David.J FRACTURE Chapitre 2 (2/2)

Chapitre 2 (2/2)

Chapitre 2 – Une deuxième victime


L’intérieur était impeccable. Trop impeccable.

Un cadre figé, si parfait qu’il en devenait suspect.

Le malaise d’Étienne monta d’un cran. Ce n’était pas seulement un appartement bien entretenu. C’était un espace suspendu, un endroit où quelque chose s’était brusquement interrompu.

Puis ils virent le corps.

Alexandre Giraud gisait sur le dos, étendu sur le parquet immaculé, dans une immobilité absolue. Pas de spasmes visibles, pas de convulsions. Juste un corps qui semblait s’être éteint en un instant, une marionnette dont on aurait brutalement coupé les fils.

Ses yeux ouverts fixaient le plafond, dilatés, comme s’ils s’étaient posés sur l’inimaginable. Sa bouche entrouverte, ses doigts crispés agrippant l’air… Tentait-il de s’accrocher à quelque chose ? Ou de se protéger d’une présence invisible ?

Sous les plis défaits de sa chemise, la même marque.

Un cercle parfait, brûlé à même la chair.

— Merde…

Étienne s’accroupit à côté du cadavre, son regard rivé sur la marque. Elle était nette. Trop nette. Pas de cloques, pas de chair boursouflée. Ce n’était pas une brûlure ordinaire. Plutôt une empreinte. Un cachet imprimé au fer rouge sur une peau qui n’avait pas réagi comme elle l’aurait dû.

— L’analyse préliminaire dit quoi ? demanda-t-il à la légiste.

Elle releva la tête, les traits crispés par une incompréhension manifeste.

— Même constat que pour la première victime. Aucune blessure externe. Pas d’hématomes. Pas de strangulation. Juste cette empreinte anormale… et un cœur figé sans cause apparente.

David croisa les bras, son expression se durcissant.

— Deux hommes, sans lien apparent, tués de la même manière… C’est une signature.

Étienne ne répondit pas immédiatement. Il scrutait la pièce, attentif au moindre détail.

Pas seulement dans la mise en scène du crime, mais dans l’air lui-même.

Une présence imperceptible, mais oppressante.

Il se leva lentement et parcourut le salon, son regard s’attardant sur les meubles. Sur les objets trop bien disposés, comme s’ils avaient été intentionnellement figés dans le temps.

Sur la table basse, un livre était ouvert.

Une phrase était surlignée en jaune :

Ce que l’esprit ne peut concevoir, le corps l’exprime autrement.

Un frisson désagréable remonta le long de son dos.

Son instinct lui criait que ce détail était important.

Il tenta d’écarter l’étrangeté de cette coïncidence, mais la phrase s’imprima en lui comme un écho malsain.

Un souvenir flou refit surface.

Quelqu’un lui avait déjà dit quelque chose de similaire…

Mais qui ?

Un flash. Fugace.

Une voix lointaine. Une silhouette indistincte.

Son cœur accéléra légèrement.

— Une coïncidence ? murmura-t-il, à peine conscient d’avoir parlé à voix haute.

David s’approcha et fronça les sourcils.

— On dirait plutôt un indice.

Sur la table, à côté du livre, un verre reposait.

Un fond de whisky.

À première vue, rien d’anormal. Mais lorsque Étienne approcha sa main, une sensation étrange parcourut sa peau.

Un picotement subtil.

Une onde résiduelle.

L’air semblait trop lourd, comme si un courant imperceptible agitait la surface invisible du monde.

Un détail insignifiant, peut-être.

Il fronça les sourcils et se redressa.

Derrière eux, une porte claqua doucement.

Un bruit presque identique à celui qu’ils avaient entendu.

Trop léger pour être une véritable perturbation.

Mais trop net pour être ignoré.

Avant même qu’il ne se retourne, Étienne savait déjà ce qu’il allait voir.

Et pourtant…

Son corps réagit mécaniquement. Il pivota, ses muscles tendus sous une tension sourde.

David fit de même, mais cette fois, quelque chose dans son regard avait changé.

Une fenêtre, entrouverte.

Exactement comme hier.

La brise nocturne s’infiltrait, soulevant à peine le rideau.

Étienne avança, chaque pas plus lourd que le précédent. Son souffle s’accéléra sans raison apparente.

C’était une erreur.

Il ne voulait ni voir, ni confirmer ce qu’il redoutait.

Mais ses yeux se posèrent sur le rebord.

Des traces humides.

L’empreinte d’une main trempée.

Identique.

Un froid coupant lui traversa la poitrine.

Il tendit la main, ses doigts tremblants effleurant à peine la surface froide du bois.

Il ne rêvait pas.

Il le savait.

David murmura, mais cette fois, sa voix contenait autre chose.

Pas seulement de l’inquiétude.

Une forme de panique sourde.

— Quelqu’un est passé par là… encore ?

Ce dernier mot, il ne l’avait pas prononcé hier.

Mais il planait dans l’air, comme une évidence.

Étienne déglutit, sa bouche soudain sèche. Il fixa les gouttelettes éparpillées sur le bois.

Des perles d’eau disposées exactement comme avant.

Comme si elles n’avaient jamais séché, figées dans un temps suspendu

Comme si cette scène se répétait.

Seul son souffle brisait le silence.

Puis, lentement, presque à contrecœur, il souffla :

— Depuis le troisième étage ?

Sa propre voix lui parut plus rauque, plus distante.

Puis, plus bas, cette fois.

Une certitude qui lui broyait l’esprit :

— Ça n’a rien de normal.

Un silence épais suspendit le temps. Étienne détourna les yeux, cherchant un ancrage tangible dans la pièce. Mais il savait.

Il savait que quelque chose lui échappait.

Et il n’était plus sûr de vouloir savoir quoi.

Tu as aimé ce chapitre ?

1

1 commentaire

Astrid.D

-

Il y a un mois

like de soutien ! 😊
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.