Aube26 Horswentia Chapitre 4 (2)

Chapitre 4 (2)

Après avoir mangé et rangé leurs maigres affaires, les deux compagnons se remirent en route. L’océan frappait toujours les hautes falaises de toutes ses forces, peut-être même encore plus depuis que le vent soufflait du large vers les côtes.


— Nikka, appela Margot alors qu’ils venaient tout juste de quitter leur campement. Tu m’as dit que tu étais un Elfe des plages… du coup, ça veut dire qu’il existe d’autres sortes d’Elfes ?


Surpris que la jeune femme lui pose des questions sur son espèce, Nikka se tourna vers elle, un sourcil relevé.


— Ça te dérange d’en parler ? reprit-elle tandis que le silence se prolongeait et que l’Elfe continuait de la dévisager après s’être arrêté.


— Du tout, souffla-t-il en se remettant en marche. C’est juste que je ne suis pas encore habitué à ce qu’on me demande des informations sur les peuples de Horswentia… mais je pense qu’il va falloir que je m’y fasse, maintenant que nous voyageons ensemble.


Il tourna la tête dans sa direction, plongeant dans son regard avec un sourire en coin. Margot soupira de soulagement : elle avait eu peur de le froisser en lui posant des questions sur ses origines.


— Alors… dit-il en posant ses yeux sur l’horizon. Les Elfes sont les enfants d’Arkaï Ie, le premier Sage des Esprits…


— Excuse-moi… l’interrompit Margot d’un air gêné. Hier déjà tu m’avais parlé du Sage du Feu… mais qu’est-ce que c’est un Sage au juste ?


— Ah ! s’exclama l’Elfe en reportant son regard sur elle. C’est vrai que si je ne t’explique pas les bases de notre monde, ça risque d’être compliqué…


Il rit nerveusement et regarda à nouveau loin devant lui.


— Comment t’expliquer ça simplement ? soupira-t-il. Bon… Un Sage est un guerrier magique accompli. Il doit avoir des intentions pures et nobles et être incorruptible car il doit être digne de diriger le ou les pays qui lui ont été attribués lors de la passation de pouvoirs. En temps que chef, il doit aussi veiller à ce que toutes les espèces de son ou ses pays vivent en harmonie, qu’il n’y ait pas de discorde ou de guerre intestine.


Pendant son explication, il avait plongé son regard azur dans celui noisette de Margot pour être sûr que ses explications étaient claires.


— Tu as tout compris ? ne put-il s’empêcher de demander comme elle restait muette.


— Oui ! C’était plutôt simple à comprendre. Tu ferais un bon professeur !


La jeune femme sourit de toutes ses dents et l’Elfe bafouilla quelques paroles incompréhensible, gêné qu’elle le complimente, lui qui n’était habitué qu’à être rabaissé. Il toussota pour se redonner contenance et reprit ses explications.


— Ils vivent, comme je te l’ai dit, sur l’Archipel Filargywi. Ils sont divisés en trois catégories : les Elfes sylvains, ceux des landes et ceux…


Il laissa volontairement sa voix en suspens pour laisser le temps à Margot de compléter sa phrase.


— Ceux des plages !


— Exact ! On peut les différencier grâce à leurs couleurs de cheveux et d’yeux. Les Elfes sylvains sont bruns aux yeux verts, ceux des landes roux aux yeux bleus et ceux des plages blonds aux yeux marrons.


— C’est étrange, souffla-t-elle en le dépassant et en se retournant vers lui. Tu as les yeux bleus, toi…


— C’est parce que je suis un demi-Elfe.


Sa voix s’était faite plus basse, presque remplie de haine.


— La mixité est proscrite chez les Elfes, enchaîna-t-il, sa voix rauque et gutturale. Si un bâtard naît sur l’archipel, il est exilé dès ses dix-huit ans…


— Dix-huit ans humain ?


— Non, murmura-t-il en fermant les yeux. Dix-huit ans en âge elfique, soit dix ans chez les Mimagi-Kontas, ou humains comme tu veux. Il me semble que vous vous développez de la même manière.


— Comment tu as fait alors ? souffla Margot sous le choc des révélations de son compagnon de voyage.


— Les Elfes m’ont débarqué dans les marais salants de Kaïtharow. J’ai marché pendant environ un mois en longeant les côtes avant de rencontrer un Satyre. Quand il m’a vu, il m’a directement amené voir Messire Ordy. Ce dernier m’a soigné, écouté, puis adopté. Je lui suis à jamais redevable.


Margot scrutait le visage de l’Elfe. Tout du long qu’il lui avait raconté son histoire, de nombreuses expressions étaient passées sur son visage : la colère, la haine, la reconnaissance et l’adoration.


— Je suis désolée…


Nikka haussa un sourcil, ne comprenant pas où elle voulait en venir.


— Désolée que tu aies eu à vivre ça alors que tu étais un enfant. Désolée d’avoir abordé le sujet des Elfes… et de t’avoir fait revivre de mauvais souvenirs.


Le blond rit doucement et lui tapota gentiment le dessus de sa tête.


— Ne t’en fais pas : il aurait bien fallu qu’on parle des Elfes à un moment ou autre… Et aussi que je te dise pourquoi je suis aussi proche d’Ordy. Et puis, mon passé est passé. Je vis dans le présent pour mieux écrire mon futur. Je n’oublie rien et c’est ce qui me rend plus fort, alors ne soit pas triste pour ce qui m’est arrivé. Je pense que ton cœur est déjà suffisamment alourdit pour en plus t’inquiéter pour moi.


Margot écarquilla les yeux. L’avait-il entendu pleurer la nuit dernière ?


— Je ne suis pas bête, rajouta-t-il devant sa mine éberluée. Je sais que perdre tout ce qu’on a, toutes les personnes auxquelles on tient est un déchirement. Un traumatisme.


La jeune femme acquiesça sans s’en rendre compte. Peut-être qu’ils avaient plus de choses en commun que ce qu’elle pensait finalement ?


— Pour s’ouvrir à une nouvelle vie, un autre monde, il faut d’abord accepter notre passé, nos pertes et nos regrets. Je vois bien que tu fais ton maximum pour ne pas montrer la peine qui te meurtri, mais parfois, pleurer un bon coup et se confier, ça fait du bien. Alors si tu en ressens un jour le besoin, n’hésite pas. Je serai là pour toi. Je serai là pour t’écouter, te soutenir et te conseiller.


La jeune femme sentit son menton trembloter et ses yeux s’humidifier. C’était vrai qu’elle avait une folle envie de laisser sa douleur exploser et de se confier. Mais elle se retint.


— C’est gentil, merci Nikka.


Ils continuèrent de marcher sur le sentier de terre battue en silence. Quand le soleil arriva à la moitié de sa course, ils s’arrêtèrent et allumèrent un feu pour manger et se reposer. Alors qu’ils dégustaient la viande d’un énorme lièvre chassé par l’Elfe, ce dernier interpella Margot.


— Avant que nous ne franchissions la frontière, il faut que je te fasse un petit cours sur les Anges, les enfants de Kynel, la première Sage de l’Air.


La jeune femme se redressa et plongea dans les yeux azur de Nikka, à l’écoute et avide de nouvelles connaissances.


— Il faut d’abord que tu saches une chose : la société des Anges est hiérarchisée en fonction du nombre d’ailes que chacun de leurs membres possède. Ils sont classés en quatre « rangs » allant de zéro paire d’ailes à trois. Le rang 4, le plus bas, est le plus courant. Tous les Anges, ou presque, naissent sans aile avec seulement le pouvoir de télékinésie. Ils peuvent évoluer jusqu’à en obtenir six à condition de ne pas le désirer et de d’être exemplaire.


— Que se passe-t-il s’ils ont envie d’évoluer ? demanda Margot.

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