Dacia Gargouilles. La porte des ténèbres. 7.3

7.3

—Certaine, dis-je sans la moindre hésitation.

—Bien…

Elle se mit à farfouiller dans un des tiroirs et en sorti une pile de photographie.

—Tiens, regarde.

Jess déposit le tas de photo sous mon nez.

—Qu’est-ce que je dois regarder ?

—Vas-y, fais-les défiler.

Jess s’empara de la première photo du bout de ses longs doigts, et la déposit juste à côté de la pile. Elle renouvela l’opération, encore et encore.

Chacune d’elles représentait la façade avant de la maison hantée. L’amas de photo constituait plusieurs mois de clichés nocturnes.

—J’ai passé des nuits entières à photographier cette maison, déclara Jess. Je l’ai étudiée sous toutes ses formes.

La pile s’amenuisait sous mes yeux, tandis qu’elle se reconstituait quelques centimètres plus loin. Je ne comprenais pas où Jess voulait en venir.

—Tu vois, là, là et là, fit-elle en désignant les clichés. Statues, statues et statues.

C’était là, juste sous mes yeux, je ne pu le nier !

Une bonne centaine de clichés furent passés, pourtant, je ne m’en étais pas rendue compte. Les statues apparaissaient sur chacun d’eux et il suffisait d’un coup d’œil pour s’apercevoir qu’ils avaient tous été pris à des dates et heures différentes. —Jess n’exagérait pas lorsqu’elle affirmait qu’elle avait passé des mois et des mois à prendre ces photos —.

Yǔ lòu ! Ce que le vieil homme de la boutique avait dit me revint subitement à l’esprit : « Si tu regardes le monde seulement avec les yeux et que tu oublies de regarder avec ton cœur, alors oui, un dessin ne sera jamais rien d’autre qu’un dessin ».

—Alors, tu peux m’expliquer ? —

Le regard de Jess se faisait plus intense. J’avais la certitude de n’avoir jamais vu ces trois statues sur la façade de la maison. Cependant, une photographie ne savait mentir, alors que dire d’une centaine de photo ?

La seule explication, —rationnelle —, fut que Jess avait élaborée cette étrange blague. Il lui aurait suffit d’un logiciel de montage, pour faire apparaître ce qu’elle voulait de dessus les clichés. —La question était : pourquoi se donner autant de peine pour un simple canular ?

—Angelina, Jess ? fit Josépha en frappant à la porte.

Elle pénétra dans la chambre, sans attendre la réponse de Jess.

—Votre père vous attend au salon.

La soirée chez les Auvono touchait à sa fin. La dernière heure qui nous avait été octroyée s’était déjà écoulée, et il été temps pour moi de retrouver mes parents.

Sauvée par le gong !

Jess s’empressa de ranger ses photos en une pile compacte, avant que Josépha n’atteigne la table basse sur laquelle nous nous étions installées. L’heure tardive de la prise des clichés, indiquait que Jess avait due faire le mur à plusieurs reprises pour les prendre. Ni Josépha, ni Charles ne devaient tomber-dessus. Je l’imitais en abaissant l’écran de mon ordinateur.

Nous atteignîmes le long couloir —dans un silence de cathédrale —, Josépha prit les devants. Elle consultât de nombreuses la large montre à son poignet et semblait pressée par le temps. Les larges escaliers de marbres furent à porté de pied, lorsqu'un miaulement, suivit d'un bruit sourd rompit le silence.

—Qu'est-ce que...

La surprise me fis bondir, alors que mon cœur s'arrêta. Les bruits semblaient provenir de l'autre côté d'une porte située au fond du couloir. Lors de la "visite guidée" à mon arrivée, Jess m'avait indiqué cette porte dans un grognement: "La chambre de Willy", marmonna-t-elle.

Soudain, j'imaginai le pire, en repensant au jeune garçon, presque rachitique.

—Willy! m'écriais-je en me précipitant vers la porte.

Jess tenta de saisir mon bras. L'adrénaline aidant, je fus plus rapide qu'elle.

—Dios mio! s'écria Josépha. Immobile.

J'enfonçait la porte sans trop de difficulté. La pièce était sombre, les lueurs de la pleine lune comme seul source de lumière. Une fenêtre ouverte se baladait sous les courant d'air provenant de l'extérieur. Agenouillé au centre de la pièce, Willy lui faisait face. Muet. Le visage près du sol. Un vieux rideau poussiéreux balayait la pièce, dans un bruit de froissement et attira mon regard vers l'extérieur. Une ombre, si massive qu'on en devinait la masse d'un simple coup d'œil, se volatilisa sous mes yeux.

—El Diablo, el Diablo! s'écria Josépha.

En un instant, Charles Auvono se trouva au côté de son fils. Jess au mien.

—La trousse à pharmacie! ordonna Charles.

Josépha s'exécuta et quittait la pièce en grommelant des phrases en espagnol.

—Il va falloir qu'on parle, chuchota Jess à mon oreille gauche.

J'attardais un regard oblique dans sa direction, cependant elle n'en dit pas davantage.

Josépha revint, une large trousse à pharmacie entre ses mains tremblantes. Elle protesta vigoureusement, lorsque Charles Auvono lui demanda de la lui rapporter. Jess s'en chargea pour elle.


Charles n’autorisa pas Jess à me raccompagner plus loin que le parking de leur immense maison. Josépha avait terminé son service — plus tôt que prévu, suite à l'incident avec Willy —, et Jess devait rester sur place afin de veiller sur son petit frère. Etrangement, elle ne protesta pas.

Un signe de la main ponctua nos aurevoirs.

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