Fyctia

Le bruit des feuilles volant et glissant sur la pierre du dock mêlé au klaxon du bateau de croisière qui quitte déjà le port tire Ismérie de sa rêverie.

— Je suis honoré de pouvoir vous revoir Edward. S'empresse de saluer Armand de Montesquiou-Fézensac.

— Moi de même, je suis très heureux de pouvoir vous accueillir sur mes Terres.

Edward, le Duc de Norfolk, se tourne alors vers la jeune femme qui accompagne le Comte de Fézensac. Elle a le regard au sol et tient fermement son ombrelle entre ses mains. Son grand chapeau rose pâle avec deux grandes plumes bleu ciel lui cache le visage.

— Comment vous sentez-vous après votre voyage, ma chère Ismérie? Questionne Edward.

— Bien Monsieur le Duc de Norfolk.

— Appelez-moi directement par mon prénom ma Chère.

Il se tourne à nouveau vers Armand.

— Nous allons nous rendre à ma propriété, vous pourrez vous installer pour le bal de ce soir. Ne vous inquiétez pas, j'ai pris en charge toutes les dépenses nécessaires pour la fête. Pour votre fille, j'ai choisi le meilleur couturier du comté, elle va revêtir la plus belle robe que l'Angleterre n'ait jamais connue.

Ismérie, son père Armand et Edward quittent alors le port et se rendent à la demeure de ce dernier. Ismérie est restée silencieuse tout le long de la route tandis que les deux hommes ont discuté de leurs plans géopolitiques. Une fois arrivés, Armand est parti s'installer afin de laisser les deux autres passagers converser entre eux.

— Ma belle Ismérie, si vous saviez à quel point je suis heureux de faire enfin votre connaissance. Vous êtes encore plus belle que ce que je pouvais imaginer. Votre visage égale celui d'un ange.

— Je vous remercie, c'est vraiment gentil.

— Je ne fais pas preuve de gentillesse ma Chère, je suis honnête. Je ne pouvais pas rêver plus belle fiancée. J'ai hâte que nous soyons unis par les liens du mariage.

— Moi de même Edward.

Edward s'approche de sa fiancée et lui caresse la joue gauche. Le regard d'Ismérie se détourne sur le côté, gênée par ce contact physique. Le jeune duc sourit à ce geste et enlève sa main avant de l'inviter à se promener pour parlementer plus amplement.

— Parlez-moi donc de vos activités ma Douce.

— Je peins essentiellement.

— Quel genre de peinture?

— Je me suis mise à peindre des toiles préraphaélites. J'aime beaucoup ce nouveau mouvement artistique.

— Me montrerez-vous vos tableaux?

— Bien sûr, avec joie. Et vous? Quelles sont vos activités?

— Comme tous les hommes de mon milieu, je pratique l'escrime. Vous serez toujours en sécurité à mes côtés. Pour le reste de mon temps libre, je me cultive en lisant de nombreux exemplaires en politique.

— Oh, je vois, cela m'a l'air fort intéressant.

— Cela ne vous plairait point, la politique n'est pas faite pour les femmes. Elles ne pourraient pas comprendre de toute façon. C'est pourquoi je ne vous ennuierai jamais avec les histoires de mon travail.

Ismérie se renfrogne à l'entente de cette phrase. Elle arrive de moins en moins à garder son sang-froid lorsqu'un homme se trouve être aussi misogyne. Elle espère profondément que la balade prendra rapidement fin. Cet Edward n'est pas un homme très romantique, encore moins affectueux. Comment va-t-elle survivre à un mariage avec un macaque de son genre?

— Ce soir, je vais annoncer à la noblesse anglaise que vous êtes ma fiancée, je vais tous les inviter à notre mariage afin qu'ils assistent à notre bonheur mutuel. Je suis réellement excité à l'idée que vous soyez ma femme. Vous ferez une parfaite épouse, j'en suis certain.

— Je vous remercie.

Les yeux d'Ismérie font un tour de 360° avant de se détourner vers la beauté des jardins. Au moins, elle gagne un point positif dans ce mariage, elle héritera de ce magnifique private garden. Les roseraies sont d'une beauté époustouflante, les fontaines en marbre sont aussi scintillantes que des pantoufles de verre sans parler des buis merveilleusement bien taillés formant un drôle de labyrinthe. Les jardiniers doivent avoir beaucoup de travail pour entretenir un tel jardin. Elle passe dans les allées avec le duc et mémorise chaque détail, une chose est sûre: elle aime cet endroit, ce qui n'est pas le cas du propriétaire malheureusement. Puis ils rentrent tous les deux à l'intérieur du château. Edward demande à l'un des majordomes de l'escorter jusqu'à sa chambre, où elle se déshabille à l'aide d'une servante avant de se glisser dans la baignoire de sa salle de bain. Elle détend chaque parcelle de sa peau avant de devoir se coltiner un bal barbant.

Après une bonne demi-heure de détente, elle sort de l'eau, se sèche et se fait habiller, maquiller et coiffer par une gouvernante du château. Le bal va commencer dans très peu de temps. Edward a vu les choses en grand, la salle de bal est tout simplement magnifique, des vases composés de fleurs orange et mauves ornent des colonnes à la grecque et des grandes tables déguisées d'une nappe blanche sont disposées le long des murs de la salle. Une petite estrade au fond de la pièce est mise en évidence avec des décorations scintillantes pour l'orchestre qui jouera ce soir. Ismérie est époustouflée lorsqu'elle détaille la décoration de la salle. Edward remarque alors qu'elle est arrivée et interrompt donc sa discussion avec l'un des musiciens pour aller à sa rencontre.

— Vous êtes divinement habillée ma chère Ismérie. Cette robe vous sied à merveille.

— Je vous remercie, vos choix en ce qui concerne cette toilette sont remarquables.

Edward sourit à cette remarque et lui propose alors d'aller s'asseoir. Les invités arrivent et entrent dans la salle en nombre. Edward part alors les accueillir un à un en les remerciant pour leur déplacement jusqu'à sa demeure. Ismérie, assise, regarde tous les invités s'amasser dans la salle. Le bruit de leur voix commencent à se faire entendre. Des discussions remplissent la pièce alors que les musiciens s'installent devant leur instrument. Une douce mélodie entraînante prend alors place dans la salle de bal tandis que des exclamations de surprise sortent à tout rompre des gosiers des nobles.