Robcar Funeste engrenage La tentative échouée 6

La tentative échouée 6

– Je ne sais pas, il n’est jamais là et rentre tard le soir. Je crois qu’il est étudiant, du moins il possède une carte qu’il m’a présentée lors de notre première entrevue.

– Avez-vous plus de détails sur le bail de location que vous lui avez fait ?

– Non, car je ne lui en ai pas fait. Il paie toujours en liquide, et moi, ça m’arrange.

– Vous savez que c’est une infraction fiscale, passible d’une amende ?

– Oui, mais j’espère que vous n’allez pas me dénoncer ?

– Non, si vous nous laissez visiter rapidement son studio.

– Mais ce n’est pas légal, je n’ai pas le droit, il vous faut un mandat pour cela.

– Vous avez raison, ça n’est pas plus légal que la façon dont vous collectez vos loyers. Donnant, donnant. Nous pouvons revenir demain avec un document en bonne et due forme, mais nous aurons perdu une journée supplémentaire qui peut avoir des répercussions sur l’avancement de notre en-quête. Vous n’allez tout de même pas aggraver votre cas en entravant l’action de la police ? Laissez-nous faire une courte visite, nous ne toucherons à rien, en contrepartie, nous oublierons vos méthodes frauduleuses.

La méthode de Maloire est aussi répréhensible que celle du propriétaire. Il n’a juridiquement pas le droit de pénétrer dans ce studio et, encore moins, celui de faire du chantage au propriétaire. Mais dans le contexte actuel, il en prend le risque, car il joue un contre-la-montre dans cette affaire.


Le propriétaire, double des clés en main, gravit l’escalier, suivi de Maloire et Edgar qui lui emboîtent le pas. La clé tourne dans la serrure et libère le pêne du verrou. Un basculement de la poignée et, la porte s’ouvre sur une pièce unique, relativement dégarnie. Un bloc équipé d’un évier en acier inoxydable accolé à une gazinière d’un autre âge dans un coin et un petit lavabo surmonté d’une glace rayée, jouxtant une cuvette de WC, dans un autre coin, forment tout l’équipement de ce studio meublé. Côté mobilier, ce n’est pas mieux, un vieux clic-clac imitation cuir, une petite table bancale avec sa chaise et une armoire vieillotte ornent la pièce. Sans toucher à rien, Maloire examine le con-tenu de l’armoire dont la porte sans serrure est entrebâillée. Il l’ouvre avec la pointe de son stylo Montblanc et y découvre peu de choses. Quelques vêtements pendus à des cintres métalliques tordus, un sac de sport et une boîte en carton posée en haut sur une étagère. De toute évidence, le locataire des lieux n’a pas beaucoup d’affaires. Il ne doit pas y vivre et doit s’en servir uniquement pour y passer ses soirées.


Maloire jette un dernier coup d’œil à travers les rideaux opaques de la fenêtre et fait un signe de la tête en direction de la sortie, pour indiquer à Edgar que la visite est terminée. Pas la peine de s’éterniser plus longtemps au risque de se faire repérer par le locataire, et pas question non plus de fureter dans ses affaires, ce qui s’avérerait comme une faute très grave de sa part.


Tous trois ressortent du studio, sans se rendre compte qu’ils sont épiés par un individu, blotti dans la cage de l’escalier, juste à l’étage au-dessus. Ils redescendent dans le hall et avant de prendre congé du propriétaire, Maloire lui pose une dernière question.

– Auriez-vous, par hasard, vu une voiture de marque Volkswagen, plus exactement une Coccinelle, vert pâle, garée dans la rue, à proximité de votre bâtiment ?

– Vert pâle, non ! Mais bleu ciel, oui !

– Comment bleu ciel ? Vous en êtes sûr ?

– Oui ! Inspecteur, je suis un ancien officier militaire et dans l’armée, à certains postes, on n’accepte pas les daltoniens. J’ai suffisamment passé de tests pour savoir que je distingue parfaite-ment les teintes pastel.

– Je veux bien vous croire, mais c’est vraiment bizarre, répond Maloire.

– Bizarre ou pas, c’est la réalité.

– Bon, nous allons vous quitter, voilà ma carte, au cas où vous auriez autre chose à me dire. Vous allez recevoir une convocation pour établir et signer votre déposition. Surtout, ne parlez pas de la visite du studio, si vous ne voulez pas que je parle de vos pratiques financières.

– Entendu Inspecteur, c’est déjà effacé de ma mémoire.

– Évitez aussi de rentrer en contact avec le dénommé Brice Vaillant, il se peut qu’il soit dangereux et surtout, ne parlez à personne de notre entrevue.

Maloire sort du bâtiment, traverse la rue et se plante sur le trottoir d’en face, les yeux rivés sur les appartements du deuxième étage. Il reste immobile, comme figé, sous le regard interrogateur d’Edgar. Cette histoire de couleur de voiture le contrarie et quand quelque chose le mine, cela le bloque. Soudain, un flash traverse son esprit.

– Bon sang ! Mais c’est bien sûr ! s’exclame-t-il, comme le faisait le célèbre commissaire Bourrel, star de la série télévisée « Les cinq dernières minutes », dans les années soixante.


Il se souvient à présent du teint jaunâtre affiché par les gendarmes qui gardaient l’entrée du par-king souterrain, lorsque, très tôt le matin, il avait dû s’y rendre après l’assassinat de Rémi. Il se sou-vient aussi que le portique qui éclairait cette entrée était surmonté de deux hublots qui diffusaient une lumière jaune. Raison du teint apparemment maladif de ces gendarmes et de l’erreur d’optique des témoins oculaires qui avaient affirmé avoir vu une voiture vert pâle. En fait, elle était certaine-ment bleu ciel, et sous la lumière jaune, la combinaison des deux couleurs donnait une résultante verte. C’est peu de chose, mais beaucoup quand on n’a rien. Dorénavant, il va falloir rechercher les propriétaires d’une moto verte et d’une voiture bleue. Il fait part de son raisonnement à Edgar, qui, une fois de plus, reste bouche bée devant la pertinence des analyses de son supérieur.

– Edgar, tu vas te poster discrètement ici et surveiller l’entrée du bâtiment. Moi je rentre au bureau pour faire établir un mandat de perquisition et engager des recherches sur ce Brice Vaillant. J’enverrai un inspecteur prendre ta relève ce soir, tu rentreras avec son véhicule. Si entre-temps notre homme arrive, tu m’appelles. De toute façon, demain dès la première heure, nous serons sur place avec des renforts pour fouiller son studio et l’arrêter s’il s’y trouve.

– D’accord, Inspecteur, je vais noter toutes les personnes que je verrai entrer ou sortir.


Pendant ce temps, l’homme qui les surveillait, tapi dans l’escalier, est sorti de sa cachette et il est entré, sans faire de bruit, dans le studio.


Maloire parti, Edgar épie les passages de la porte en question. Une vieille dame vient d’en sortir, sac à provisions à la main, un peu plus tard, un homme y entre, avec un petit chien en laisse, beau-coup plus tard, une jeune femme en survêtement en sort, sac de sport en bandoulière. Beaucoup de va-et-vient, mais personne ne correspondant à la description de ce Brice Vaillant.

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