Adele Maine Immortelle Chapitre 8 - Baptiste - Part 3

Chapitre 8 - Baptiste - Part 3

Ses lèvres s’étirent sur mon torse. Sent-elle, mon cœur s’emballer en attente de sa réponse ? J’ai la sensation d’être un gamin le soir de Noël. Ne va-t-elle pas s’offenser de ma curiosité ? Ne va-t-elle pas la trouver malsaine ? Peu adaptée ?


— Je pourrais t’apprendre deux ou trois trucs sur la Révolution qui te surprendraient…


Suis-je tordu pour être émoustillé par cette simple phrase ? Je crois bien. Cette femme est la contemporaine de celles que j’étudie depuis quinze ans. Je devais bien la faire marrer avec mes hypothèses d’homme moderne.

Faisait-elle partie de la bourgeoisie ? A-t-elle connu les violences envers ses paires ? Était-elle du côté révolutionnaire, des chouans ?

Iris devait avoir quoi ? Trente ans, à tout casser ; pas loin de l’âge qu’elle paraît aujourd’hui.


— Tu ne vieillis pas non plus ?


Elle secoue la tête et bâille dans l’obscurité feutrée de la chambre, s’étirant comme un chat.

Nous avons passé plus d’une nuit ensemble, mais ne faisait-elle que donner le change pour ne pas divulguer son secret ?


— Et tu as besoin de dormir  ? Je veux dire, comme nous, les mortels ?


Son rire m’enveloppe et sa jambe nue passe au-dessus de la mienne.


— Tu y tiens à cette histoire de vampire, dis-moi.


Son ton se fait malicieux et elle mordille délicatement un de mes pectoraux. Je suis pas loin de l’inciter à continuer.


— Ça fait quoi, dis-moi, comme effet ? De savoir que tout est possible ?


A-t-elle senti la fascination dans ma voix que je tente de dissimuler ? Je ne peux m’empêcher de songer à tout ce qu’elle a vu. Vécue. Iris à traverser les époques que je ne connais qu’à travers des écrits.

Elle soupire et se rallonge contre mon torse, sa main vaquant en un aller-retour lancinant.


— C’est angoissant, j’ai envie de dire. Plus qu’euphorisant. J’ai cru au début qu’on attendait quelque chose de moi. Tu sais, le délire de la grande destinée. J’ai vite compris que mon existence demeurait ordinaire.


— Ordinaire ?!


— Je n’ai pas de capacités supplémentaires.


— Celle de ressuscitée est déjà pas mal.


Ses doigts enroulent ma toison légère.


— Je me suis longtemps demandé si c’était un don ou une malédiction. Du jour au lendemain, un milliard de possibilités s’offrent à toi sans que tu sois capable de choisir. Le champ des possibles est tellement large que ça m’en donne encore parfois le vertige. J’ai bien l’intention de faire quelque chose de ce don, mais je n’ai toujours pas trouvé quoi.


Je ne pensais pas qu’on se posait tant de questions une fois l’immortalité acquise. C’est vrai, naïvement je me dis qu’on en profite pour sauter en parachute sans parachute ou aller dans l’espace. Vivre des expériences inédites sans craindre pour sa vie. Il faut croire que l’esprit humain est plus alambiqué que ça.


— Tu m’as déjà aidé moi. Je trouve ça pas si mal.


Iris se dresse sur un coude, me scrute dans la pénombre.


— Et je n’ai pas l’intention de m’arrêter en si bon chemin…


Le drap glisse sur ma peau nue, provoque une chair de poule qui s’accentue lorsqu’Iris me recouvre de son corps. Une nouvelle complicité nous lie. Elle me semble plus légère. Comme si le fait d’avoir découvert son secret la soulageait. Sa bouche est douce et gonflée de notre étreinte précédente. Ses mains s’enfoncent dans mes cheveux, les agrippent avant de descendre de manière plus audacieuse. Les miennes parcourent ses formes. Ses fesses. Survole son tatouage en bas de ses reins sans s’y attarder. Elle n’a jamais était à l’aise avec. C’est d’ailleurs plus un marquage au fer rouge qu’un dessin à l’encre.


— Ton tatouage date de quand tu étais mortelle ? Il est lié à ta première mort ? je demande sans réfléchir.


Elle sursaute à ma question, interrompt son baiser.


— Je…, je ne sais pas trop.


Son énergie change. Je le perçois. Raidie contre moi, elle plante ses coudes dans le matelas pour s’éloigner.


— Il est apparu à mon réveil, je veux dire après que je sois morte. La première fois, ajoute-t-elle en déglutissant.


Elle roule sur le côté et remonte le drap sous son cou. Je viens de commettre ma première bourde. Me suis-je montré trop intrusif ? Plus de deux cents ans depuis la découverte de son immortalité. Tout cela me semble si lointain, presque lunaire.

Ma main cherche la sienne, mais Iris fuit le lit, attrape un t-shirt et disparaît dans le couloir.


OK. Alors, je m’attendais pas à celle-là…


Je me lève à mon tour, la rejoins une fois habillé d’un bas de pyjama. En trois mois, quelques affaires personnelles traînent chez elle. La lumière me guide. Iris est descendue et s’agite dans la cuisine.

Un verre se brise. De loin, je l’entends marmonner. Descendant les escaliers de fer noir, je la retrouve accroupie en train de nettoyer les débris.


— Iris ? Tout va bien ? je cherche à comprendre en m’approchant à pas feutré.


Ses épaules crispées, son regard fuyant m’interpellent.


— Oui. J’ai cassé un verre. Tu peux remonter te coucher.


Elle me met gentiment, mais sûrement, à ma place.


— Je parlais pas de ça.


En comprenant que j’ai décidé de ne pas lâcher l’affaire, elle maugrée un peu plus et sort une bouteille de vin blanc du réfrigérateur.


— J’ai été trop loin dans mes questions ? Si c’est le cas, je suis désolé, sincèrement.


— On m’avait prévenu, mais le vivre c’est différent.


— De quoi ?


— Rien. Tu pouvais pas savoir, répond-elle à la main crispée en attrapant un nouveau verre. Même moi j’y croyais pas trop.


Je parviens pas à lire entre les lignes. Je possède pas de traducteur spécial Immortel. De quoi l’avait-on prévenu au juste ? Qu’évoquer son passé serait difficile ? Ce n’est pourtant pas la première fois qu’elle doit le faire en trois cents ans.


— Tu n’es pas obligée de tout me révéler. Surtout pas en une seule nuit.


Elle se sert, vide son verre cul sec. J’avance d’un pas, constate que sa main tremble. Sa bouche se plisse. Son ongle tapote le granit de l’îlot.


— C’est plus compliqué qu’il n’y paraît d’en parler. Plus que je ne l’imaginais. Je me croyais prête… que tout ça…


Elle déglutit et sa phase se perd dans sa gorge. Ce qui la dérange n’est pas de me dévoiler son secret. Non. Mais de me parler d’elle. Si son don me fascine, je ne dois pas oublier qu’elle demeure la femme blessée, rencontrée dans un bar. Et, ses blessures, elle les traîne depuis plus longtemps que moi. J’effleure sa joue. Pose un baiser sur ses paupières embuées.


— Je meurs d’envie d’en découvrir plus sur toi, mais il n’y a pas d’urgence. Aucune.


Ses épaules se détendent, son souffle se synchronise au mien. Son corps résiste encore quelques secondes à ma présence avant, de se laisser aller dans mes bras.


— Étrange façon de finir la soirée, murmure-t-elle contre mon torse.


— Je reconnais que tu es pleine de surprise.


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3 commentaires

camillep

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Il y a 6 mois

Leur complicité reste toujours aussi belle à voir. On comprend que Baptiste ait autant envie d'en savoir plus sur sa vie d'avant... mais finalement je trouve qu'il se retient pas mal sur ses questions ! L'histoire du tatouage apparu après la mort soulève des tonnes de questions et d'hypothèses... c'est vraiment chouette ! (surtout qu'à mon avis un tatouage était bien plus dur à dissimulé au 18è s. que maintenant). Le fait qu'Iris soit nerveuse d'en parler est également cohérent, car on devine qu'elle-même est loin d'avoir toutes les réponses à ses questions ! J'ai hâte de la découvrir au réveil après le passage de Ronan !
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