Fyctia
LES VACHES 1
- Mais ce n’est pas vous qui devez rester, pour le surveiller ?
Il ricane, tout en refermant sa sacoche.
- Non, moi je dois voir d’autres malades. Je pense que vous serez capable de vous occuper de cet énergumène toute seule.
Attention danger imminent. Hors de question, que je materne mon voisin ! Il faut trouver une autre solution.
- Non, on se déteste, ce ne sera pas possible.
Nouveau sourire rassurant de mon petit docteur.
- Hé bien, se sera l’occasion de vous réconcilier. Je suis sûr et certain que vous allez devenir les meilleurs amis du monde.
Je secoue la tête à la recherche d’une quelconque parole qui puisse le faire changer d’avis.
- J’ai déjà des amis, et ils me suffisent. Lui, ce sera de trop.
Je le vois griffonner sur un bout de papier, avec sur ses lèvres ce sourire niais.
- Nous n’avons jamais assez d’amis, jeune fille.
Puis il me tend sa feuille de papier. Je la saisis automatiquement.
- Vous commencez le traitement demain matin. Et surtout, quand il veut se gratter, vous l’en empêchez. Je vous ai mis une solution pour le bain. Cela soulagera les démangeaisons. Et surtout, si demain il a toujours autant de fièvre, allez voir votre médecin.
Je baisse la tête sur l’ordonnance et la situation se fait jour en moi, dans toute sa splendeur. Je vais devoir m’occuper de lui, mais aussi de ses bêtes. Je ne suis pas dans la bouse de vache moi !
- Demain, il ira mieux ?
- Non, il faut qu’il se repose minimum une semaine. Et surtout ne pas infecter les cloques. Il doit rester dans un environnement sain.
C’est la catastrophe.
- Je lui ai prescrit un antihistaminique pour les démangeaisons, et du Doliprane pour la fièvre. Il n’y a rien d’autre à faire. Vous me réglez comment ?
Je relève les yeux, je suis dans un état comateux.
- Vous régler ?
- Oui, cela fait 45 €, pour la visite.
Hé bien, en plus il faut que je paie mon tortionnaire ? C’est un comble. Il me laisse dans la panade et il en est fier en plus. Je commence déjà à en avoir assez du malade.
- Je vais chercher mon sac chez moi, à côté. Je ne vis pas ici, je ne suis que sa voisine.
Le bon docteur me fixe, imperturbable. Alors je me traine, d’un pas lourd vers chez moi et règle la visite de ce charlatan. Pour prescrire, du Doliprane et un anti grattage, ce n’est pas sorcier. Et en plus, il part et Émilien est toujours malade.
Une fois le calme revenu, je retourne auprès de la cloque géante. Il a l’air plus calme et dors du sommeil du juste.
Maintenant que le problème Émilien est à peu près réglé, je dois m’occuper du problème des bêtes, et là, je dois avouer que je cale, parce que, les vaches je n’y connais absolument rien. Et effectivement une fois dans le hangar, je suis complètement perdue. Une seule solution, appeler Paul à la rescousse. Et c'est le cœur serré par l'angoisse et mal dans mes baskets que j'attends qu'il décroche.
Vingt-deux heures, je sens que je vais le réveiller.
- Allo.
- Paul, je sais que tu m'en veux et je suis certaine que tu ne veux même plus me parler, vu la façon dont j'ai réagi tout à l'heure, mais j'ai besoin de toi.
Silence, puis un raclement de gorge se fait entendre.
- Francine, je te rappelle que je suis marié et heureux en ménage. Alors non, je ne viendrais pas te voir en pleine nuit, même si ton rêve érotique sur moi t'a mise dans tous tes états. Je suis désolé, ma belle.
J'entends un rire étouffé et Céline qui ricane au loin. Je lève les yeux au ciel et soupire. Paul et Céline sont adorables, apparemment ils ne m'en veulent pas et pour cela, je pense que je pourrais éventuellement garder leur rejeton de temps en temps, quand il sera né.
- Très drôle Paul, mais je ne rêve pas de toi. Par contre, j'ai besoin de tes lumières pour les vaches d'Émilien. Il a la varicelle et je ne sais pas depuis combien de temps il est dans le cirage. Mais vu la nervosité des bêtes, je suppose qu'il ne s'en est pas occupé depuis ce matin. Je ne sais pas comment marche la trayeuse ni, s'il faut leur donner à manger ou pas.
- Émilien a la varicelle, tu plaisantes ?
- Non, le médecin vient de partir et il ne sera pas apte au travail avant une semaine. J'ai cru qu'il allait mourir ce soir.
- Je m'habille et j'arrive.
- Je t'attends au hangar. Fais attention, il est contagieux, je ne voudrais pas que Céline soit malade dans son état.
- D'accord, je te rejoins au hangar.
Voilà, un poids en moins. Je vais jeter un dernier coup d'œil à Émilien qui dort paisiblement. Je le recouvre avec sa couette que je récupère dans le couloir. Sa température est de 39 degrés. Elle baisse doucement, mais surement. Apaisée, je passe chez moi me changer et m'habille de mon habit de lumière, la combinaison vert kaki de travail. Je passe, ma grosse doudoune, mes bottes en caoutchouc, et je sors dans la nuit glaciale. Quelques flocons de neige tombent doucement. Il y a longtemps qu'il n'a pas neigé et les prairies commencent à ressembler à du gruyère, l'herbe brulée par le froid apparait à certains endroits. Les vacances de Noël approchent, et sans neige, les skieurs ne seront pas contents cette année. Nous sommes le trois décembre et le soleil, et les températures sont douces dans la journée. Arrivée dans le hangar avec Flocon d'un côté et Satan de l'autre, j'allume toutes les lumières. Devant moi, une vingtaine de vaches se mettent à meugler.
- Doucement, les filles, votre patron est malade, il a attrapé la varicelle.
Nouveau meuglement.
- Je sais, c'est une maladie ridicule pour un adulte. Mais cela ne devrait pas vous étonner, venant de lui quand même. On parle du type qui vous trait trois fois par jour. Les autres le font deux fois, lui, bien sûr, ne fait rien comme tout le monde, il a décidé de le faire trois fois.
Tout en leur parlant, je m'approche d'elles. Je dois avouer une chose, c'est que ces bêtes me font peur. Elles ont le regard qui vous transperce, et vous analyse. Elles savent quand vous avez peur d'elles. Et je suis certaine qu'elles s'en sont rendu compte dès mon passage de porte.
D'ailleurs, elles meuglent et tapent avec leurs têtes sur les barreaux en fer.
- Je sais, vous ne m'aimez pas, mais il va falloir vous contenter de moi, car le chef est inapte pour l'instant. Mais Paul va venir m'aider. Vous verrez, vous allez l'aimer lui.
En attendant, je repense à ma dispute avec Céline et je me rends compte que j'ai été égoïste et stupide. Elle avait besoin que je la rassure et au lieu de cela, je lui ai presque reproché d'être tombée enceinte. La période de Noël est pour moi une période difficile, mais de là à me montrer méchante avec tout le monde, il y a des limites. Et puis, après tout, cela fait vingt ans que cette histoire dure, il serait temps que je grandisse et que j'arrête de faire l'enfant. Qu'est-ce que quelques marchés, au vu de la santé de mon amie ?
10 commentaires
Nicolas Bonin
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Il y a 6 ans
Jeanne F.
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Il y a 6 ans
Camille Jobert
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Catherine kakine
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Jeanne F.
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Sylvie De Laforêt
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Jeanne F.
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Mymy M. *Sakuramymy*
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Il y a 6 ans