Fyctia

— Mais t'es complètement cinglé ! Tu vois bien qu'il étouffe ! s'écrie Lily.

— Fais moi confiance, je sais ce que je fais, lui dis-je calmement.

— Fais attention quand même, j'y tiens…

— Tu veux le faire à ma place peut-être ? je rétorque.

— Tu sais bien que j'ai peur de manier ce genre de trucs ! J'ai pas envie de lui faire mal.

— Alors tais toi et laisse moi faire, au lieu de me mettre la pression.

— Si tu t'y prenais un peu mieux aussi…

— Aïe ! Voilà t'es fière de toi ?! je m'énerve.

Pourquoi est-ce qu'à chaque fois, Lily ne peux pas se passer de me donner des ordres ?

Elle a tendance à se prendre pour le père, tandis que moi je serais à sa place.

   J'ai à peine vingt-cinq ans, déjà père d'une petite fille de quatre ans et futur père d'un deuxième enfant donc le sexe n'est pas encore déterminé. C'est parfois compliqué pour moi de m'habituer à cette vie, maintenant bien remplie, maintenant pleine de joie et de cris. Avant, ma vie était calme, je me levais à dix heures du matin, prévoyant tout à la dernière minute, sortant tard le soir avec mes amis au bar du coin. A présent, je me fais réveillée à cinq heures du matin par des hurlements, je ne partage plus seulement mon lit avec ma conjointe, mais aussi avec ma fille, je ne sors plus tous les soirs. Ça a été un vrai changement pour moi, mais j'ai réussi à m'y habituer. Le seul problème persistant, c'est mon caractère vis à vis de Lily. Selon Marie, la femme de ma vie, je suis trop sévère avec elle, je devrai apprendre à accepter qu'elle soit pleine de joie de vie, sans cesse surexcitée et bouge-bouge. Je commence à croire que je n'y arriverai jamais....

Encore aujourd'hui, je viens de revenir du magasin de jouets avec Lily. Je lui ai acheté la peluche qu'elle voulait et en revenant à la maison, j'ai voulu lui couper l'étiquette.

Ça a déjà mal commencé. J'ai voulu couper le papier, mais je tenais l'ours en peluche par le cou et, d'après elle, je l'étranglait. Rien qu'avec le ton qu'elle a pris, ça m'a énervé. Ma fille est vraiment mignonne, toute «choupinou», mais elle a du caractère. Forcément, je me suis énervée contre elle et elle a continué à paniquer pour un rien, j'ai mal coupé, et quelques poils sont partis avec le ciseau.

Maintenant, elle pleure dans son lit, disant que j'ai blessé Teddy, qu'il faut l'emmener à l'hôpital.

Je sais que je n'aurais pas dû réagir si violemment, m'énerver comme ça, mais parfois, j'oublie que je parle à une petite de quatre ans et qu'elle est jeune.

Alors je tente de me rattraper. J'attrape une serviette de toilette blanche, des cures-dents, des cotons-tiges et une pince à épiler. J'enfile une chemise blanche et un pantalon noir, met des lunettes sur les yeux et vais toquer à la porte de sa chambre.

— Mademoiselle Grand ?

— T'es méchant Papa ! pleure-t-elle.

— Mademoiselle, je vous prie de venir avec moi pour le rendez-vous pour Teddy.

Elle me regarde sans comprendre, mais me suis tout de même, en reniflant et séchant les larmes dans ses yeux.

Quand elle voit la table de la salle à manger que j'ai installée, elle est toujours dans l'incompréhension.

— Tu vas faire quoi avec tout ça ?

— Je vais ausculter monsieur Teddy et procéder aux soins s'il y a lieu.

Elle me tend sa peluche, et me regarde fixement, ne lâchant pas du regard son doudou.

Je l'allonge sur la table d'auscultation inventée et fais semblant d'examiner la peluche. À côté de moi, je sens un sourire illuminer le visage de Lily et je me dis que j'ai réussi mon coup.

— Mademoiselle, il va falloir attendre un autre médecin afin qu'il procède à l'opération afin de recoudre correctement la blessure de monsieur Teddy. Cela vous va-t-il ?

— Il arrive quand l'autre médecin, Papa ? Il est où ?

À ce moment-là, la porte d'entrée s'ouvre et Marie entre dans la maison.

Lily récupert Teddy et court vers sa mère.

— Mama ! Faut tu répares Teddy. Papa il l'a blessé et maintenant faut tu le recouse après l'opération.

Marie me regarde sans comprendre, puis voit mon air désolé et elle prends la peluche, regarde la déchirure et prends un air professionnel:

— Hum... Oui, ce petit bonhomme va avoir besoin de mes soins. Je pose mes affaires et prends le matériel nécessaire, puis je suis à vous, mademoiselle. En attendant, vous pouvez rester ici en compagnie du médecin général, monsieur Grand.

Lily court s'asseoir sur une chaise et attend patiemment que sa mère revienne avec le matériel de couture. Elle entreprend alors de le recoudre, passant l'aiguille minutieusement dans le rembourrage, faisant petit à petit disparaître la déchirure.

Puis, dix minutes plus tard, elle rend Teddy à Lily et notre petite est heureuse. Elle part jouer dans sa chambre et Marie attend qu'elle ne nous entende plus avant de me regarder droit dans les yeux.

Je m'attends à une série de reproches, mais elle sourit et m'embrasse.

— Tu vois, chéri ! T'es capable de t'en occuper, de ta fille.

Pour une fois, depuis quatre ans, je vois sans doute un espoir de réussir à rendre heureuse ma fille, sans avoir peur de la blesser.

Pour une fois, je me vois réellement en tant que père.