Fyctia
Dormir avec elle (suite)
Perfect de Ed Sheeran
Après avoir « communié » avec la Nature à l’atelier danse, Stella me rejoint à la préparation du repas, pile au moment où Fleur, une femme enceinte, me questionne sur la position sexuelle que je préfère.
— C’est, hum…
Stella s’attelle à découper des pêches pour la tarte que pétrie Fleur, mais il est évident qu’elle tend l’oreille.
La question est posée sans malveillance, mais je n’étale pas ma vie privée, même fictive ! Ces dernières années, j’ai évolué dans un milieu sans filtre ni tabou où les conversations autour du sexe étaient souvent dégradantes pour les femmes. La plupart du temps, je gardais le silence ou me barrais quand ça dégénérait. Les autres me chambraient, je m’en foutais.
Stella se lèche les doigts sans me quitter des yeux, je continue à bafouiller. Quand elle me sent au supplice, elle se décide enfin à m'aider :
— Bob ne répondra pas, il est trop pudique.
Fleur éclate de rire, s’excuse de sa curiosité, on me tape dans le dos et les discussions s’engagent sur un autre sujet.
Une heure plus tard, nous passons à table. Je suis face à Stella qui est assise à côté de Rusty. Le repas se déroule dans le fracas de débats politiques interminables. Malgré la gentillesse de ma voisine de table, je réponds par monosyllabes à ses questions, perdu dans mes pensées.
Je m'accorde une minute d’insouciance et me réfugie dans une réalité alternative : je suis avec Stella, nous sillonnons les routes en quête d’aventures, l'étape au sein de cette communauté sera un jour une anecdote dont nous nous souviendrons en riant...
Quand je la regarde, attentive aux propos de Rusty sur l’écologie, la tête penchée, ses doigts caressant ses lèvres, j’en oublierais presque ma mission. Ses joues ont rosi, elle a ôté mon sweat et porte ce t-shirt hideux de la station service.
J’ai eu peur pour elle, tout à l’heure. J’ignore si Chemise à carreaux bosse pour Solomon où si je suis parano, mais j’ai détesté devoir lui demander de l’aide. C’était lâche. Je la mets en danger et je ne lui explique rien.
La vérité, c'est que je suis un pauvre type qui ne méritera jamais d’avoir une femme comme Stella. Pas dans cette vie, en tous cas.
Le karma, mec.
Après le dessert, on se réunit autour d’un feu de camp. Les conversations fusent, les rires aussi. Les couples s’enlacent, s’embrassent. Pour faire bonne figure, je m’appuie contre un rondin tout près de Stella.
Sans un mot, elle ne tarde pas à venir s’asseoir entre mes jambes. Je me garde bien de la toucher et quand elle s’adosse à moi, je conserve les mains sur le sol. Ses cheveux sentent le jasmin et la sueur. Il faut dire qu’elle a dansé comme une damnée tout à l’heure.
Rusty circule autour du foyer, proposant alcool et tabac. Fleur roule des joints qu’elle distribue aux intéressés. Je décline leurs offres, mais Stella se laisse tenter par un verre de vin.
— Tu ne bois pas ?
— Non.
— Jamais ?
— Non.
— Tu fumes ?
— Non plus.
— Des joints ? D'autres drogues ?
Je lui jette un regard en biais.
— C’est l’image que tu as de moi ?
— Non. Je pose des questions, c’est tout.
Je fixe le feu plusieurs secondes, cherchant le meilleur moyen de lui faire comprendre ce que je ressens.
— Parfois, j’ai l’impression d’être un rat de laboratoire. Tu vois, ces bestioles sur lesquelles on pratique des d’expériences. Tous les jours, c’est comme si j’étais dans un labyrinthe où je devais déjouer des pièges pour atteindre la sortie…
Une braise crépite jusqu’à mes pieds. Je l’écrase avec ma chaussure.
— Si je veux un jour trouver la putain de sortie, je dois rester lucide.
Je tapote ma tempe avec mon index.
— Je ne laisse rien ni personne m’embrouiller le cerveau. Je veux être maître de ma vie et de mon destin.
Les flammes se reflètent dans les yeux verts de Stella. Sa tête dodeline.
— Je peux comprendre ça, me dit-elle de son haleine fruitée.
Est-ce que je me suis assoupi ? Ce qui est sûr, c’est qu’à un moment, nous ne sommes plus qu’une dizaine autour du feu. Il commence à pleuvoir. Stella baille. Elle n’a pas fini son verre de vin ; je ne sais pas si c’est toujours le premier.
— Je suis fatiguée, dit-elle.
Sous les objections des derniers fêtards indifférents à la pluie, nous nous levons et Wild passe son bras sous le mien. Sa main dans mon dos me fait frissonner. Dès que nous nous sommes suffisamment éloignés, elle me lâche pour lever son visage vers le ciel.
Le petit crachin est en train de se transformer en grosses gouttes pénétrantes qui s’abattent sur nous avec force. Elle ne bouge pas.
— Qu’est-ce que tu fais ?
Elle étend ses bras, ouvre la bouche et tire la langue.
— Tu sais combien de jour de pluie nous avons chaque année là où j’habite ?
Elle sourit à l’eau qui ruisselle sur son visage. Je la corrige :
— Où tu habitais.
Je reste plantée là, comme hypnotisé, tandis qu’elle tourne sur elle-même en riant. Au bout d’une minute, elle me lance :
— Allez, viens !
Dans la tente, j'allume la lampe qu’on nous a prêtée. Nous nous allongeons et nous répartissons les couvertures. Elle se glisse aussitôt sous la sienne, puis retire son t-shirt trempé. Tandis qu’elle se contorsionne, j’attrape dans mon sac le premier livre qui me tombe sous la main et commence ma lecture. Du coin de l’œil, je vois passer son short qu’elle lance à ses pieds. Ensuite, elle pose une boîte en forme de coquillage près de son oreiller, avant de me tourner le dos.
Moi, je n’ai pas besoin de me couvrir, je trouve qu’il fait une chaleur suffocante sous cette toile, malgré la pluie qui tambourine dessus. Quand Wild dormira, je me déshabillerai. Je ne veux pas prendre le risque qu’elle remarque ce que j’ai scotché sur mon ventre.
— Bonne nuit, dit Stella en me jetant un dernier coup d’œil.
— Bonne nuit.
— Tu tiens ton livre à l’envers, Bob, ajoute-t-elle avec un sourire dans la voix.
— De toute façon, j’allais éteindre.
L’obscurité nous enveloppe et non loin, quelqu’un se met à jouer Perfect à la guitare.
— La rencontre de la bibliothèque, c’est du vécu ? m’interroge soudain Stella.
Je ne m’attendais pas à cette question.
— Non.
— Tu as du talent pour inventer des histoires, dans ce cas.
— Ouais... inventer de belles histoires à défait de les vivre. Et puis je me suis inspiré de ce que j’aimerais… et de la réalité, aussi.
— Tu veux dire que la fille qui contemple la verrière, c’est moi ?
— En quelque sorte.
— Tu as déjà été amoureux ?
Non, jamais. L’amour n’a pas sa place dans ma vie. Les filles que j’ai rencontrées le savaient. Dans ce domaine, je ne peux même pas parler de relations ; c'était juste du sexe.
Stella est la première femme avec qui je passe autant de temps. Je bascule vers elle et, même si je sais qu’elle ne me voit pas, je pointe mon index sur ma tempe.
— Lucide, toujours, tu te souviens ?
Tâche de t’en souvenir toi aussi, abruti…
I found a love, for me
Darling, just dive right in and follow my lead
Well, I found a girl, beautiful and sweet
Oh, I never knew you were the someone waiting for me
19 commentaires
Ines.m
-
Il y a un an
clecle
-
Il y a un an
Laureline Maumelat
-
Il y a un an
Céci.B
-
Il y a un an
Laureline Maumelat
-
Il y a un an
Emeline Guezel
-
Il y a un an
Katie P
-
Il y a un an
Laureline Maumelat
-
Il y a un an
MONTENOT Florence
-
Il y a un an
Giselle Marion
-
Il y a un an