Fyctia
2: Les Reflets du Passé
Vincent traversait le couloir principal du lycée, les mains enfoncées dans les poches de son sweat, les yeux fixés sur le sol comme s’il cherchait à éviter le moindre regard. Le brouhaha ambiant était familier, mais il ne s’y mêlait pas. Depuis quelque temps, il préférait avancer seul, comme une ombre qui glisse entre les autres. C’était plus simple ainsi.
Mais ce matin-là, alors qu’il bifurquait vers la salle de réunion, il la vit. Hanaé.
Elle se tenait près d’un tableau d’affichage, une mèche de cheveux échappée de sa queue-de-cheval tombant sur son visage concentré. Pendant une fraction de seconde, Vincent sentit son estomac se nouer. Ils n’avaient pas échangé un mot depuis des mois. Chaque fois qu’ils se croisaient, Hanaé détournait les yeux ou, pire encore, lui lançait un regard glacial. Pourtant, elle avait été sa meilleure amie, sa confidente, celle qui comprenait ses silences mieux que quiconque.
Vincent s’apprêtait à changer de direction, mais une voix derrière lui l’arrêta.
« Vincent ! Toi aussi, tu fais partie du groupe pour la journée d’intégration ? »
Il se retourna. C’était Mme Gauthier, la professeur responsable des projets. Avant qu’il n’ait pu répondre, elle continua :
« Parfait. Hanaé et toi allez travailler ensemble sur l’atelier d’accueil des nouveaux. C’est l’occasion de montrer l’exemple. »
Vincent lança un regard hésitant à Hanaé. Elle s’était figée, la bouche entrouverte comme pour protester, mais aucun mot ne sortit. Finalement, elle hocha la tête d’un air résigné.
« Très bien, » dit-elle simplement, sa voix tranchante comme un couteau.
Le silence entre eux était palpable lorsqu’ils se retrouvèrent dans la salle d’activités pour discuter du projet. Vincent observait Hanaé du coin de l’œil, cherchant un moyen d’initier la conversation. Mais elle restait concentrée sur ses papiers, ignorant superbement sa présence.
Alors qu’il s’éloignait pour ranger des fournitures dans un carton, Vincent remarqua une enveloppe beige posée sur une pile de cahiers. Il fronça les sourcils et la prit entre ses doigts. Le papier était légèrement froissé, comme si quelqu’un l’avait longtemps gardée sur lui. Il l’ouvrit avec précaution et lut :
Les blessures du passé ne se referment que si l’on a le courage de demander pardon. Mais le pardon commence là où l’orgueil s’arrête.
Vincent sentit son cœur se serrer. Les mots semblaient le viser directement. Était-ce un hasard ? Une simple coïncidence ? Pourtant, la lettre avait cet étrange pouvoir de faire remonter à la surface tout ce qu’il s’efforçait de fuir : sa culpabilité, sa peur, et cette colère sourde qu’il ne comprenait pas vraiment.
Il glissa la lettre dans sa poche et se retourna vers Hanaé. Elle semblait loin, perdue dans ses pensées, le crayon suspendu au-dessus de son carnet. Une bouffée d’hésitation le traversa. Devait-il lui parler ? Non, pas maintenant. Pas encore.
Mais il savait que la lettre ne le laisserait pas tranquille.
Le silence pesait dans la salle d’activités, seulement troublé par le bruit des feuilles que Hanaé feuilletait distraitement. Vincent faisait semblant de lire une liste de tâches, mais son esprit était ailleurs. La lettre qu’il avait trouvée brûlait dans sa poche, comme un rappel constant de tout ce qu’il avait laissé en suspens.
« Alors, tu comptes m’aider ou juste rester planté là ? » lâcha finalement Hanaé, d'un ton glacial.
Pris au dépourvu, Vincent redressa la tête.
« Bien sûr, » répondit-il, maladroitement. « Je regardais juste… »
« Toujours une excuse, hein, Vincent ? » le coupa-t-elle, posant ses papiers avec un bruit sec. « C’est pareil qu’avant. Tu trouves toujours une raison pour éviter ce qui te dérange. »
Ses mots lui coupèrent le souffle. Il tenta de répondre, mais aucun son ne sortit. Hanaé croisa les bras, son regard brillant d’un mélange de colère et de déception.
« Tu sais quoi ? » poursuivit-elle. « Je n’attends plus rien de toi. »
Cette phrase frappa Vincent en plein cœur. Elle lui rappelait les jours où ils étaient inséparables, où Hanaé était celle qui riait à ses blagues idiotes et qui l’encourageait à se dépasser. Mais il savait qu’elle avait raison : il avait fui.
La scène de leur dernière dispute lui revint en mémoire, vive comme une brûlure. Hanaé lui avait tendu la main, demandant son soutien à un moment crucial, mais il n’avait pas su répondre. Par maladresse, par peur, il s’était éloigné, laissant leur amitié s’effriter.
« Je suis désolé, » murmura-t-il finalement, brisant le silence.
Hanaé détourna les yeux, son masque d’indifférence vacillant une seconde. « Désolé ? Ça ne change rien, Vincent. »
Mais pour lui, c’était déjà ça.
Vincent resta immobile, son « désolé » suspendu dans l’air. Hanaé détourna le regard, fixant ses papiers avec une fausse concentration.
« On devrait finir ce projet, » dit-elle finalement. « Les nouveaux élèves arrivent bientôt. »
Il hocha la tête, mais un poids lui serrait encore la poitrine. Le silence entre eux était devenu lourd, et chaque geste semblait précautionneux, comme s’ils craignaient de rouvrir de vieilles blessures.
Alors qu’ils accrochaient une banderole au mur, leurs mains se frôlèrent. Hanaé se recula brusquement, ses yeux pleins d’émotions qu’elle ne voulait pas partager.
« Pourquoi tu fais ça, Vincent ? » demanda-t-elle, sa voix froide.
« Faire quoi ? » murmura-t-il.
« Faire semblant de te soucier de moi. »
Il sentit un nœud se former dans sa gorge, mais trouva le courage de répondre : « Parce que je me soucie de toi, Hanaé. Et je sais que j’ai été nul. Mais je veux réparer ça. »
Elle resta silencieuse un moment, avant de lâcher un soupir frustré. « Réparer ? Tu crois qu’un simple "désolé" suffit ? »
Vincent hésita, puis sortit la lettre de sa poche et la lui tendit. « Je sais que ça ne suffit pas, mais… regarde ça. »
Hanaé la prit à contrecœur et lut en silence. Son expression changea, passant de la colère à une tristesse qu’elle ne cherchait plus à cacher.
« Qui a écrit ça ? » murmura-t-elle enfin.
« Je ne sais pas, mais je crois que ça nous concerne. »
Elle replia soigneusement la lettre et la glissa dans son sac. « Peut-être. On verra. »
Sans un mot de plus, elle se remit à travailler.
2 commentaires
Mikazolinar
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Il y a un mois
maddyyds
-
Il y a un mois