Fyctia

— Salut les girls.

—Dans la cuisine, crié-je pour être certaine qu’il m’entende au-delà de la musique que j’avoue avoir mis un peu fort ce soir.

— Qu’est-ce que tu cuisines de bon ?

— Spaghettis bolognaise.

— Miam. Qu’as-tu fait de ta chipie, tu l’as fait cuire ? se marre-t-il.

— Évidemment, je n’avais plus de viande hachée alors, je me suis dit, pourquoi pas !

Après un petit temps d’hésitation ainsi qu’un coup d’œil insistant, je lui avoue.

— Andouille, elle est dans son bain. Elle est rentrée de l’école dans un tel état que la douche était obligatoire. Elle m’a demandé pour un bain alors je lui ai dit oui.

— Tant qu’elle ne se noie pas dedans, tout va bien.

— Je lui ai dit de laisser la porte ouverte, juste au cas où.

— Et comment tu comptes entendre quoi que ce soit avec cette musique qui gueule ?

Devant avouer qu’il n’a pas tort, je vais de ce pas baisser le son.

En revenant dans la cuisine, je m’aperçois que je suis de nouveau seule. Il a dû aller la rejoindre dans la salle de bain. Oui, je sais, vous vous dîtes :

Mais euh, c’est un homme et elle une petite fille de sept ans, tu n’as pas peur ?

Je vous rassure de suite, je ne suis pas bête. Lucas connaît Lucie depuis qu’elle est venue au monde et il en est même le parrain. Plus d’une fois il lui a donné son bain. Plus ma fille grandissait et moins il était à l’aise. Malgré son jeune âge, Lucie l’a compris et fait toujours en sorte de mettre beaucoup de mousse au cas où il se pointerait. Ce qui arrive assez souvent le week-end. Les bains sont quand même assez rares.

Face à ma poêle où est en train de mijoter ma sauce, je les entends rire. J’aime tellement ce son. Si Lucas est venu ce soir, c’est qu’il a sûrement quelque chose à nous annoncer. Il ne vient jamais le jeudi soir.

— Maman, maman, tonton a dit qu’il a une grande nouvelle pour nous.

— C’est vrai ? interrogé-je du regard mon meilleur ami posté derrière elle.

— Effectivement. J’ai eu une petite discussion avec Dom et on est tombé d’accord sur une chose.

— C’est qui Dom, demande ma petite curieuse à Lucas.

— Dom, c’est mon nouveau chéri. On s’est rencontré il y a quelque temps durant un de mes voyages. Depuis, on s’est revu, et ça marche plutôt bien entre nous.

— Ok, répond-elle tout en haussant les épaules.

Sa petite bouille affiche plus d’une question qu’elle n’ose sans doute pas poser. Je prendrai le temps de le faire quand nous serons toutes les deux seules.

— Ma chérie, veux-tu bien aller mettre la table s’il te plaît ?

— Oui maman.

— Merci ma puce.

— Je vais lui filer un coup de main.

Je les vois partir ensemble vers la salle à manger où je les entends encore comploter. Je reviens à la cuisson de ma sauce qui, si je ne fais pas un peu plus attention, risque de finir brûlée. Je remue la sauce tomate, porte la cuillère à ma bouche et goûte, histoire de m’assurer que je n’ai pas foiré une étape de la recette. Même si certains diront qu’il n’y a rien de plus simple qu’une sauce bolognaise, avec moi, à tout moment, ça peut dégénérer. Pour ce soir, pas de loupé. Je coupe donc le feu, décale la poêle afin d’éviter que cela ne continue de chauffer. Je récupère les pâtes qui attendaient sagement dans l’égouttoir, lui-même dans l’évier et les reverse dans la grande casserole. Je rajoute ensuite la sauce et mélange le tout.

Arrivant dans la salle à manger les mains pleines, je constate qu’ils ont fini de mettre la table. Lucie est allée jusqu’à mettre une serviette en papier à chacun d’entre nous. Je ne suis pas étonnée, ce soir, j’ai cuisiné son plat favori et elle est fort capable de s’en coller partout. Cependant, j’aimerais bien savoir quelle est son excuse pour nous en avoir mis à nous aussi ? Posant le plat au centre de la table, Lucie intercepte mes coups d’œil vers les serviettes.

— C’est tonton qui les a mises.

— Traîtresse, murmure-t-il.

— Même pas vrai. Je dis juste la vérité à maman. Elle dit toujours que c’est pas beau le mensonge.

— Je rigole ma puce, je sais bien qu’il ne faut pas mentir. Et oui, j’ai mis les serviettes car je mange comme un cochon et la sauce tomate est galère à enlever des vêtements.

Nous rigolons toutes les deux de sa tirade. Nous échangeons un regard de connivence et clamons en chœur :

— Lucas mange comme un cochon, Lucas mange comme un cochon…

— Bon, ça suffit ou je m’en vais ! dit-il à moitié sérieux.

— Comme si tu allais partir alors que le repas est prêt ! le nargue-t-elle.

Lucas, amusé de la situation, ne peut contredire ma fille et va s'asseoir sur sa chaise habituelle tout en faisant la moue. Nous suivons le mouvement et nous nous installons à notre tour. Je leur demande leur assiette à tour de rôle et nous commençons à manger dans le silence. Lucie ne tient pas plus de deux minutes et entame sa diarrhée verbale du soir. Tout y passe. Ce qu’elle a fait durant la journée, les rumeurs des copains-copines. Les suppositions en ce qui concerne le père noël. Sachant que noël est passé depuis seulement quelques semaines, le sujet fait encore débat.

Évidemment, Lucie fait partie de la team « le père noël existe » et j’en suis contente. Elle est trop jeune pour savoir la vérité même si je sais pertinemment que quand elle va l’apprendre, ce sera un vrai choc pour elle.

Lucas reste pour le moment encore silencieux, concentré sur son assiette. Lorsqu’ arrive le dessert, ma fille me réclame un yaourt au chocolat. Elle a dévoré deux assiettes pleines, mais ne rechigne jamais à manger un dessert surtout au chocolat. Je le lui apporte avec plaisir et j’en profite pour débarrasser.

Toujours dans son mutisme, mon meilleur ami la regarde engloutir son yaourt. Elle en a tellement sur la figure que c’est a se demander si elle en a eu dans la bouche. Allez savoir comment elle a fait, mais ça lui arrive jusque sur le sourcil.

— Fini, scande-t-elle.

— Ok, alors va te débarbouiller et profites-en pour te laver les dents. Pendant ce temps, je vais faire la vaisselle avec tonton.

— D’accord maman.

Se rapprochant de moi et me faisant un signe pour que je me mette à sa hauteur, elle me chuchote :