Fyctia

Le Mercredi, le jour du mariage.

Les domestiques affluent dans les couloirs et font un tas d'allées et venues pour apporter des chaises à l'extérieur afin de célébrer le mariage. Le duc a insisté pour qu'il ait lieu dans le jardin, parmi les buis taillés, les fleurs joliment ouvertes et les fontaines scintillantes. Ce domaine n'est pas aussi symétrique que le Château de Versailles en France, mais il est tout aussi décoré. Edward supervise toutes les installations. Il a même demandé à ses jardiniers personnels de tailler les quelques brindilles qui pouvaient sortir des buis cubiques, alors qu'ils les avaient fait la veille. Il veut que tout soit parfait pour Ismérie.

Les tables sont déjà dressées, les chaises décorées d'un joli drap rose pâle et les pétales de rose ont été parfaitement disposés sur le sol pour tapisser la terrasse et donner cette petite touche d'amour à la décoration. Edward vérifie une dernière fois que tout est bien présent et en ordre. Après cela, il se rend à l'intérieur du château puis à sa chambre pour mettre son costume. Quatre servantes sont venues s'occuper de lui en ce jour de joie pour qu'aucune poussière ne puisse apparaître sur sa veste bleu marine. L'une d'elles essaie d'arranger ses cheveux pour qu'ils ne se décoiffent pas en plein milieu de la cérémonie.

Pendant ce temps, Ismérie est aussi entre huit mains pour qu'elle soit parfaite aux yeux de son futur mari. Des jolies fleurs ornent ses cheveux bruns et contrastent éperdument avec ses beaux yeux bleus, verts ou gris, un mélange des trois. Ce sont ces yeux métalliques qui ont hypnotisé son fiancé, elle le sait et elle sourit à chaque fois qu'elle y repense. Les deux nobles présents dans la demeure se préparent tous deux pour leur mariage. Des sourires sont greffés en permanence sur leur visage, ils n'arrivent pas à contenir leur joie face à l'événement qui s'apprête à être célébré.

Il est désormais bientôt l'heure pour eux de descendre afin de s'unir à jamais. Edward dévale les escaliers en faisant de petits sauts et se hâte vers une voiture avant de rentrer à l'intérieur pour quitter le domaine. Il ne faudrait tout de même pas qu'il soit en retard le jour J. Ismérie quant à elle, doit poireauter quelques instants dans le hall de la demeure, attendant que son fiancé arrive auprès de l'autel temporaire, disposé dans le jardin. Son père étant reparti en France pour ne pas témoin de cette union, elle s'avance, seule, dans l'allée entre les blocs de chaises. Pas une seule noble est en train de caqueter. Pas une seule, car il n'y en a aucune. Les seules personnes ayant eu le droit de participer à cet événement, sont les domestiques du château. Victor y tenait tout autant que la comtesse.

Des gazouillis d'oiseaux se font entendre au-dessus d'elle pendant qu'elle continue son avancée vers son fiancé. Les chevaux de Victor sont aussi présents, ils hennissent pour montrer leur joie, ils peuvent sentir que Victor est heureux, il est même au bord du malaise tant il n'arrive pas à calmer l'ardeur en lui. Ismérie est désormais face à lui. Ce dernier ne peut se retenir, il prend les mains de future femme et la regarde avec une envie non cachée de lui dévorer les lèvres à nouveau. L'homme présent derrière l'autel de fortune, commence alors la cérémonie.

— Ismérie et Victor, vous vous aimez depuis votre rencontre, mais aujourd'hui, si vous vous mariez, ce n'est pas parce que vous vous aimez, mais pour vous aimer. Car enfin devant Dieu, vous allez pouvoir pleinement vous aimer et ce de manière irrévocable. Votre amour dans le mariage est un édifice que vous construisez. Construire un édifice se fait dans la joie: la joie procurée par l'avancée de projets, mais aussi la peine: les tempêtes qui peuvent venir détruire vos constructions, comme les rumeurs, la société, l'aristocratie, la Monarchie. Si vous surmontez ensemble ces peines, vous en viendrez à bout. Et par l'exemple que vous allez donner, vos enfants reprendront le flambeau et continueront l'édification. Chaque effort donné pour celui ou celle qu'on aime fait fructifier le bonheur dans le couple, l'amour s'en trouve raffermi, la vie facilitée. Vous voulez vous aimer comme au premier jour tout au long de votre mariage? Beaucoup en ont le désir, mais peu s'en donnent les moyens. Comme la croissance d'une plante, l'amour dépend des soins qu'on lui donne.

Puis a lieu l'échange des vœux. À la fin de la cérémonie, Victor et Ismérie s'embrassent avec passion, au diable les bonnes manières et la chasteté. Les chevaux hennissent de plus bel, comme heureux de pouvoir partager cette union. Les applaudissements se font entendre. Ismérie se tourne vers la domesticité au complet et leur affiche l'un de ses plus beaux sourires. Elle est heureuse. Elle ne pensait pas que cela aurait pu être le cas. Pourtant grâce à la proposition qu'elle a faite à Charles, elle a pu découvrir ce bonheur qui paraissait si lointain. Charles est parti deux jours au palais de Sa Majesté la Reine Victoria. Elle est d'une bonté plus grande que le duché de Norfolk. Il lui a expliqué qu'il aimait une personne et qu'il souhaitait partir du pays avec elle, renonçant ainsi à son titre de Prince et à toutes les responsabilités et avantages qu'il lui offrait. La Reine Victoria n'a rien dit, elle l'a simplement encouragé à suivre son cœur et c'est ce qu'il compte faire avec Edward. Ils devront cependant s'exiler vers un pays qui autorisera leur union.

Au même moment, Charles et Edward sont désormais unis par les liens du mariage, ils ont préféré le faire dans une clairière, contrairement aux coutumes. Malgré que Charles soit le frère de la Reine, le mariage entre deux hommes était interdit et passible de peines de mort. Ils se sont donc mariés tous les deux, sans témoin, juste tous les deux, aux sons des grillons. Plus rien ne doit les séparer, pas même les lois.

— Ma chère Ismérie, je n'ai jamais été plus heureux qu'à ce moment précis.

Le cœur de la jeune femme commence à marteler de plus en plus rapidement sa poitrine. Victor peut même l'entendre, tant il est proche d'elle.

— Je te promets de te donner tout mon être et de t'offrir la plus belle vie que l'on puisse te donner. Je t'aime.

— Je t'aime aussi Victor. Je t'aime de tout mon cœur.

Ils terminent le mariage par une petite balade à cheval, laissant les invités seuls à manger le repas prévu. Ils ont besoin d'être rien que tous les deux, rien qu'un bref instant. Ismérie chevauche la même jument blanche que la dernière fois et Victor l'étalon noir qui a permis leur union. Les sabots claquent contre le sol, la poussière du sol se mouve dans l'air. Le vent vient caresser leur visage. Ils continuent leur avancée au galop tout en se regardant mutuellement. Il s'approche d'un grand parc naturel, de l'eau ruisselle, une petite cascade vient embellir un nouveau baiser, le plus naturel et passionné qu'ils n'aient pu faire depuis leur rencontre. Ils s'aiment, c'est tout ce qui compte.