Fyctia

Je suis accueillie devant la porte de la maison par ma mère et par Leno. En revanche, il n'a pas cet air aussi agaçant que la dernière fois, il est plus charismatique. Il est sombrement habillé toujours dans un style BCBG. Je remarque la désapprobation de ma mère d'avoir ramené Nicolas jusqu'ici alors que Leno est là. Elle regarde les deux hommes l’un après l’autre, puis moi et lève les yeux au ciel. Je ne comprends pas, j’ai l’impression que je dois cacher Nicolas. C’est comme si pour elle, il n’était plus assez bien pour moi maintenant. Sûrement parce que mon copain n’est pas un élémentaire. Enfin je n'en sais rien, après tout je peux encore avoir des surprises.

« Non, son aura indique que c'est bel et bien un non-élémentaire. » Me répond mentalement Leno.

Vu que personne ne réagit je comprends vite qu'il a répondu à ma pensée donc qu’il a encore lu les miennes. Non mais, il ne connaît pas le terme intimité celui-là ?

Nicolas est donc un humain normal, cela devrait me rassurer mais non. Si cela n’avait pas été le cas, j’aurais pu partager avec lui mon secret. En même temps, il sera mon repère, celui qui me permettra sûrement de pas perdre mon objectif de vue, ne pas ressembler à ma famille, être normale.

Nicolas passe devant moi pour saluer ma mère et Leno.

- Enchanté, moi c'est Nicolas Dupont, le copain d'Edel et toi ?

- Leno Gilbert. Il répond très froidement.

- C'est un ami de la famille. Je lui explique puis je me tourne vers Leno. Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Ta mère m'a appelé pour que je règle des choses avec toi, donc je suis venu.

- Oh, je vois. Je demande alors un air navré. Nicolas, cela te dérange si on remet notre sortie au week-end prochain ?

- Non pas du tout ma puce. Me sourit-il.

Nous nous dirigeons vers le portail en bois qui aurait pu être simple et ordinaire si ma mère n’avait pas décidé de le peindre en bleu électrique, comme les ouvertures et volets de la maison. Cette dernière est des plus classiques, façade blanche, forme rectangulaire, 120 m², un étage, un grand jardin devant et une petite cour à l’arrière où Fuschia, ma mère, a planté son potager et son jardin aromatique. Je m’arrête juste devant la fermeture de notre terrain, on se prend dans les bras et on s’embrasse pour se dire au revoir.

Je reviens vers l'attroupement qui se trouve devant la porte de la maison. La petite femme aux cheveux courts et grisonnants, portant une robe avec des motifs de fleurs violettes, qui se trouve être ma mère me dit de faire attention à qui je ramène désormais. Pardon ? Elle, qui se montre toujours accueillante et bienveillante envers tout le monde, qui nous a élevés Arum et moi avec une éducation « peace and love » ... Je ne comprends pas ce revirement. Cela fait deux ans que je suis avec Nicolas et elle l'a toujours portée en estime. Pourquoi tout d'un coup il n’est plus le bienvenu ? Et comment veut-elle que je lui explique cela ?

Mon frère et ma mère rentrent ensemble pendant que Leno et moi parlons.

- Ta mère est inquiète car tu ne parles pas trop de tes dons et elle ne te voit pas les utiliser, alors elle se demande où tu en es dans ton apprentissage ?

- Quoi ? Mais de quoi je me mêles ?! Je n'en suis nulle part.

- Attends ... Tu veux dire que tu n'as pas de nouveaux dons ? Se montre-t-il étonné.

- A vrai dire, j'ai plutôt tout fait pour ne pas avoir de manifestations.

Je vois le visage de mon interlocuteur, il n’a pas l’air satisfait de ma réponse mais ne me pose pas plus de questions. Leno décide de voir mon niveau en commençant par la base : lire dans les pensées. Il me propose d'essayer sur ma mère.

Nous allons dans le salon salle à manger très coloré de ma mère. C’est simple il n’existe pas une couleur qui ne soit pas dans cette double pièce. Les canapés sont marrons simples, mais les cousins et les plaids qui les accompagnent sont violet, vert, rose. Je ne parle même pas de la décoration murale qui est une exposition de différentes toiles faites par la maîtresse de maison. Depuis toute petite je la vois les faire, elle fait une séance de relaxation pendant 20 minutes puis prend une pile de catalogues. Elle découpe ce qui lui parle et colle le tout sur sa toile, cela créer un patchwork d’images, de mots, qui sont généralement très positifs. Joie, bonheur et paix est le mantra de ma mère. Elle est coach de vie, c’est à dire qu’elle aide les personnes à se trouver et s’épanouir que cela soit du point de vue personnel ou professionnel. Notre salon est là où elle reçoit ses clients alors il doit refléter ce qu’elle essaye de leur transmettre.

Si eux arrivent à méditer ici pourquoi pas moi ? Leno me fait faire des exercices de relaxation avant de commencer à s'entraîner à lire dans les pensées. Nous restons tous les deux debout. Il me demande de me détendre, les bras le long du corps, de fermer les yeux, de vider ma tête et d’écouter ma respiration. Puis, il m’indique de me focaliser sur ce que j'entends, sur ce que je ressens. Plus je m’exerce, plus j'arrive à faire la différence entre la voix et les pensées de celle qui m’a mise au monde. C'est assez compliqué de me concentrer avec un mec comme Leno juste devant mon nez, mais je m'exécute du mieux que je peux. Après quelques heures, je réussis nettement à entendre ce que pensent ma mère ou mon frère. Je réalise que ce dernier trouve l'élémentaire de l’esprit pas mal et qu’elle me voit déjà mariée avec lui. A croire qu'elle a déjà oublié que je suis avec Nicolas !

Le soir arrive, Maman propose à Leno de rester jusqu'au lendemain soir pour m'aider à développer mes capacités. A ma grande surprise, il accepte, mais n'ayant pas de place autre que dans ma chambre ... Nous montons à l’étage pour aller nous coucher. Une fois dans la seule pièce qui m’est réservée dans cette maison, je le vois observer la décoration. C’est sûr que c’est pas la même ambiance qu’en bas ! Les tons qu’on trouve dans mon petit havre de paix sont dans des teintes des plus classiques, blanc, gris et noir. J’ai réussi à faire de la récupération lors de marchés aux puces ou de brocantes, pour avoir des meubles stylés mais pas chers. Cet espace ressemble presque à une brochure d’un catalogue de magasin scandinave bien connu. Ma chambre n’est pas très grande, j’ai réussi à optimiser la place du mieux que j’ai pu avec mon bureau, mon lit, ma table de chevet et mon armoire.

Je mets donc un matelas là où je peux c’est-à-dire au pied de ma couche. Je remarque que Leno s'installe tranquillement sans faire de réflexions. Je suis choquée qu'il ne s'offusque même pas qu'on lui propose de dormir par terre ; Monsieur Leno Gilbert, premier élémentaire de l’esprit à être apparu !