Diane Of Seas Fyctiolympiades - Taste de stars Épreuve #2

Épreuve #2

Quand je passe devant ce trophée, je ressens toujours un pincement au cœur que je préfère cacher. Catarina, ma coach spirituelle, ne comprendrait pas. Pour elle, je dois passer à autre chose pour le bien de mon âme. Mais est-ce si facile d’oublier ?


Notre équipe avait le vent dans les voiles. Aucune défaite ne ternissait notre palmarès. J’étais au meilleur de ma forme. Nos adversaires nous rudoyaient sans parvenir à nous déconcentrer. Les astres étaient alignés. Un sans faute pour notre formation. Le trophée nous appartenait enfin.


Mais à quel prix ?


Je n’ai jamais terminé la partie. Un attaquant venu de nulle part m’a renversé à moins d’une minute de la fin. La foule s’est tue jusqu’à ce qu’on me sorte sur une civière.


L’année d’ensuite, mes coéquipiers se sont battus pour moi, s’acharnant sans relâche sur celui qui a provoqué mon départ précipité.


Non, Catarina ne comprendrait pas que je ne peux pas les abandonner après ce qu’ils ont fait pour moi.


Je me sentais si vivant, à l’époque. Les acclamations me soulevaient, m'enivraient jusqu’au petit matin. Tout ça n’est plus qu’un misérable vestige de mon passé. Mon impuissance, à frapper ce foutu ballon qui m’a valu les grands honneurs, me torture, mais les souvenirs restent si vivants que je résiste à l’envie de tous les quitter.


J’ai été remplacé par un homme plus jeune qui a encore de longues années pour impressionner le public. Parfois, je le parasite et m’incruste à ses côtés, lorsque les fans réclament des autographes. Si seulement il savait à quel point il a de la chance. Plus personne ne hurle mon nom dans les gradins bondés, même si j’ai marqué l’histoire par mes innombrables records.


On m’a adulé, on m’a aimé, on m’a oublié.


Le corridor de l’ombre, comme je me plais à l’appeler, prend un éternité à parcourir. J’ai envie de rebrousser chemin et éviter mon rendez-vous hebdomadaire avec Catarina. Pourtant, je poursuis mon trajet habituel et traverse la porte qui mène jusqu’au terrain qui m’a vu évoluer. Elle est resplendissante dans sa longue robe blanche qui s’agite au gré du vent.


Aujourd’hui, comme les précédentes semaines, elle me forcera à travailler plus fort, car si je ne tente rien, la paix intérieure qu’elle m’a promise en la rencontrant ne se matérialisera jamais.


— Hé ! Comment vas-tu ? me demande-t-elle de sa voix rayonnante de bonté.


— À ton avis ?


Je tourne sur moi-même, lève les mains jusqu’à ma tête et les glisse jusqu’à mes hanches pour qu’elle voit que rien n’a changé depuis la dernière fois. J’ai l’air d’une loque : noire à l’intérieur comme à l’extérieur. Rien à voir avec l’aura lumineuse qui la caractérise si bien.


— Ce n’est pas aussi grave que tu le crois, me répète-t-elle sans cesse. Un jour tu trouveras le courage de tout laisser derrière toi.


— C’est pas gagné ! Depuis le temps qu’on se connaît, tu n’as pas eu envie de m’abandonner à mon propre sort.


Elle ne relève pas ma dernière phrase, car elle connaît mon point de vue sur la question. Mes souvenirs sont encore trop tangibles. Je préfère errer dans les estrades, dans l’espoir que l’un de mes anciens fans m’aperçoive et s’enquiert de mon état. Mais ils sont trop avides des performances du nouveau qui prend toute la place. Même si je suis toujours là, personne ne me remarque.


Ma coach secoue la tête puis vient m’envelopper pour me transmettre un peu de son énergie. Catarina est positive comme une pile électrique de la grosseur du stade dans lequel nous nous trouvons. Ma main à couper qu’elle pourrait tout illuminer du bout d’un doigt. Tout le contraire de moi, qui suis complètement à plat. Alors elle change de sujet pour éviter mes pensées lugubres.


— Ah, oui ! Tu veux savoir qui j’ai vu, ce matin ?


— Pitié, pas encore ça !


— Jean-Armel Karavel-Ortis ! Cesse d’être aussi pessimiste et commence tes exercices.


— Tout le monde m’appellait Jako, grogné-je à l’entente de mon nom complet. La foule qui scandait mon surnom, bon Dieu, c’était grandiose !


— Ton language ! s’offusque-t-elle à son tour. Pas étonnant que tu ne réussisses pas à atteindre l’objectif.


— Dieu n’a rien à foutre de mon langage. S’il veut se plaindre, il n’a qu’à venir me le dire en face.


— C’est ça, gros bêta ! Et ensuite on aura la moitié de la Terre au prise avec une nouvelle destruction naturelle parce qu’il sera venu te sermonner au lieu de garder ses jouets en lieu sûr.


— J’ai quand même deux mots à lui dire, marmonné-je entre mes dents.


— L’un n’empêche pas l’autre. Et puis, tu ne sais toujours pas qui j’ai rencontré.


— J’en sais rien ! C’est une personne connue ?


J’entreprends ensuite les mantras censés m’aider à visualiser plus facilement.


— Non, elle n’est pas comme toi.


J’inspire et soulève mes bras jusqu’à ce que mes mains se rejoignent au-dessus de ma tête.


— Un de mes adversaires, donc, lui réponds-je avec un sourire en coin.


— Tu sais que ton estime de soi frôle l’orgueil ? Ne cherche pas pourquoi tu es si sombre.


Je roule des yeux et expire pendant dix secondes. Je ne sens rien d’extraordinaire, même pas ce foutu gazon sous mes pieds.


— Dis moi ? Comment ça se passait avec ta femme ? Vous étiez heureux ?


— Elle rayonnait encore plus que toi, ce qui est un véritable exploit.


— Et si je te dis que c’est elle que j’ai vue, ça pourrait t’aider ?


Mes yeux s’agrandissent plus que je ne le croyais possible. Elle me fait un sourire désolée, puis elle m’encourage comme elle le fait toujours.


— C’est ta chance Jean. Tu ne trouveras peut-être plus une si belle occasion. Laisse derrière toi tous ces gens qui t’acclamaient et rejoins Coraline qui te rendait heureux.


— Tu l’as réellement vu ?


Elle hoche la tête et prend ma main éthérée. D’un seul mouvement nos têtes se soulèvent vers la clarté foudroyante qui perce les nuages. Pour la première fois depuis trente-six ans, j’aperçois la lumière au bout du tunnel.


— Pense à ta femme, Jean. Elle t’attend de l’autre côté.


Le gris de ma main s’éclaircit jusqu’à devenir aussi blanc que celui de Catarina. Mes pieds quittent le sol. Enfin, mon âme trouve la paix intérieure. Je n’ai plus rien à faire dans ce stade. Ils m’ont tous oublié. Mais ma femme, elle, je sais qu’elle ne l’a jamais fait.


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6 commentaires

Sarah Pegurie

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Il y a 7 mois

J’ai beaucoup aimé lire ta nouvelle n’hésite pas à venir me soutenir aussi 🍓

Leo Degal

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Il y a 7 mois

Je me doutais qu'il était mort, le pauvre... mais il trouve enfin la lumière ❤️ Un trophée bien amer, là aussi...

Diane Of Seas

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Il y a 7 mois

Oui, j’ai laissé quelques indices, que les plus alertes trouveront. ☺️

MIMYGEIGNARDE

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Il y a 7 mois

Oh très jolie histoire, bravo ! La fin m'a surprise et touchée à la fois. 🥰

Diane Of Seas

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Il y a 7 mois

Merci beaucoup ❤️

Seb Verdier

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Il y a 7 mois

Jolie chute !
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