattes.
Chez moi, le stress se traduit de deux manières. Soit je me comporte comme la dernière des imbéciles, soit je réagis comme un taureau devant lequel s’agite un chiffon rouge. L’attitude de Nathan fait ressortir le taureau en moi.
Ses prunelles azur s’arrondissent et je peux presque voir les rouages s’agiter dans sa tête. Comment ? Une fille aussi banale ose repousser mes avances ? Sacrilège !
Son sourire disparait.
- Pour sortir avec toi, il faudrait être désespéré.
Une partie de moi est soulagée de le voir abandonner son masque de prince charmant au rabais. Une autre se dit qu’il faudrait en profiter pour se carapater en vitesse. La dernière ne voit qu’un chiffon rouge d’un mètre quatre-vingt-dix-sept.
Je sais ce qui va suivre et je le regrette déjà.
Tout compte fait, il aurait mieux valu que l’imbécile se manifeste en premier. Au moins, elle a un instinct de survie.
- J’ignore si Ian est désespéré mais, en tout cas, lui ne me trompe pas.
Ou comment creuser sa propre tombe, par Amy Turner.
J’imagine d’ici mon épitaphe.
Amy Turner,
21 juin 1995 – 15 janvier 2013
Si elle avait tourné sa langue sept fois dans sa bouche, elle n’en serait pas là.
Nathan reste silencieux. Dangereusement silencieux. Sans ses poings crispés et un tic nerveux au-dessus de sa paupière droite, on pourrait croire que ma pique ne l’a pas atteint.
On serait alors stupide.
Ce qui m’amène à la question suivante. Sur une échelle de un à dix, à quel point suis-je mal barrée ?
- Mec ! Qu’est-ce que tu fous ? J’arrête pas de t’envoyer des messages !
Je n’ai pas le temps de me retourner que Zachary nous a rejoints. Je ne pensais pas que le jour viendrait où je serais heureuse de le voir, celui-là. Il nous regarde alternativement, un sourire idiot aux lèvres
- Ah… Je comprends mieux. Dis-donc, tu n’as pas honte de draguer devant ta nana ?
Il ponctue sa blague d’une tape dans le dos de Nathan. Instantanément, le tic nerveux s’arrête, les poings se desserrent et le sourire ultra bright fait son retour.
- Ne dis pas n’importe quoi. Pourquoi irais-je voir ailleurs alors que j’ai une beauté pareille à mes côtés ?
Comme si elle n’attendait que cela, Samara se détache du mur et vient de lover contre lui. Nathan l’embrasse avec passion et… elle ne le repousse pas ?
- Regarde sa tête ! Elle pensait réellement avoir une chance avec toi ?
Non, Zachary. Je pensais que Samara avait un peu plus de jugeote. Son mec la trompe, se montre violent envers elle, la traite comme une moins que rien et comment réagit-elle ? Elle lui roule le patin du siècle. Elle doit avoir des tendances masochistes, je ne vois pas d’autre explication. Dire que j’ai hésité à l’aider. J’aurais dû suivre mon instinct.
Nathan met fin au baiser et m’adresse un regard méprisant.
- T’as compris le message ? Arrête de me courir après. Je déteste les pots de colle.
Zachary et Samara gloussent et le rouge me monte aux joues.
- Attends, je vais la prendre en photo pour la poster sur Facebook, renchérit Zachary, la main dans la poche de sa veste de sport. En-dessous, je vais mettre « Encore une qui mort la poussière ».
Tout mais pas ça. Je refuse d’être la risée du lycée parce que j’ai eu le malheur de me trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Avec un calme que je ne soupçonnais pas de posséder, je leur adresse mon plus beau sourire hypocrite.
- Ça tombe bien, les mecs aux chevilles plus grosses que leur égo ne m’intéressent pas. Désolée de te l’apprendre Seaver, tu n’es pas le centre du monde.
Le choc se peignant sur leurs visages bouffis d’arrogance n’a pas de prix. Je décide de porter le coup de grâce.
- Et… Zachary ? Pour un homophobe, tu ne crois pas que citer une chanson de Queen** pour illustrer ma photo est le comble de l’ironie ?
Avec son QI de mollusque, il ne doit pas avoir compris la moitié de ma phrase. Peu importe. Ma flèche dégoulinante de sarcasme a atteint sa véritable cible. Tu ne m’impressionnes pas, Nathan Seaver.
À en juger par la fureur dans son regard, il a reçu le message cinq sur cinq.
Je tourne les talons et quitte le complexe sportif.
Deux minutes plus tard, Samara me rejoint.
Trois heures plus tard, je deviens la risée du lycée.
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* Du fait de la particularité du système scolaire américain, les lycéens obtenant assez de crédits dans une matière au dixième ou onzième grade (la seconde ou la première) ne l’auront pas au douzième grade (la terminale).
** En référence à Another one bites the dust, littéralement « Un autre mord la poussière ».
28 commentaires
cedemro
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Il y a 3 ans
Lily Quinn
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Il y a 3 ans
Livia Tournois
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Il y a 3 ans
Mira Perry
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Il y a 3 ans
OcéanePrt
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Il y a 3 ans