Fyctia
30. Comme dans un film
Ceci est officiellement une comédie romantique.
D’habitude, quand je prends le train, je suis toujours dans la dernière voiture à l’autre bout du quai. Un kilomètre et douze minutes plus tard, j’arrive enfin à ma place et je découvre qu’elle est… occupée, généralement par une personne d’un certain âge qui me certifie qu’il s’agit de la voiture 02 et non 20. Alors que pas du tout. Parce que contrairement à elle, j’ai vérifié. Évidemment, ladite personne rêverait que je lui dise que je veux bien échanger... Et je suis tiraillée entre ma bonne éducation et la folle envie de lui dire non.
Mais aujourd’hui, rien de tout ça ne s’est produit.
Ce vendredi matin, j’ai pris le train… autrement. Ça pourrait être un bon slogan pour la SNCF mais comme je ne travaille pas pour eux, ils n’en sauront rien. Une fois arrivée Gare de Lyon, j’ai été surprise de constater que ma place - et Jules - m’attendaient sagement en voiture 01. Mon ennemi juré m’a proposé de m’aider avec ma valise et j'ai accepté avant de m’asseoir tranquillement, sans avoir à négocier. Car oui, deuxième miracle, aucun intrus n’était à signaler. Et c'est là que je les ai vus : les abdos saillants et bronzés de Jules, affairé à ranger mon sac dans le compartiment juste au-dessus. Comme dans les films, son t-shirt s’est soulevé et j’ai pensé très fort : "ah ouais donc en fait, le sport ça paie".
Puis : "ça valait le coup de se lever tôt".
Et : "comme quoi, la vue n’est pas toujours côté fenêtre".
Et après… Rien, car Jules s’est assis et s’est mis à me parler en me tendant un sachet de viennoiseries.
– Tu veux un croissant Manon ? Ce n’est pas pour t'acheter, c'est promis, m’assure-t-il en souriant.
Ses fossettes sont du voyage, et moi, je suis en terre inconnue.
– Merci ! J’imagine que tu as aussi prévu les pains au chocolat pour notre cliente ?!, dis-je en me servant.
– Non pour elle, je compte sortir le grand jeu ! Si tu savais Manon…, me répond-t-il ironiquement.
Je ne sais pas si j'aime ou déteste le fait qu’il répète autant mon prénom.
– Hâte de voir ça, je poursuis moqueuse. Jules Mercier en action, je devrais pouvoir en tirer quelques leçons.
Il se met à rire.
Quoi qu’il se passe entre nous, une chose est sûre : en joutes verbales, on est plutôt bons !
– Parce que tu crois vraiment que tu vas découvrir mes techniques secrètes en matière de séduction ?
– Elles sont si subtiles que ça ?! Tu te surestimes non ?! Je mise sur une flopée de regards mystérieux, des compliments mielleux, quelques mains dans les cheveux, sans oublier... des calories, beaucoup de calories !
– Ok, je vois… L’image que tu as de moi est encore pire que ce que j’imaginais, me lance-t-il faussement outré. Je suppose que ça ne sert à rien de t'offrir un autre croissant alors ?!
S’il a de l’humour, je suis foutue.
Comme dans un film, je vous ai dit !
Une heure plus tard, ma vessie me ramène à la réalité. Malheureusement, les toilettes, elles, n’ont pas changé. Il faudra m’expliquer quel architecte a pensé ces machins étroits et tarabiscotés ! Et je ne parle même pas du fait de devoir toucher le loquet cracra après s’être lavé les mains…
De retour à ma place, toujours voiture 01, Jules m’informe que mon téléphone, que j’avais laissé sur la table, a vibré plusieurs fois. Et la magie a encore opéré. En allumant mon écran, je découvre trois textos de Martin, une notification Instagram de Théodore et deux WhatsApp de Benjamin.
Je ne sais pas si tu existes mais… merci mon Dieu.
Quelle stratégie adopter ? Vaut-il mieux la jouer blasée et lancer nonchalamment que ce n’est rien d’important ? Ou feinter l’enthousiasme pour essayer de le rendre jaloux ? Je suis en pleine réflexion lorsque Jules me sort de mes pensées :
– Je me demandais, tu as combien de frères ?
C’est officiel, il a regardé. Comme dans un film, je ne cesse de vous le répéter.
– Aucun, pourquoi ? Ça te surprend de voir des prénoms masculins s’afficher sur mon écran ?, je réplique, fière de moi. Tu m’imaginais plutôt vieille fille avec des chats, c'est ça ?!
(Précision : j’aime beaucoup les chats).
Si Jules savait ce qui se cache vraiment derrière ces notifications et ces prénoms…
Commençons par Martin. Il a évidemment senti que je cachais quelque chose depuis le dîner avec Benjamin. Je ne suis pas surprise, c’est mon meilleur ami ! Il m’a demandé comment ça s’était passé, et j’ai répondu assez brièvement et un peu à côté. Alors forcément, depuis, il me supplie de cracher le morceau. On se voit mardi et je préfère le confronter en vrai, même si encore et toujours, je ne crois pas à la théorie de Fanny.
De son côté, Benjamin m’a envoyé les coordonnées d’une "spécialiste en gériatrie" pour Marguerite, car il faut prendre très au sérieux la constipation chez les personnes âgées.
Et Théodore, lui, est… surprenant ! Il m'a proposé plusieurs créneaux pour qu'on se voie. Mais pas que. Il a enchaîné les questions à mon sujet et je dois avouer que j’ai trouvé ça assez séduisant. Bref, si tout va bien, on dîne ensemble mercredi. Et oui, pour les amis des bêtes, Bali le husky sera de la partie.
Je vous rassure aussi, le groupe WhatsApp "Manon va-t-elle trouver le grand amour ?" a été rebaptisé "Prépa vacances à Ibiza", et "Infiltration Alexandre" s’est transformé en "Anniversaire surprise d'Alex". Voyons le positif, si je finis seule, j’aurai au moins développé ma créativité mais revenons plutôt à ce qui vous intéresse : la réponse de Jules.
– Pas du tout, m’a t-il affirmé, avant de riposter : je te voyais plutôt avec huit chiens.
Très drôle !
Son téléphone sonne à son tour.
– Ta sœur ? Ou Noémie qui n’est pas ta petite amie ?, dis-je pour le taquiner.
– Je suis fils unique ! Et non, pas de Noémie, c'est le mec que j’ai rencontré au sport.
Il ne ment pas. Il me montre son écran où "Alexandre" est écrit noir sur blanc. Donc ils se parlent vraiment ?! Il faut que je change de sujet pour ne pas me faire griller. Mais rien ne me vient à part : "Ah oui ? Il te dit quoi ?".
Tout ce qu’il ne fallait pas.
Apparemment, Jules et Alexandre parlent trail ensemble. Je vous passe les détails mais mon collègue a tout de même consacré cinq bonnes minutes au petit-fils de Rose. Un monologue qu’il a conclu par - je cite - "c'est vraiment un chouette type".
J’ai bien envie de lui répondre que je suis au courant car sa grand-mère ne cesse de nous le répéter à Fanny, Emma et moi mais je tente quelque chose pour provoquer mon séduisant voisin. Et certainement aussi pour assouvir ma curiosité et parce que j'ai promis à Rose d’enquêter...
– Il faut que tu me le présentes alors si c’est un mec bien, j’affirme sûre de moi.
– Désolé mais je crois qu’il voit quelqu’un…
La fameuse Margaux ?!
–... Contrairement à moi.
On est d’accord que ces trois mots sont ce qu'on appelle une perche brillamment tendue ?
Comme dans un film, encore une fois.
Et si vous doutez toujours, sachez que le train est arrivé en avance…
Je sais.
Même moi je n’en suis pas revenue.
32 commentaires
Maryline PIAUD
-
Il y a 2 ans
Jessie Moon auteure
-
Il y a 2 ans
Jill Cara
-
Il y a 2 ans
Valentine M
-
Il y a 2 ans
Jill Cara
-
Il y a 2 ans
Jill Cara
-
Il y a 2 ans
Nabemy
-
Il y a 2 ans
Ninon Amey
-
Il y a 2 ans
Aurélie Benattar
-
Il y a 2 ans
clecle
-
Il y a 2 ans