Fyctia
Chapitre 4
Bien sûr, ce premier appartement n’a seulement pas une cuisine et ils doivent faire leur vaisselle dans une bassine. Mais peu importe, cette vie à deux est tout bonnement magique. Ça y est, ils y sont parvenus ! Virginie n’est qu’intérimaire, et Damien enchaine les CDD mais ils s’en fichent, ils sont heureux. Les Week-ends, ils les passent à faire des concours de pétanque puisque c’est la grande passion du trentenaire. Oui mais voilà, ils ne le savent encore pas mais ce temps bonheur est compté.
Et bientôt Damien apprend par sa mère que le papa est bien malade. Elle a beau lui dire qu’elle se débrouille, il perçoit tout de même l’inquiétude de sa génitrice et ne se sent pas de l’abandonner. De son côté, Virginie nage dans son petit bonheur et ne se rend pas compte que son compagnon très introverti, souffre de plus en plus moralement. Il a à la fois le mal du pays, ce qu’elle aurait tout à fait pu comprendre et se fait beaucoup de soucis. Mais Virginie n’est au courant de rien et ne voit rien. Sauf qu’un matin, monsieur lui annonce que son contrat de travail est terminé et qu’il a refusé son renouvellement. Pourquoi ? Parce qu’il a décidé de rentrer chez lui.
La jeune femme a beau tenter de le faire changer d’avis, rien n’y fait. Il lui dit au revoir et fuit comme un voleur. Cette fois le cœur de Virginie est vraiment fissuré de tous côtés. Si tous les soirs, quand elle rentre du boulot, elle pleure, en journée, elle espère toujours qu’il va revenir. Mais leurs conversations téléphoniques se font de plus en plus rares et surtout, elle sent que Damien n’est plus lui-même. Sa voix éméchée en dit long.
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Ils mettront sept longues années avant de se recroiser dans Poussan, ce village auquel Virginie ne pouvait pas renoncer puisqu’elle y avait toujours une partie de sa famille. Ils se font la bise comme de vieux amis qui sont tous deux passés à autre chose. Et certes, même si c’est un peu vrai, une fois seuls, tous deux ne peuvent s’empêcher de repenser à l’autre. L’année suivante, alors qu’ils se reparlent davantage, tous deux s’apprennent avoir quelqu’un dans leur vie. Seulement, ils ne vivent pas avec leurs amis respectifs.
C’est pourtant bien à partir de 2010 qu’ils entameront cette sorte d’amitié-amicale qui s’étirera sur une bonne décennie. A savoir, un amour sans prise de tête et sans projet d’avenir, hormis cette promesse de finir leur vie ensemble quand ils seront vieux. Lorsque Virginie vient passer quelques jours dans le sud, ils se voient, vont se promener, délirent ensemble, se font du bien charnellement puis se disent tchao ! Tous deux se tiennent au courant de leur évolution sentimentale et même si parfois un sentiment de jalousie vient se glisser entre eux, ils savent que leur destin en a décidé autrement. A quoi bon lutter ?
Ils ont connu une multitude de peines et de soucis et pourtant, ils ont toujours été là l’un pour l’autre. Certains en arrivent même à se demander s’ils ne sont pas meilleurs dans les pires moments. Ainsi, quand Damien a perdu son père ils étaient en froid mais Virginie l’a soutenu quand ce fut le cas de sa propre mère. A l’inverse, quand elle a connu ses premiers problèmes de santé, ils étaient fâchés mais pour les suivants, il était là.
Sans que ni l’un ni l’autre ne s’en rendent compte, ils ont vieilli et atteint la cinquantaine. Virginie est enfin parvenue à emménager à quelques kilomètres de Poussan. Mais le temps est trop vite passé et même s’ils se sont à nouveau retrouvés célibataires les quinquagénaires ont choisi de demeurer des amis. Chacun chez sois et une connivence à distance leur mieux convenu d’autant plus que cette femme que Damien a tant aimée, a vu sa vie chamboulée.
En effet, depuis ses cinquante deux ans, elle dialyse trois fois par semaine afin de filtrer ce que ses reins ne sont plus capables de faire. A partir de ce moment, la jeune-vieille s’est quelque peu aigrie. Evidemment, quand il peut, Damien ne rate jamais l’occasion de prendre des nouvelles de cette amie si spéciale. Mais que pourrait-il faire de plus ? Lui, ce n’est pas la maladie qui l’a affaiblie mais bel et bien son addiction à l’alcool. Il en ressent le besoin depuis le décès de son père, ça l’aide à oublier qu’il a totalement raté sa vie sentimentale, et qu’en revenant vivre dans son village, il s’y est quelque peu enterré vivant. Quant à son tour, sa mère s’est éteinte, Damien s’est, tout au fond de lui, juré qu’il n’aimerait plus personne car cela faisait trop de mal. Mais quand sa peine ou le regret lui font face, il s’arrange pour lever son verre autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que le brouillard dans sa tête lui permette d’oublier. Pourtant, chaque jour ou presque, il se rappelle ces instants magiques que ces deux amoureux ont partagés. Ils étaient si heureux… Pourquoi ne pas en avoir davantage profité ?
Déjà, il aurait dû demeurer avec Virginie dans ce petit nid douillet qu’ils s’étaient fait ensemble. Il serait parvenu à se faire embaucher sans soucis dans cette boîte. S’ils ne s’étaient pas autant pris la tête tous les deux, ils auraient eu un enfant presque par surprise et se seraient mariés sans même y réfléchir… Car la vie c’est aussi ça ! Prendre des risques à deux pour partager les bons mais aussi les mauvais moments ensemble. Comment ont-ils pu ne jamais s’oublier ?
Si Damien a été surpris par le sms de son amie, il n’a pas eu le cœur de le refuser. Depuis quelques temps, elle lui donne de moins en moins de ses nouvelles, preuve qu’elle ne doit pas aller très fort moralement. Et il est vrai que depuis qu’elle dialyse, comme l’ont fait avant elle, sa mère, sa grand-mère et les aïeux de la même branche, elle a beaucoup maigri. Pourtant, avant, il aimait bien ses jolies rondeurs… Maintenant, elle a tendance à devenir « un sac d’os » et il n’aime pas ça. Trop de mauvais souvenirs remontent à la surface.
Une heure avant leur rendez-vous, il a fait un effort vestimentaire, s’est aspergé d’après-rasage puis est allé récupérer sa vieille voiture. Direction Les collines de La Moure ! A ce fameux coin de paradis pour les deux jeunes amoureux qu’ils étaient à cette époque… Mon Dieu que tout cela lui parait loin maintenant ! Et dire que certains les trouvent encore jeunes. Bien sûr quand on parvient au grade de centenaire avec une forme olympienne ou presque, même la soixantaine ça parait jeune. Mais à l’inverse, il se souvient très bien de ce temps quand il a rencontré Virginie pour la toute première fois. Il n’avait pas quinze ans et quand il rencontrait des adultes qui avait son âge de maintenant, ils les considéraient vieux.
D’ailleurs, il ne le ressent que davantage lorsqu’il est obligé de garer sa voiture dans un recoin du chemin pour finir à pied.
Là, il s’assied sur une roche, au milieu du thym et du romarin et profite de ce silence requinquant pour attendre son amie.
21 commentaires
mamiejo37
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Il y a un an
Aliciaa25
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Il y a un an
La Plume d'Ellen
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Il y a un an
Christellaa
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Il y a un an
Jess Swann
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Il y a un an