Alixia Egnam Heaven Chapitre 1 - Partie 1

Chapitre 1 - Partie 1

Heaven


Edimbourg


— T’as fait quoi ? hurle Colin, les yeux ronds comme des soucoupes.


Je me dandine en attachant le bouton de mon slim noir et lève les yeux au ciel. Une fois mon pantalon fermé et mon t-shirt ajusté, j’attrape mes créoles dorées qui traînent sur le coin de ma commode. Nos regards se croisent dans le miroir, face à moi. Dans ses yeux clairs, c’est l’apocalypse : il passe de la surprise à la déception, avec une pointe d’inquiétude qui ternit le bleu de ses prunelles. Je délaisse un instant mon reflet pour me tourner vers lui et tenter de le rassurer :


— Écoute, Colin. Ce n’est qu’un dîner, après tout. Je ne vais pas me faire découper dans une ruelle par ce type.


— Et qu’est-ce que t’en sais d’abord ? maronne-t-il. Merde, Heav, tu prends des risques inconsidérés depuis quelques semaines. D’abord Archie, puis ce type, là, avec qui t’as passé la nuit…


Je lève la main, histoire de lui intimer le silence :


— Je n’ai pas passé la nuit avec Ian. Il m’a aidée, a partagé sa chambre avec moi. Rien de plus.


Assis en tailleur sur mon lit, Colin se rembrunit et croise les bras, contrarié.


— Hum. Comme si un type pouvait rester à moins de cinq mètres de toi, dans une chambre, au milieu de nulle part, sans tenter quoi que ce soit.


Outch. Sa pique frappe là où ça fait mal. Parce que non, il ne s’est rien passé avec Ian. J’imagine que sa manière de me traiter de « gamine » y est pour quelque chose… Je dois avouer que je me suis sentie blessée et que mon estomac se noue en y songeant. Non pas que j’aurais souhaité qu’il me voie autrement. En fait, si. Si, je crois que j’aurais aimé que cet homme si séduisant et attentionné me remarque pour autre chose que pour mes piètres talents de chanteuse ou de mécano.


Oui, peut-être que j’aurais voulu qu’il me regarde comme Diego le faisait cet après-midi. En secouant la tête et la main, je chasse mes idées farfelues et les sous-entendus de Colin :


— Arrête un peu. C’est stupide.


— Non, ce n’est pas stupide, me contre mon frère en se levant pour s’approcher de moi.


Il s’avance et passe ses doigts dans mes boucles, qu’il rajuste derrière mon oreille. Les yeux rivés aux miens, il fronce du nez avant d’ajouter d’une voix douce :


— T’es ma petite sœur. Je devrais te dire que t’es chiante, bordélique et affreuse. Mais t’es belle, Heav. N’importe quel type aurait de la chance de t’avoir. Et si Archibald est trop con pour le voir, moi, je le vois.


Mes doigts s’enroulent autour de ses poignets, et je fais des efforts surhumains pour ne pas pleurer. Ses lèvres se plaquent contre mon front en un long baiser qui a le don de réchauffer mon cœur. Puis, brisant la magie du moment, il lâche en riant :


— T’es quand même chiante et bordélique, Heav. Et le rose… C’est bizarre comme couleur.


M’esclaffant à mon tour, je passe mes mains dans mes cheveux blonds striés de fuchsia avant de me blottir contre son torse.


— Merci, Colin.



Dix minutes plus tard, les lèvres luisantes de gloss et des escarpins aux pieds, je fais les cents pas dans la pièce principale de mon appartement, jetant régulièrement des coups d’œil à la pendule. Oh, mon rendez-vous n’est pas en retard. Non, c’est moi qui suis plus stressée que quiconque sur cette planète.


Qu’est-ce qui a bien pu pousser Di Meglio à m’inviter ? Mentalement, je me rejoue les scènes de nos rares interactions.


Jamais il n’a laissé entendre que je pouvais l’intéresser, de quelque manière que ce soit. Je n’ai pas eu l’impression d’envoyer des signaux pouvant lui faire croire que j’attendais plus. Je n’imagine pas que ce puisse être une manœuvre tordue imaginée par son oncle, non plus. Il ne me reste que la solution la plus dingue. Il veut vraiment passer cette soirée avec moi. La voix de Colin, affalé devant la télé, avec un bol de salade calé sur les genoux me fait sursauter :


— T’as tout ce qu’il faut ?


Inutile de faire avec lui l’inventaire de mon sac : il s’est chargé de le remplir avec mon portable, portefeuille, mini taser et spray au poivre, cet idiot ! Je voudrais le fusiller du regard, mais il est plus absorbé par son émission télé que par ma réaction à ses consignes à la noix. Je me contente d’un petit grognement de désapprobation. Pourtant, cela ne l’empêche pas d’ajouter :


— Assure-toi d’avoir assez de batterie, cette fois.


Alors que j’ouvre la bouche pour le remettre à sa place, trois coups secs sont frappés à la porte. Après l’avoir menacé en silence, j’attrape ladite pochette et fonce vers la sortie. Pas question de les laisser se rencontrer : je me faufile en lançant un baiser à mon exaspérant frangin et ferme derrière moi. Je me retrouve ainsi face à Diego : les mains dans les poches, il m’offre, comme chaque fois, un sourire commercial à souhait. Il hoche la tête en laissant son regard glisser sur ma silhouette.


Peut-être qu’il imaginait me voir dans une petite robe courte, ou avec un décolleté à faire rougir la serveuse de son club. Eh bien loupé ! Ce sera jean slim et blouse à volants. Bien assez féminin pour un rendez-vous qui me fout les chocottes. Dansant d’un pied sur l’autre, les bras croisés et avec une folle envie de faire demi-tour, je toise mon cavalier du jour et lui demande, avec une pointe d’exaspération dans la voix :


— C’est bon ? T’as fini de me reluquer ?


L’homme face à moi se marre, avant de m’inviter à le précéder d’un geste de la main presque désuet, qu’il accompagne d’une petite révérence. Quel idiot ! Menton relevé, épaules rejetées en arrière, je passe devant lui sans rien ajouter et descends au pas de charge. Je ne décroche pas un mot lorsqu’il ouvre la portière de sa berline hors de prix, ni quand il s’engouffre dans la circulation dense de ce début de soirée. De son côté, il se contente de siffloter en chœur avec la radio, ou de faire des commentaires sur la conduite des autres automobilistes. Enfin, il se gare devant un petit restaurant français que je reconnais aussitôt. Non seulement sa réputation n’est plus à faire, mais il est de notoriété publique que la liste d’attente pour pouvoir y entrer est longue comme le bras. Après m’avoir ouvert la porte, il m’attrape la main et m’entraîne à sa suite.

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3 commentaires

francoise drely

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Il y a 2 mois

Très intrigant tout ça 🤔 j'adore et j'ai hâte de connaître la suite ❤️

JULIA S. GRANT

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Il y a 2 mois

J’aime tellement ton histoire que je l’ai recommandée à une amie 😊💕

Vana Aim

-

Il y a 2 mois

❤️
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