Fyctia
1976
La rousse déambulait entre les stands du marché de la manière la plus discrète qu’il soit. Les commerçants ne voyaient qu’une ombre, les habitués distinguaient un vent quand la plupart ne remarquait rien. Après de longs mois d’entraînement, la jeune fille était devenue imbattable pour se cacher.
Une fois sa mission remplis, elle décida de quitter les lieux. Mais la vision de pommes bien rouges l’arrêta, et elle s’accorda un petit détour. Alors que ses doigts entouraient un des fruits, d’autres s’emparaient de son poignet. Elle leva la tête dans un geste brusque, croisant le regard fatigué et humide d’une vielle dame.
Elle ne l’a reconnu pas toute de suite. Puis, son cerveau remit ses traits, ses yeux et son petit nez sur un visage du passé, il y a presque un an en arrière.
— Delphine ? C’est toi ?
La voix de l’étrangère finie à la convaincre. Elle se dégagea le plus vite possible et courut aussi vite qu’elle le put. Personne ne la retint.
Resté entre les clients, Madame Orphe se demandait si elle n’avait pas rêvé. Elle attrapa ses achats et retourna à l’orphelinat, noyé sous ses larmes. Cela faisait un an que sa petite protégée, et de nombreux autres enfants avaient disparus. Les autorités locales avaient enquêté dans toute la ville, en vain. Où pouvaient-ils bien être ? Elle l’ignorait. En arrivant à la cuisine, elle déposa les mets sur une table et évita les regards pleins de pitié des employés. Elle ne voulait pas qu’on la plaigne. Car son cœur lui murmurait qu’elle était la seule responsable. Ces enfants étaient sous sa protection, comment avait-elle pu les laisser sans aller ? Fatiguée, elle rejoignit ses appartements à l’étage et s’effondra sur son lit.
Quand la rousse arriva à la ferme, elle fit le tour du complexe, arriva à l’arrière de l’étable, et toqua à une vielle porte cachée derrière des feuillages. Deux coups. Trois coups. Un coup. Un grincement se fit entendre tandis qu’on lui autorisa l’accès. Elle traversa la partie du bâtiment, la cour et arriva au bâtiment principal où elle fût accueillie comme une reine.
Les plus jeunes, qui avaient entre cinq et huit ans, se jetèrent à son cou.
— Tu nous avait manqué ! S’écria l’un d’eux.
Elle leur assura que c’était réciproque, puis leur confia la mission de ranger ses achats. Ils s’exécutèrent tandis qu’une silhouette s’approcha d’elle. Il lui attrapa la main avec délicatesse. Elle n’essaya pas de resserrer ses doigts autour des siens, pas plus que de les retirer.
— Tout s’est bien passé ?
— Oui.
Elle décida de ne pas évoquer sa rencontre avec leur ancienne gouvernante, ils avaient bien assez de problèmes comme ça.
En l’espace d’un an, Sebastian était parvenu à créer un petit groupe solide et éclectique. Après Adrien, sa clique et les pensionnaires de l’orphelinat, d’autres avaient rejoint leurs rangs. Notamment les enfants du quartier, qui rentraient le soir chez eux pour ne pas éveiller les soupçons, sans compter les gamins des rues.
Une poignée d’adultes vivant dehors avaient trouvé refuge à la ferme. Le jeune leader les avait accueillis en échange de leurs loyautés. Delphine s’était convaincue que c’était un acte de bonté.
Pourtant, les proches du chef savaient qu’il n’était question que d’un échange de bons procédés. Les grandes personnes étaient les premiers à se sacrifier quand les missions devenaient dangereuses. Car Sebastian ne s’était pas contenté de rallier des personnes et de voler de la nourriture pour leurs besoins. Ce n’était que la base d’un projet bien plus ambitieux, qu’il avait mis en place petit à petit durant les douze derniers mois.
Bien sûr, la rousse n’en savait rien. Elle avait pardonné pour Ludovic, le considérant comme une erreur de parcours. Elle n’accepterait jamais tous ceux qui ont suivi. Les cadavres qui se sont empilés, les tortures qu’il avait lui-même pratiqués. Il s’était sali les mains jusqu’au coude, et il savait qu’elle n’y survivrait pas.
Pas maintenant.
Pas tant qu’il ne lui dirait pas toute la vérité.
Comme il se l’était promis, il y a longtemps. Pourtant, il n’avait pas encore trouvé le courage, ni les mots. Son cœur et son âme n’avaient pas eut le temps de cicatriser. Il désespérait même qu’une guérison soit possible un jour.
En attendant, il mentait à celle qu’il aimait le plus au monde. Dans son dos, avec l’aide des membres les plus forts de sa toute jeune organisation, il partait à la recherche des informations dont il avait besoin. Il menait son enquête.
— Je vais aller me reposer.
La voix de Delphine le sortit de ses réflexions et, l’espace d’un instant, calma la tempête qui l’embarquait. Elle s’éloigna, et sa présence fut remplacée par celle d’Adrien.
— Bonjour Patron.
Sebastian sourit. Son bras-droit se faisait plus discret que d’habitude, et criait moins. Il vivait assez mal la mue de ses cordes vocales. Une banalité qui n’intéressait que les adolescents normaux.
Ce qu’ils n’étaient pas.
— Où nous en sommes ? Demanda Sebastian.
— Tout est en place. On va pouvoir passer à l’étape supérieure.
— Parfait.
L’ainé salua le cadet et partit. Ce dernier resta un instant seul, ferma les paupières et laissa ses pensées naviguer le plus loin possible.
Cette fois, nous y sommes.
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Simon Saint Vao
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