Fyctia
Chapitre 2.1 : Il
J'entre dans la salle de bain au carrelage noir et blanc, encore haletant après l'effort physique que je viens de fournir et prends une douche bien méritée. Propre et sec, je me brosse les dents et me parfume rapidement. La buée m'empêche de me voir, mais pour ce soir, ma tête n'a pas vraiment d'importance. Enroulé dans une serviette, je me dirige vers mon dressing presque aussi grand que le salon attenant à ma chambre et sors le seul jogging au milieu des costumes de luxe remplissant la pièce.
J'ai vraiment pris mon pied comme à chaque fois avec cette mannequin suédoise blonde aux iris bleu électrisant et son corps absolument bandant. Elle a joui plusieurs fois, il faut dire que je suis plutôt doué dans ce domaine. Je ne suis pas un homme comme un autre après tout, je suis un homme au-dessus des autres et de loin le meilleur coup de cette planète Terre. Sans me vanter et en toute honnêteté, ce n'est que la pure vérité, aucune fille ne m'a jamais résisté et elles jouissent toutes sans exception.
Mes yeux s'interrompent une dernière fois sur le corps nu reposant entre mes draps blancs, des perles de sueur roulent sur sa peau rosée. Elle dormira jusqu'à huit heures, ensuite mon majordome lui commandera un taxi et refera mon lit. Nous ne nous rebaiserons plus jamais. Une fois que j'ai gouté à une fille, je n'en veux plus et elles le savent toutes, elles n'ont qu'une chance. De toute façon les filles bonnes, il y en a bien assez sur cette planète pour que je me les tape toutes chaque nuit et ce jusqu'à la fin de mes jours.
Je suis célibataire, le célibataire sur lequel toutes les femmes lorgnent avidement. Elles me désirent toutes, mais je ne m'engagerai jamais avec l'une d'elles, c'est tout bonnement inconcevable. Quand elles m'approchent, elles savent à quoi s'attendre, car oui, ce n'est jamais moi qui viens à elles en premier.
L'amour avec un grand A n'a pas sa place dans ma vie et ne l'aura jamais. Déjà enfant, je me lassais très vite de mes jouets. J'en avais toujours de nouveau. Pas besoin d'attendre que le père Noël les dépose au pied du sapin. Et puis qui a envie de ne choisir qu'une femme quand la Terre en compte des millions ? Je préfère de loin m'amuser, prendre du bon temps, sans contrainte ou prise de tête. Parce que les femmes sont chiantes, collantes et possessives, donc construire une vraie relation, non merci, j'ai autre chose à foutre. Je peux ainsi profiter de ma liberté pleinement, assouvir mes pulsions et combler mes besoins.
Je quitte mon énième conquête, j'en ai perdu le compte depuis bien longtemps. Tous les lundis soir, j'ai ce rituel que je ne manque jamais. À mille lieux de mon image de parfait milliardaire, j'aime me retrouver dans un petit bar, boire un café et lire un livre comme tout homme normal. Je délaisse les mondanités pour me retrouver avec moi-même, sans être épié à chacun de mes faits et gestes. C'est mon instant de liberté ultime et je partage ce moment avec un ami, un vrai, à l'abri des regards indiscrets. L'endroit se situe dans une ruelle sombre de Paris et personne ne s'aventure jamais au beau milieu de la nuit dans ce genre de lieu inquiétant et reculé. Je n'ai donc jamais été découvert, puisque qui s'attendrait à me trouver ici ?
Les mains dans la poche de mon sweat noir à capuche, je rejoins mon majordome dans le parking. La fraîcheur et l'humidité m'attaque et me rappelle combien il fait bon vivre. George, dans son costume noir, me conduit sous une pluie diluvienne jusqu'au bar Le Timer. Les gouttes de pluie floutent les vitres et ma vue sur les rues parisiennes. Les lampadaires, les phares de voitures et les feux de trafic forment des points lumineux comme une guirlande de Noël désarticulée. Un soupir m'échappe, impossible d'échapper à cette fête, elle est partout. Le trafic fluide, nous arrivons sans retard.
Je sors de la voiture avant que George ne m'ouvre la porte et cours en direction du bar. Chaque lundi, Alex, mon ami d'enfance, le seul qui me connaisse réellement, me le réserve à partir de deux heures cinquante, juste après la fermeture. Mon majordome me dépose toujours à quelques rues au cas où.
Ma capuche tombe et la pluie me frappe le visage, mais je ne m'arrête pas. Au milieu de la brume inaccueillante, je distingue les guirlandes lumineuses qu'Alex a enroulé autour des plantes à l'entrée. Je me mords la lèvre, il ne pouvait pas attendre une ou deux semaines de plus. L'approche de Noël ne joue pas en faveur de mon humeur. J'arrive sur le pas de la porte trempé, j'ai grandement sous-estimé la puissance de la pluie.
— Merde, on dirait une serpillère, s'esclaffe-t-il devant ma tête ruisselante.
Un des miroirs accrochés au mur me renvoie mon reflet et ce que je vois me laisse bouche bée. Je ressemble à un cadavre, où est donc passé l'image du parfait gentleman irrésistible ? Ma main plaque mes cheveux blonds en arrière et j'attrape Alex par le menton.
— Je suis le prince des serpillères, susurré-je.
Nous explosons de rire. J'apprécie particulièrement le naturel d'Alex, il ne se force pas, n'attend rien de moi et surtout ne me juge pas. Un café encore fumant m'attend sur ma table habituelle à côté d'une de mes nouvelles lectures et de deux sablés en forme de sapin. Je lève les yeux au ciel et ignore l'assiette en m'installant. Je reprends là où je me suis arrêté la semaine dernière pendant qu'Alex termine la vaisselle. Il s'applique toujours beaucoup quand il réalise cette tâche, il lave et essuie ses verres avec une grande douceur et un savoir-faire indéniable.
Ma soirée se déroule à merveille, je suis de plus en plus pris dans le livre et perds la notion du temps. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, particulièrement quand une personne martèle la porte vitrée du bar et m'oblige à relever la tête vers elle.
Alex soupire et s'approche pour ouvrir. Je l'interpelle juste avant qu'il ne pose la main sur la poignée.
— Tu fais quoi là ? demandé-je, plus agressivement que souhaité.
— Je lui ouvre. Elle est trempée et n'a pas l'air décidé à partir, lance-t-il, sans retirer sa main.
— Non, lâché-je sèchement. C'est écrit fermé, si elle ne sait pas lire ce n'est pas notre problème.
Je me lève, sentant les protestations arrivées.
— Mais elle...
— Non, Al, je ne veux pas d'une putain de stalkeuse. Appelle les flics qu'on s'en débarrasse.
Ma main se pose sur la sienne et je retire ses doigts de la poignée. Hors de question de laisser une étrangère entrer.
— Non, Il, et t'as pas intérêt à le faire, pas de flics ici ! s'écrie-t-il. Et puis tu n'en sais rien, toutes les filles de cette planète ne veulent pas te sauter, Prince des Serpillères ! En plus, elle est peut-être super bonne et tu voudras la sauter, rebondit-il, en me faisant un clin d'œil pour me détendre, ce qui marche, il me connaît trop bien.
Je me retourne vers la fille en question et ses yeux turquoise se plantent dans les miens. La colère noire qu'abrite ses deux iris me transperce de toute part.
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