Fyctia

Quand je passe devant ce trophée, je ressens toujours un pincement au cœur que je préfère cacher.

Oui, je ne supporte pas d'avoir échoué, d'avoir déçu ma famille, mes proches et surtout mon professeur. Ils comptaient tous sur moi, ils avaient confiance en moi, je m'étais préparée toute ma vie à cet évènement... Et j'ai échoué. J'ai perdu. J'ai tout perdu.

Qu'est-ce que j'ai perdu ?

Qu'est-ce qui s'est passé ?

Pourquoi à partir de ce jour j'ai été la risée de mes camarades et de ma famille

Pour comprendre, il faut revenir en arrière, dans le passé, le jour où tout s'est déroulé...

Depuis que je suis jeune, ma famille m'enseigne les lois de la gravité. Ils m'apprennent à les vaincre, à ne plus les craindre, à passer par-dessus.

Depuis toute petite, j'apprends à voler, à me maintenir en l'air, à faire léviter des objets.

Depuis toujours, mon objectif est de participer au concours le plus prestigieux, le plus grand, le plus exceptionnel: Les Lévitolympiades.

Un nom long et pas des plus simples à prononcer, mais qui est pourtant sur toutes les lèvres, dans toutes les discussions.

Un nom qui inspire respect, joie, compétition, victoire mais aussi crainte, désespoir, peur et mort.

Le but ? Gagner, bien sûr. Décrocher la victoire.

Mais plus précisément ? Les règles sont simples: chaque année une épreuve est présentée et celui qui réussit le mieux gagne.

Ça parait facile dit comme ça, n'est ce pas ?

Mais l'épreuve est une des plus compliquée qui soit. Peu de personnes y arrivent et certaines années, il n'y a aucun gagnant.

Chaque année, tout le monde tente sa chance, se préparant le mieux possible pour espérer décrocher la victoire et ainsi intégrer le Lévitarium, une école prestigieuse.

Ce qui se passe à l'intérieur, personne n'en sait rien. En effet, les gens qui y sont entrés, on ne les voit plus.

Seulement des rumeurs circulent. Mais aucune n'est réellement fondée.

Moi, Cindy Backier, jeune fille de seize ans, tente enfin ma chance.

Tout le monde compte sur moi et j'espère fortement ne pas les décevoir.

Demain est le grand jour.

Demain, l'épreuve aura lieu.

Demain enfin j'intégrerai le Lévitarium.

Je m'endors dans mon lit, ma tête remplie d'images d'épreuves des années précédentes.

Je m'imagine en train de faire léviter le Lévitarium, une des tâches qu'il y avait eu l'année dernière.

Personne n'a réussi.

Des rêves de gloire, des rêves de grandeur passent dans mon esprit.

Je m'imagine gagner, remporter la victoire.

J'imagine ma famille venir m'acclamer, accourir et pleurer de joie.

J'imagine le directeur du Lévitarium qui me remet le trophée et qui m'annonce que j'ai gagné l'épreuve.

J'imagine tant de choses.

Un futur des plus parfait.

Un futur de gloire.

Mon futur de rêve.

Le lendemain, incapable de tenir en place et d'avaler quoi que ce soit, je me dirige directement vers l'extérieur et commence l'entraînement, petit à petit.

Soulever, une pomme.

Puis une chaise.

Puis une table.

Et enfin un pommier.

— Cindy, dépêche toi, on va être en retard.

Je cours pour rejoindre ma famille et ensemble, nous allons à la Grande Place, là où a lieu le concours.

Je me sens fébrile. Mon cœur frappe tellement fort contre ma cage thoracique que je pense que les passants autour de nous l'entendent. Mes jambes tremblent, mon rythme cardiaque s'accélère. J'ai peur, mais je suis prête.

Je n'échouerai pas. Je dois réussir. Il le faut.

Tous les candidats se mettent en ligne devant le jury composé des quatres personnes les plus importantes de la ville et le directeur de l'établissement se met à débiter son discours habituel.

— Bienvenue chers candidats, chers spectateurs,chers juges. Aujourd'hui, en ce grand jour mémorable, les candidats présents devant nous essayerons de nous prouver qu'ils sont aptes à intégrer la célèbre école qu'est le Lévitarium. Comme chaque année, une nouvelle épreuve est présentée.

Une salve d'applaudissements se fait entendre.

— Vous connaissez tous les règles: reussir l'épreuve et ainsi votre place sera assurée. Tour à tour, vous allez vous approcher et vous ferez de votre mieux. À la fin, nous ferons un classement des résultats et celui qui aura parfaitement réussi pourra étudier au Lévitarium. Mais, si nous jugeons que personne n'y est apte, il n'y aura pas de gagnants. Chers candidats, voici le moment que vous attendez tous avec impatience: la révélation.

Dans la salle, il n'y a aucun bruit. Tout le monde retient son souffle, personne ne parle.

— Cette année il vous faudra faire léviter les juges à une hauteur de dix mètres de haut, sans les faire tomber, pendant une durée de deux minutes. Nous mettons ainsi à l'épreuve votre talent de lévitation, votre énergie et votre entraînement. Que la chance soit avec vous, l'épreuve peut commencer !

Un par un, les juges nous appellent.

Déjà quinze personnes sont passées et aucune n'a réussi plus d'une minute.

C'es bientôt à mon tour et l'angoisse monte beaucoup trop, je le sens.

Je n'y arriverai pas.

— Cindy Backier, c'est à votre tour.

Je m'avance vers les juges et prends place sur la croix au sol.

Puis, je ferme les yeux et tente, sans succès, de maitriser ma respiration.

Tant pis.

Je ferais avec mon stress. Les juges s'impatientent.

Je me concentre du mieux que je peux.

Des murmures emplirent l'air.

J'entrouvre les yeux et ce que je vois me déçoit: rien. Rien n'a bougé. Pas même d'un millimètre.

Je me reconcentre encore et encore, mais rien n'y fait.

— Mademoiselle Backier, votre tour est terminé. Vous avez échoué.

Vous avez échoué...

Vous avez échoué...

Vous avez...

Vous...

Il n'y a que ces paroles qui résonnent dans mon esprit quand je retourne a ma place.

Les regards du public est rivé sur moi, je peux même sentir le poids du regard de mon père, fâché et déçu, assis à l'autre bout de la Place.

Dès que les résultats sont annoncés et qu'on nous permet d'aller retrouver ma famille, je m'élance loin dans la ville.

Je cours, mes larmes brouillant ma vue

Je cours sans m'arrêter, mon coeur tambourinant dans ma poitrine.

J'ai échoué.

J'ai perdu.

Je suis dernière.

J'ai ridiculisé ma famille.

Mon cœur ne s'en remettra pas...

Encore aujourd'hui, je ne me sens pas bien en repensant à ce moment.

Chaque fois que je passe devant la Grande Place et que je vois le trophée, en sécurité dans la cage en verre, je ne peux m'empêcher de repenser à ce moment.

À ce moment où je suis devenue la risée de la ville.

À ce moment où tous mes espoirs et mes rêves se sont envolés.

Mais je préfère le cacher, prétextant que c'était le stress et que je ne voulais pas prendre la place de quelqu'un d'autre qui veut absolument intégrer l'école. Que ce n'est pas grave.

Quand je passe devant ce trophée, je ressens toujours un pincement au cœur que je préfère cacher.