Fyctia
Chapitre 3.2
Un nouveau message s'affiche. Ma grand-mère a du mal avec la technologie, c'est pour ça qu'elle ne m'envoie des messages que très rarement.
Mamie : D'accord ma chérie. Peux-tu libérer un peu de temps ce soir par vidéo. Tu manques à Grace.
Nouveau sentiment de culpabilité. Ma grand-mère sait que ma petite sœur est ma faiblesse. Même si elle ne le fait pas pour me blesser, elle sait que je sortirais même en plein entretien d'embauche si Grace le demandait. Je lui ai fait tellement de mal, il y a quelques années, lorsqu'on a tout perdu. J'aurais dû être là pour elle, la soutenir, elle n'avait que six ans. Mais à la place, j'ai préféré m'auto détruire. J'ai été égoïste, je n'ai pensé qu'à ma propre peine, et j'en ai payé le prix.
Mais mon arrivée à Boston a été mon nouveau départ. Depuis ce jour, j'essaie de me rattraper envers ma grand-mère et envers ma sœur. Ce n'est pas facile tous les jours, mais c'est la seule chose qui me fait tenir. Si je ne les avais pas eus, je ne sais pas si je serais encore ici. Probablement pas.
Kaylee : Je l'appelle ce soir, promis.
Je range mon téléphone pour éviter de me sentir encore plus coupable et rejoins rapidement le bâtiment C pour assister à mon second cours de la journée : psychologie sociale. Un cours que je pensais avoir dès le départ, mais qui a fini par arriver assez tard. On en est pour l'instant qu'aux bases, mais c'est une matière plutôt intéressante.
Une fois dans l'amphi, je m'installe à mon rang habituel et sors mes affaires, priant pour que le capitaine de l'équipe de hockey n'y soit pas aussi inscrit.
— Les préjugés et les stéréotypes, quel beau schéma, qu'on juge parfois similaire. Alors qu'il y a tout de même une petite différence. Qui serait capable d'éclairer ma lanterne et celle de vos camarades ? demande monsieur Steiner.
Je connais la réponse, mais je n'ai vraiment pas envie de parler, alors je la ferme et prie pour que quelqu'un ait une folle envie de participer. Je sais très bien que si personne ne se dévoue, il choisira. Je ne suis pas timide, juste très asocial. Je pense que mon taux d'amis peut le confirmer.
Les yeux du prof visent ma direction, bordel, je vais vraiment y passer.
— Les stéréotypes sont des croyances apprises dès notre plus jeune âge sur un ensemble de personnes. Les préjugés, quant à eux, résultent du stéréotype, c'est une mauvaise attitude qu'on aura envers des personnes à qui on associe ces mêmes stéréotypes, répond soudainement une voix à mes côtés.
Je le remercie intérieurement avant de loucher sur la gauche pour mettre un visage sur cette personne.
Eh merde...
À défaut d'avoir eu le capitaine aujourd'hui, j'ai le coéquipier, tout aussi connu et admiré que lui. En même temps, chaque joueur de cette putain d'équipe a un fan club gros comme un bateau.
— C'est exactement ça. Comme je vois que la plupart d'entre vous n'en avait aucune idée, je vais vous faire travailler. Ce sera bien plus intéressant pour vous.
Son petit sourire ne me dit rien qui vaille.
— Comme mon cours n'est pas le plus peuplé, on peut se le permettre. Je vais vous demander de vous mettre par binôme et réfléchir ensemble à des stéréotypes et préjugés que vous tenterez d'expliciter.
Eh merde, je le sentais arriver. Je ne comprends pas pourquoi on a besoin de faire ça en groupe, c'est assez simple à réaliser, une personne suffirait.
— Et avant que quelqu'un ne me demande pourquoi je ne vous laisse pas le faire seul, je vais vous expliquer. Je pense que vous êtes tous capable d'y parvenir par vous-même, mais parfois, avoir un second point de vue et une vision légèrement différente de la vôtre, peut vous aider à réfléchir autrement. Le partage d'informations ne peut vous faire que du bien.
Il lit dans les pensées ou quoi ? Je pousse un long soupir de mécontentement et reste à ma place sans bouger. Je ne vais sûrement pas aller chercher mon binôme. Avec un peu de chance, on sera un nombre impair et le prof acceptera de me laisser travailler seule.
— On se met ensemble ? entends-je tout près de moi.
Putain.
Je sais pertinemment qu'il s'adressait à moi. Cool, je suis joie.
Je lui lance un petit regard en coin et hausse les épaules. S'il a envie de travailler avec moi, je ne vais pas l'en empêcher. Mais autant lui montrer tout de suite que je ne vais pas baiser ses pieds parce qu'il m'a choisie.
En parlant de ça, lorsque j'ose un regard devant moi, plusieurs paires d'yeux me dévisagent. Et oui, uniquement des filles. Les groupies sont de sortie et elles sont loin d'être ravies.
Argh, prenez-la ma place si vous la convoitez tant.
— Je suis Kyle, enchanté, continue le hockeyeur en me tendant sa main.
Ce serait malpoli de ne pas la prendre ? Probablement. J'ose un nouveau regard et suis accueilli par un large sourire, qui me paraît presque sincère. Bon, totalement sincère, mais j'ai appris à me méfier, alors on partira sur du « partiellement sincère ».
— Kaylee.
Mon ton était légèrement sec, mais Kyle ne semble pas s'en formaliser. Il ouvre un document vierge sur son ordinateur et crée un nouveau tableau pour séparer « préjugés et stéréotypes », au moins, il semble vouloir travailler.
— Alors, tu as déjà réfléchi à deux-trois trucs ?
Son sourire n'a pas disparu, ni sa bonne volonté. Allez Kaylee, fais un effort, souffle ma voix intérieure.
Mais j'ai assez de mal avec les sportifs, surtout les plus populaires qui ne se prennent pas pour de la merde. Ouais, Hayden Jones, on parle de toi. Je ne connais pas bien Kyle Jennings, je sais qu'il est attaquant, qu'il est plutôt mignon et populaire, et qu'il est hyper proche du capitaine. Je dirais même qu'ils sont meilleurs amis. Peut-être qu'il est aussi con, mais ce que je vois pour l'instant, m'incite à penser le contraire.
Les apparences, Kaylee, les apparences.
— Tu n'es pas très bavarde. Timide ou un problème avec les gens en particulier ?
J'arque un sourcil, il va vraiment me psychanalyser maintenant ?
— Hmm, je partirai sur « problème avec les gens », tu n'as pas la tête d'une timide.
— Bien vu, Sherlock. Et qu'est-ce qu'une timide pour toi ? grommelé-je.
Un sourire satisfait se dessine sur son visage, alors que mes sourcils se froncent davantage.
— Eh bien, pour commencer, tu n'hésites pas à me fusiller du regard. Une timide baisserait les yeux et rougirait à l'instant où je lui ferais mon sourire de tombeur.
Sourire de tombeur ? Aussi imbus de sa personne que son meilleur ami, à ce que je vois.
— Prétentieux.
Un petit rire s'échappe de sa gorge. Sérieux ? C'est possible d'être aussi heureux alors que je suis insupportable ?
— Une timide n'aurait pas dit ça, non plus. Alors, c'est quoi qui te dérange en réalité ? Les gens en général ou les sportifs ?
Il compte faire la conversation jusqu'à la fin de l'heure ? Il est au courant que ma vie n'est pas importante pour ce travail ? Voilà pourquoi je n'aime pas les devoirs de groupes, les gens veulent toujours faire la conversation, connaître ta vie et oublier le principal sujet.
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