paul geister Gamers Chapitre 32 - Jeanna

Chapitre 32 - Jeanna

Du ventre de la terre, sortaient des véhicules bulldozers qui se mirent en devoir de ramasser dans la plaine les monceaux de cadavres qu’avait laissé le drame qui s’y était déroulé. Les filles tremblaient dans leur arbre. D’abord, le froid de la nuit automnale commençait à se faire sentir et la peur de se faire repérer. Elles sentaient bien que c’était dangereux. Qu’elles voyaient quelque chose qu’elles n’auraient pas dû voir. Pendant ce temps les engins à chenilles faisaient leur méthodique office. Les corps étaient happés dans une sorte de moissonneuse, puis pulvérisés dans les airs sous formes de poussières. Jeanna comprit pourquoi l’herbe sous leurs pieds était si grasse. La pulvérisation des poussières de cadavres baignait toute la végétation alentour. Les corps étaient incinérés dans le ventre des machines nettoyeuses avant d’être recrachés et dispersés sur le sol, comme digérés. Quelques heures passèrent encore.

Le soleil pointait déjà ses rayons ardents sur la plaine, promesse d’un courage neuf pour les braves, lorsque Zoe, endormie depuis quelques temps déjà, décida de lâcher prise dans le torrent bouillonnant qu’elle descendait le long d’une cascade poursuivit par une horde de gorilles, accrochée à un radeau de fortune. Elle se sentit glisser dans les rapides et elle chuta lourdement. Elle ne reprit conscience qu’une fois dans l’herbe si grasse et verte, nourrie de son compost humain. Par chance, Zoe ne s’était rien cassée. Sa chute l’avait juste définitivement aidée à reprendre conscience. Son premier geste fut de remonter dans l’arbre. Puis, après un rapide regard circulaire elle réalisa qu’elle était seule. Là-haut, Jeanna réveillée par le bruit de la chute de son amie, refaisait surface. Elle fût rapidement à ses côtés. Zoe pleurnichait. Car s’il elle ne s’était rien cassée, sa chute lui avait quand même causé quelques ecchymoses et le sentiment de solitude qui l’étreignait soudain la mettait au désespoir !

- J’ai mal partout ! Je veux rentrer à la maison !

- Tu pleureras plus tard. On ne va pas baisser les bras maintenant. Viens on va courir rapidement jusqu’aux arbres, là-bas. On sera à l’abri et on avisera !

Ce faisant, elle désignait l’orée du bois d’où avaient surgi les silhouettes noires qui s’étaient faites décimées durant la nuit. En même temps, elle détournait Zoe de son angoisse en lui donnant autre chose à penser tout en luttant contre son sentiment de culpabilité de l’avoir entraînée avec elle dans cette dangereuse aventure, qui allait peut-être s’avérer mortelle si elles ne trouvaient pas rapidement une solution.

Elles arrivèrent hors d’haleine, enfoncées à mi-cuisse dans les fougères et les hautes herbes luxuriantes. Des feuillus bordaient la frondaison. Des plantes et des fleurs étranges peuplaient le massif forestier. Une lumière bleue tamisée, hypnotique, semblait jaillir de l’étendue boisée. De minuscules insectes vrombissaient sous la lumière du soleil qui ne s’infiltrait qu’avec peine dans les futaies. Il se dégageait un sentiment de calme et de paix qui contrastait furieusement avec le massacre et les tueries de la nuit.

- Allez ! Viens ! Au moins, là on sera à l’abri.

Les filles s’engagèrent sur le sol moussu et humide. De petites sentes, dessinées par des milliers de pas, se perdaient dans les arbrisseaux et les arbustes avant de disparaitre complètement dans les premiers bosquets et taillis à la lisière du peuple mystérieux des arbres. Le bourdonnement d’une mouche ou d’un coléoptère attardé perçait la chaleur caressante.

Elles s’arrêtèrent au pied d’une bauge, mare de boue, créée par le piétinement des pieds. Jeanna sortit naturellement les quelques provisions et l’eau pour les partager avec Zoe. Tout en mangeant, elles firent un point méthodique sur leur situation afin d’en sonder la problématique.

- Le mieux c’est que l’on avance. Les silhouettes humaines d’hier soir devaient bien venir de quelque part. on finira bien par trouver quelque chose.

- Tu as raison. Et puis après ce que nous avons vu hier soir je n’ai aucune envie de revenir en arrière. Tous ces hommes, tu crois qu’ils sont… elle hésita un long moment.

- Morts, Zoe, ils sont morts, pulvérisés. Par centaines, par milliers. Je n’arrive pas à croire que nous soyons les responsables d’un tel massacre. Pourtant, ces hommes en armure semblaient bien provenir de la Citadelle !

- Quand je pense que nous étions venues juste pour faire quelques photos pour la crème de ton père. C’est raté !

- Allez en route. Essayons de traverser cette forêt. Du haut des remparts du mur de la Citadelle, elle ne semblait pas si grande que cela. On verra bien. On finira par trouver quelque chose.

Jeanna glissa le sac sur son épaule droite et se mit crânement en route, suivant les traboules visiblement dessinées par les habitants sylvestres. En s’enfonçant peu à peu, elles gagnèrent tout de suite la fraîcheur automnale sous les futaies, laissant derrière elles les rayons qui chauffaient le sol. Très vite elles gagnèrent une forêt primaire, dense, où des arbres séculaires étendaient leurs racines noueuses dans des sentiers de terre battue. Certains de ces seigneurs sylves, morts, cachaient sans peine une cime si haute que les filles ne voyaient plus qu’avec chagrin le ciel bleu au-dessus du feuillage. A d’autres endroits, les vieux arbres, aux branches écartées, couvraient tout et le feuillage formait un dôme monumental d’où descendaient des lianes fibreuses décorées de lierre enroulé de liseron.

Elles débouchèrent sur plusieurs clairières, puis continuèrent en s’enfonçant toujours plus profondément dans les bois. Il n’y avait pas de traces d’hominidés vivants là. Il n’y avait rien, que, par endroits, une petite source d’eau fraiche qui serpentait mollement avant de se fondre dans le sol boueux, puis qui revenait un peu plus tard batifoler dans leurs pieds comme un chien fou, heureux de les accompagner dans leur promenade. Elles pénétrèrent toujours plus loin, persuadées qu’à un moment elles allaient déboucher sur la plaine, ou sur des traces de vies humaines. Mais il n’y avait que de petits écureuils ; parfois un geai multicolore ; des passereaux joyeux qui voletaient de branche en branche et tout ce petit monde produisait une jolie musique, apaisante. Rien d’autres que la chanson mélodieuse d’une profonde forêt. Jusqu’au moment où Jeanna se trouva prise par le pied dans un étau qui se déplaça à une vitesse monstrueuse tandis qu’une brassée de feuilles mortes s’envolaient dans les recoins sombres.

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3 commentaires

beab

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Il y a 7 ans

La description de Jeanna prise dans un piège est vraiment bien!

malorie76

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Il y a 7 ans

C'est une très bonne histoire continue

atsumi

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Il y a 7 ans

Elles sont tombées dans un piège?
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