Fyctia

-Et après, à quelle cuisson tu me mets au four ?

Lisa s’essuya les mains et se blottit sous les couvertures.

-Figure-toi que le persil contient de l’apiol et de la myristicine qui permettent une meilleure dilatation des vaisseaux sanguins et calme la douleur. Tu verras ton hématome sera réduit demain.

Emma siffla d’admiration.

-Tu es une pro des remèdes de grand-mère.

-Non, mais je connais bien celui-ci, tu n’as peut-être pas remarqué, mais je suis assez tête en l’air. Ces paroles tirèrent un sourire à Emma, et comme j’avais l’habitude de me blesser, ma grand-mère m’a donné quelques astuces.

-Tu remercieras ta grand-mère pour moi.

-Je voudrais bien, mais elle est morte. Elle tenait absolument à continuer à combattre malgré son âge et l’an dernier elle n’est jamais revenue d’une expédition sur la terre du mal.

-Je suis vraiment désolée.

-Ne t’en fais pas, on a tous perdu des proches au combat. Tu vas peut-être trouver ça choquant, mais on ne gère pas la mort comme vous. Bien sûr nous sommes tout autant tristes, mais c’est différent. C’est une habitude ancrée en nous depuis qu’on est tout petit. Pour vous la mort est presque tabou, on n’en parle pas vraiment une fois la personne décédée, non ?

-Oui tu n’as pas tout à fait tort.

Emma avait perdu son grand-père quand elle était en primaire, ses parents avaient pleuré, mais une fois l’enterrement terminé Emma avait l’impression que les gens ne souhaitaient plus l’évoquer. C’est ce qui avait été le plus difficile pour elle. Elle n’en parlait pas non plus de peur de raviver la tristesse de ses parents.

-Chez nous c’est différent, on en parle beaucoup pour évacuer, et heureusement sinon on ne tiendrait pas. Enfin tout ça pour dire que je ne pourrai pas lui dire merci, mais je suis sûre qu’elle doit être ravie que je t’ai transmis son astuce.

Emma remonta les couvertures jusqu’en haut de son cou. Parler avec Lisa de sa famille lui avait rappelé la sienne. Elle avait vécu tellement d’événements en si peu de temps qu’elle avait à peine pu penser à sa famille. Elle aurait tant voulu prendre sa mère dans ses bras, discuter politique avec son père, se disputer avec son frère. Que devait-il penser de sa disparition ? Avait-il vraiment cru à son départ pour le pensionnat ? au fait qu’elle n’ait même pas téléphoné ? elle qui ne pouvait pas vivre un jour sans avoir des nouvelles de sa famille. Et ses amies, ses fidèles amies, comment avaient-elles accepté le fait qu’Emma soit partie sans leur dire au revoir ? Amanda avait dû crier haut et fort que ça ne la dérangeait pas, mais devait être très touchée au fond d’elle. Julie avait dû pleurer en entendant la nouvelle. Des larmes se mirent alors à couler sur les joues d’Emma, elle enfouit son visage dans son oreiller pour que Lisa ne les voit pas. Sa présence la rassurait, elle se sentait moins seule dans ce monde qui avait encore tellement de choses à lui apprendre. Au bout de quelques minutes, épuisée par sa journée et ses pleurs, elle sombra dans un profond sommeil.

La pièce était sombre, seule la lumière de quelques bougies permettait aux membres de se distinguer. Le silence régnait et pourtant tous pouvaient sentir l’agitation ambiante. Ils étaient autour de la table, assis, sans qu’aucun d’eux n’ose prendre la parole. L’homme en bout de table semblait concentré. Après quelques minutes, il prit enfin la parole :

Vous avez demandé une réunion extraordinaire, alors je vous écoute ?

Un homme assis au centre se leva.

-Je pense qu’il faudrait s’occuper de la descendante Hallivander dès ce soir !

Des murmures se firent entendre, tous avaient l’air d’accord avec cet homme.

-Nous avions convenu de ne pas nous en occuper pour le moment.

-C’est ce que vous nous aviez dit et on a respecté votre choix, mais vous avez entendu comme nous le témoignage de Jo ! Pour lui c’est son instinct de survie qui lui a dit de frapper si fort, il a eu peur d’elle... D’après lui son regard a changé d’un coup et il a senti une puissance incommensurable. Nous savons que la famille Hallivander était l’une des plus puissantes familles qui aient existé, si jamais son héritière possédait ce pouvoir... L’homme frissonna, il venait d’imaginer les dégâts que cela pourrait faire.

Une femme se leva à son tour, elle semblait âgée.

-Je suis d’accord avec lui, Emma Hallivander pourrait détruire ce que nous avons si longtemps préservé. Je pense qu’il vaut mieux en finir maintenant.

L’homme assis en bout de table leur fit signe de se rasseoir.

-Je comprends votre position, mais nous ne pouvons pas nous en prendre à Emma tant qu’il veillera sur elle.

-Alors débarrassons- nous de lui aussi !

-Non, sa disparition créerait bien trop de questions. Ne vous en faites pas, Emma n’est pour l’instant pas un souci, si jamais elle le devient, je la tuerai personnellement.

Ses paroles eurent l’air de rassurer toute l’assemblée. L’homme qui avait l’air de diriger le groupe se leva et s’en alla vers la sortie.

-Dernière chose, nous ne pourrons plus faire de réunion comme celle-ci, cela est bien trop dangereux, personne ne doit s’en rendre compte, vous m’entendez : PERSONNE.

Le ton qu’il avait employé pour dire ces mots glaça le sang de tous les autres. Aucun d’entre eux ne pouvait imaginer désobéir à l’ordre de cet homme. Il était bien trop puissant et surtout bien trop dangereux. Ils partirent tous, les uns après les autres, la vieille femme qui avait pris la parole souffla sur la dernière bougie et le noir reprit sa place dans cette pièce sans fenêtre.