Mary Lev FYCTIOLYMPIADES #11-Sand Canavaggia & Mary Lev

#11-Sand Canavaggia & Mary Lev

Dans un monde vitrifié par la cendre.


Durant une période indéfinie et confuse, un brasier permanent avait fini par calciner l’essentiel de ce qui vivait sur la surface de la terre. Flore et faune avaient pratiquement disparu, répandant par la suite des vapeurs toxiques. Pour survivre, tels des rats, nous avions finis par nous réfugier dans des réseaux sous terrains.


Après un temps indéfini, peut être des décennies, peut être des siècles, nous étions incapables de le savoir, nous avions décidés de nous extraire de nos abris. Ce ne fut que pour constater les ravages de la tempête incandescente, toute trace humaine avait apparemment disparue. Grace à la morphocycline, une cellule synthétique, notre communauté avait acquis un nouveau métabolisme, plus résistant aux maladies et aux conditions de vie difficiles à l’extérieur. Ce neuro transmetteur avait également amplifié nos sens. De ce cataclysme ont évolué deux communautés humaines qui ont fini par se transformer en deux races bien distinctes, aux modes de vies différentes. Les Psycho-mentaux et les Inhumains, ces derniers sont la branche la plus sanguinaire et bestiale des hominidés que notre planète ait pu engendrer. Nous étions plus puissants, ils étaient plus nombreux. L’homme était devenu à la fois prédateur et proie.




— Stop Solèn, tu entends ?


Le regard inquiet de Jon me fixe. Nous cessons de nous déplacer pour mieux écouter. De la peau marbrée de son visage, une sorte de vapeur s’échappe de ses lèvres gercées. Je n’entends rien, je ne remarque que sa mâchoire carrée, ses épaules massives, ses mains puissantes et assurées qui m’empoignent et me tirent vers lui.


— Ne t’éloigne surtout pas ! Ils rodent, et tu sais bien ce qu’ils pourraient nous faire !

Nos regards complices s’assombrissent lorsque le soleil rougeâtre se couche dans un ciel morne sur des terres couvertes d’innombrables carcasses et de bâtisses éventrées. Une nature pillée par les conséquences de la politique de l’homme. Mon estomac se met à gronder, je n’ai pas mangé depuis l’avant-veille. Jon m’attire sur le remblai du bord de la voie et extrait de son havresac, un ballot de champignons secs. Après cette maigre pitance, vestiges d’une culture que nous ne possédons plus, nous convenons que le prochain combat sera la survie de notre peuple. Le mien sera de ravir son cœur, sa manière de me regarder me donne de l’assurance. Notre expédition armée passera bientôt à autre chose.


— Regarde, une station ! s’écrie Jon après une marche harassante, des combats contre des octopodes suintant d’un jus nauséabond et leurs dresseurs, les Inhumains, nos congénères d’un temps passé.


Nous ne cessons de déchanter à chaque nouvelle découverte. Au milieu d’un désert de cadavres métalliques, je l’entraine par des sauts périlleux entre chaque carcasse baignée par la lumière verdâtre des trois lunes. Je lui fais un signe pour nous hâter, il me sourit, j’ai envie de lui. Une lueur vacillante m’interpelle au milieu d’un amas noirci, je saute sur un monticule, puis j’observe.

— Regarde, chuchoté-je.


— Quoi donc ! me répondit-il.


Il y a au loin une lumière générée par de grands panneaux qui ondulent. La vue entre chaque flexuosité me laisse entrevoir une sorte de miracle, une végétation luxuriante, des vergers couverts d’arbres dégoulinant de fruits. Nos yeux brillent de satisfaction.


— J’ai la dalle, Solèn.


— Il y a une trappe !


Il me retient un cours instant, je sais qu’il y a un risque, mais nous devons y pénétrer. Nos seules armes, des pieux d’une forme oblongue en CrCoNi*.


— Merde alors ! s’exclame Jon.


Attiré par le cri de surprise de mon compagnon d’arme, je découvre sa situation dramatique. Son corps semble collé sur un sol noirci et gluant, je m’approche, sa bouche est sèche, dégageant un souffle chaud et haletant. Je dois le secourir, je saisis sa main brulante, je frissonne, tire, puis pousse son corps de mes deux mains, mais en vain.


— Jon, je vais revenir, je vais aller voir de plus près cet Eden mystérieux avant que d’autres ne s’emparent de ces magnifiques fruits.


— Fonce Solèn ! Mais fais gaffe, on ne sait jamais, ce peut-être une hallucination.


Je jette une poignée de terre noire qui nous environne dans la lumière, elle se transforme instantanément en poussière, éjectée dans un souffle sans y avoir pénétré. Des murmures semblant hostiles se rapprochent, ma respiration coupée, mes doigts crispés sur mon arme, je regarde Jon. Des bruits de pas lourds se font entendre, nous restons figés. Il m’est impossible de fuir sans qu’ils puissent me voir. Encore trop loin de tout ce qui sauverait les Psycho-Mentaux et si près d’un danger imminent.


Le silence joue en notre faveur. Je m’approche doucement de son visage, nos souffles se mêlent sans le contact de nos lèvres. Une silhouette glisse dans l’air, suivie d’une seconde. Nos esprits se lient faisant marteler nos cœurs au même rythme, c’est la peur. Les féroces cannibales aux physiques rustres et grossiers lâchent des râles de satisfaction, nous comprenons alors que nous sommes tombés dans un guêpier. Il semble ne plus y avoir d’espoirs, sans doute allons-nous périr ici. Un paradoxe dans la terreur écrasante de l’instant, mon regard croise le sien, je comprends alors que le destin plein de promesses avorte de tous nos espoirs, de nos sentiments. Son regard perdu, me dit adieu, Je me suis redressée, fière et forte, pleine de hargne et de colère au milieu des Inhumains et leurs bêtes sanguinaires. Avant qu’ils nous tombent dessus, j’entends un dernier cri, c’est le mien.



Je me débats au milieu de leurs mains qui tentent de s’agripper à moi, pendant que Jon le corps a demi enfoncé dans un sol gluant finit par disparaitre sous la multitude des inhumains. Les mains qui m’ont saisies ne me lâchent pas, je me démène, elles me secouent, je me débats, elles me bousculent quand je ne vois face à moi que ma mère, mes deux frères et mon père qui hurlent de me calmer. Je suis en sueur, il fait chaud, c’est l’air conditionné en panne et non pas la terre brulée. Dehors les trois lunes blanches ne sont rien d’autre que les néons luminescents des commerces des boulevards. Je regarde mes bras, je me suis griffée…à moins que ce soit un des inhumains ? Et où est donc passé Jon ?

Mon père s’adresse à ma mère en lui disant que j’ai à nouveau fait une terreur nocturne.


* Matériau le plus dur au monde. Plus résistant que le béton et l’acier, alliage à haute entropie.


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43 commentaires

Gottesmann Pascal

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Il y a 9 mois

Construire tout un univers en 7 000 signes est un exploit. Bravo.

Mary Lev

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Il y a 9 mois

Merci Pascal !

Sand Canavaggia

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Il y a 9 mois

Merci Pascal de ton retour lecture, cela nous touche beaucoup🌹

Marie Andree

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Il y a 9 mois

La chute est incroyable mais l'univers que vous esquissez auparavant l'est aussi ! Cela donnerait une belle idée de roman. Bravo les filles !

Mary Lev

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Il y a 9 mois

Un roman à 4 mains pourquoi pas ! Merci de ta lecture Marie 😘

Sand Canavaggia

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Il y a 9 mois

Eh oui, plumes croisées et l'envie taraude de nous retrouver quand la lecture de si beaux retours et ce plaisir que nous avons eu de le faire💗Merci Marie Andrée🌹

Amphitrite

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Il y a 9 mois

Excellent ! J’aime beaucoup la chute mais je suis fan aussi de ce monde post apocalyptique. Il faudrait développer et en faire un roman, il y a vraiment un potentiel avec ces deux races opposées.

Mary Lev

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Il y a 9 mois

Merci beaucoup ! Ça nous va droit au cœur ce beau compliment !

Sand Canavaggia

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Il y a 9 mois

🌹Je ne peux dire mieux que Mary, merciiii❤️

MarionH

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Il y a 9 mois

Oooh quelle chute !! Incroyable!
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