Fyctia
Vacances de Noël. Partie Deux.
—Tu vas vite comprendre, déclara Antoine. Au fait, on a gagné !
—Donc, c’est bon, on est champion d’automne ? demandai-je en me dirigeant vers la cuisine adjacente.
—Paris a gagné, aussi.
—Je vois, dis-je en tirant un paquet de céréales du placard.
Finalement, nous restions à la deuxième marche du podium, et passions à deux points d’un titre qui aurait fait du bien à l’équipe.
—Au moins, on reste en course pour l’Europe.
Assise à la table de la cuisine, je mangeais lentement, mâchant chaque morceau avec soin. Quand j’eus fini, je lavais ma vaisselle, ainsi que celle d’Antoine, la séchait et la rangeait. Tout cela me pris moins de trente minutes. Marie n’était toujours pas rentrée.
De retour dans ma chambre, j’allumais l’ordinateur afin de vérifier mes mails et faire un tri dans la boite de spam et fis un rapide détour par le site internet du lycée. Il était quasiment vierge, à cause des vacances. Évidemment, le bulletin de note du premier trimestre ne fut pas encore publié, aussi je ne m’y attardais pas plus de quelques instants, avant de m’attaquer au visionnage des dernières vidéos de mes Youtubeur favoris. Des chaînes principalement axées sur l’écriture et la littérature, et saisissais mon petit cahier de notes, prête à relever le moindre détail utile dans mon apprentissage d’autrice en herbe. Je fis défiler la liste de mes chaines favorites, les unes après les autres, pour me rendre compte que j’avais visionnée toutes leurs vidéos les plus récentes. Mon cahier fut déjà noirci des quelques conseils et techniques utiles, pour mener à bien l’écriture de toute sorte de livre.
Agacée, je refermais la page internet et rangeais mon cahier dans le tiroir de ma table de chevet. Je tombais nez-à-nez avec mon dictaphone, déposé-là depuis ma dernière visite à la maison hantée. Je décidais de le laisser de côté et me roulais en boule sur le lit en fermant les yeux. Je n’allais penser à rien d’autre qu’aux vacances et au noël à venir. Le seul mystère auquel je m’obligeais à penser, fut celui du cadeau pour lequel Marie faisait autant d’efforts. Je profitais des rares rayons de soleil en relevant mon short le plus haut possible sur mes cuisses devenue presque pâles à cause du climat parisien, et me concentrais sur la chaleur qui caressait ma peau. Je repris conscience au bruit d’une voiture qui tournait dans la rue. Je bondis sur mes pieds, fébrile et me précipitais au rez-de-chaussée.
—M’an ? appelais-je alors que la porte s’entrouvrait dans un éternel grincement.
Je me trouvais sur la première marche de l’escalier, surplombant Antoine d’une tête.
—Bonjour, mon petit ange ! s’esclaffa une voix aigue et terriblement familière.
—Mémamoi ! m’exclamais-je d’une voix aussi surprise que ravie.
—Viens par ici, que je t’admire de plus près.
Je me précipitais pour répondre à sa demande, bousculant presque Antoine sur mon passage.
—Mon dieu, que tu as grandie, affirma-t-elle en me serrant dans ses vieux bras. Cela ne faisait pas plus de trois mois depuis la dernière fois que nous nous étions vus, même si cela me paraissait une éternité.
"Mémamoi" était ma grand-mère, du côté maternel. Elle avait hérité de ce surnom alors que je n’avais pas plus de dix-huit mois et que « ma mémé à moi » fut trop compliqué à prononcer. Cette contraction fortuite resta, comme figée dans la pierre.
—Tu es presque une vraie femme, maintenant, fit-elle en reluquant mon pseudo pyjamas. Je rougissais tandis qu’elle me tenait à bout de bras, comme pour m’admirer—Mamie… grommelai-je—Alors, comment se passe ta nouvelle vie ? Les garçons sont mignons ? demanda-t-elle le regard pétillant de malice. Mais c’est la question suivante qui me mit définitivement mal à l’aise. J’espère que tu te protège, au moins ?
Mon visage s’embrasa, tel un volcan prêt à exploser.
—Maman ! la reprit Marie, visiblement encore plus gênée que je ne le fus. Elle et moi n’avions encore jamais eu ce genre de discussion. —Il faut dire que nous n’avions que peu d’occasion de discuter, de quoi que ce fut, depuis mes douze ans, et mon premier cycle menstruel—.
—Eh bien, quoi ? reprit Mémamoi, perplexe. Angélina est grande maintenant. Elle doit bien savoir que les bébés ne naissent pas dans les choux !
—Ne t’inquiète pas, mamie, je sais tout ce qu’il y a à savoir. Tentais-je de la rassurer.
—Cela ne m’étonne pas de toi, mon petit ange. Mais, dis-moi. Où en es tu avec les garçons ? Tu as un petit ami ?
Je crus que j’allais m’étrangler.
—Je n’intéresse pas les garçons, tentais-je de la persuader, peu désireuse de lui avouer mes relations conflictuelles avec les jeunes de mon âge.
—Pourquoi dis-tu ça ? riposta-t-elle, sceptique.
—Tenez, Marie-Jo, intervint Antoine. Venez vous assoir.
Il lui indiqua le canapé, alors que Marie s’occupât de la valise et autres bagages à main.
—Vous avez fait bon voyage ? lui demanda-t-il pour changer de sujet. Je le remerciais d’un coup d’œil.
Confortablement installée sur le canapé, Mémamoi entreprit de raconter son périple en train. Quant à moi, je songeais au fait que je l’avais échappé belle, une fois de plus, grâce à Antoine. Marie-Joëlle, Marie... dans la famille de ma mère il était de tradition de prénommer la première fille "Marie". Il s’en eu fallut de peu pour que je fus affublée du prénom Marie-Angélique. Angélina me valait déjà des surnoms tels que Angie, voir Angela. Lorsque ce ne fut pas Nini, ou Nina.
—Le trajet fut terriblement éprouvant, racontait Mémamoi. Tous ces gens avec leur accent pointu, qui braillaient dans leur téléphone, se levaient et déambulaient dans le wagon comme s’ils étaient chez eux, soupira-t-elle. Je vous jure qu’il y a des claques qui se perdent, menaçait-elle en brandissant une main vers le ciel.
Mémamoi était une vraie femme du Sud. Fille d’immigrés espagnoles, elle avait le tempérament bouillant. Et la verve qui va avec.
—Mais bon, qu’est ce que je ne ferais pas pour ma petite fille chérie. Et puis, maintenant que vous habitez dans le Nord, il faut bien que je prenne sur moi pour vous voir un tant soit peu.
—Arrête, maman, intervint Marie. Ce n’est pas le Nord. En fait, on est plutôt au centre de la France. Et puis, ce n’est pas si loin, en train.
—Pas le Nord, pas le Nord, protestat Mémamoi. Il n’empêche qu’il n’y a pas un brin d’herbe qui pousse, par ici. Je n’ai vu que des buildings et du goudron, depuis que j’ai mis les pieds hors de ce train. Et puis, la circulation… ils sont tous agglutinés les uns derrière les autres, dans leur voiture. C’est simple. On dirait un troupeau de vache que l’on mène à l’abattoir !
Marie soupira, mais n’insista pas.
—Vous voulez boire quelque chose ? demanda Antoine. Nous avons des Sodas, de l’eau…
—Tu m’as pris pour qui ? L’interrompit Mémamoi. Je ne suis pas encore bonne à aller à l’hospice. N’avez-vous donc pas de vin ou de bière, dans votre capitale ?
Marie tourna les talons, direction la cuisine. Elle en revint un instant plus tard, deux bières entre les mains.
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