Fyctia
Chapitre 3.1
RAPHAEL
Je m’efface pour la laisser entrer la première dans le bar et j’en profite pour la mater en douce (oui je sais…). De longs cheveux blonds dorés, plutôt petite et menue, elle a un physique presque enfantin. Pas du tout mon genre ! Mon type de filles, ce sont plutôt les grandes lianes brunes aux yeux de braises. Dans l’idéal, je ne serai pas contre un mélange de Penélope Cruz et de Monica Bellucci. Un peu comme Laura… Tout à fait comme Laura pour être exact.
Et je ne dis pas non à des courbes et des formes bien placées. Vous avez le droit de trouver que je suis un cliché ambulant mais c’est que c’est ce que pensent (secrètement ou pas) la majorité des mecs. Bref, les femmes enfant ce n’est pas mon délire. Et quand je dis ça, je ne pense pas qu’au physique mais aussi au caractère. Les petites choses timides et fragiles, celles qui ont du mal à aligner trois mots sans rougir : très peu pour moi. Que ce soit avec mes ami(e)s ou mes petites copines, je suis plutôt attiré vers les caractères forts, les gens qui savent ce qu’ils veulent, ce qu’ils pensent et qui n’ont pas peur de l’affirmer. Les robinets d’eau tiède m’ennuient. Et quelque chose me dit que Garance fait plutôt partie de cette catégorie.
Je choisis une table un peu à l’écart pour ne pas avoir à subir les regards curieux de nos voisins sur ce qui promet d’être un trèèèès long moment. C’est quoi le temps minimum au bout duquel on peut s’éclipser d’une date sans passer pour un mufle complet ? Une heure ?
Il faut vraiment que j’ai une sérieuse discussion avec Romain parce qu’il est hors de question que je continue son petit gage débile. J’ai joué le jeu avec ce rendez-vous pour bien lui montrer que j’étais prêt à tout pour m’excuser mais il est hors de question de renouveler l’expérience. Et puis notre amitié est quand même au dessus de ça. On mérite mieux que ça lui et moi. M’humilier avec ce genre de petite vengeance mesquine ne lui apportera aucune satisfaction et nous le savons tous les deux.
Je m’aperçois que je suis resté totalement muet, perdu dans mes pensées, depuis que nous nous sommes assis. Je me creuse la tête pour trouver un sujet de conversation quand je suis sauvé par l’arrivée du serveur. Je commande une bière légère et je m’attends à la voir commander un coca zéro, un thé ou pire un monaco. Mais, à ma grande surprise, elle se lance dans une étude détaillée de la carte des gins, avec le serveur visiblement ravi d’avoir enfin un client qui boive autre chose que du Gordon’s.
Je la regarde légèrement inquiet : est ce qu’au moins, elle a l’habitude de boire ce genre de trucs ? Je l’imagine déjà s’effondrer ivre morte ou faire un truc bien gênant comme tenter une approche physique…Moins de deux minutes plus tard, le serveur, tout sourire, dépose son verre devant elle comme si c’était le saint Graal, alors qu’il me jette à peine un coup d’oeil. Elle le remercie d’un grand sourire qui me provoque un petit pincement au creux de l’estomac. Quand elle sourit comme ça, tout son visage s’éclaire, elle rayonne littéralement. Et, putain, on n’a qu’une envie, c’est être le destinataire de ce sourire. Mais, moi, je n’y ai jamais eu le droit. Pas sûr que je le mérite non plus.
Elle fait délicatement tourner l’alcool dans son verre, avant de le humer et de porter le verre à ses lèvres. Elle ferme les yeux et pousse un petit soupir de satisfaction. Je suis hypnotisée par la sensualité qui se dégage de ses gestes. Mon regard accroche ses longues mains fines aux ongles soigneusement laqués de rouge et qui contrastent avec son look de lycéenne en jean/baskets. L’image des actrices des années 50, en fourreau noir et porte cigarettes, traverse mon esprit. Elle me coule un regard par dessus son verre et me lance, ironique :
━ Alors, pourquoi tu m’as invitée exactement ?
Je ne m’attendais pas à une entrée en matière si directe ni à cette voix grave, presque rauque. Sexy. Très Lauren Bacall.
Comment ça se fait que je ne l’ai pas remarqué plus tôt ? Peut-être parce que je n’ai jamais pris la peine de vraiment lui parler. Elle non plus, ceci dit. J’émerge de mes rêveries cinématographiques et tente de trouver une réponse crédible.
━ Pour mieux te connaître ! On travaille dans le même bureau depuis plus de trois mois et on se parle à peine. Je trouve ça dommage.
Elle n’a pas l’air spécialement convaincue par mon petit discours de boy scout mais elle a l’élégance de ne pas insister. Et de basculer sur un terrain moins glissant : le boulot. Et là non plus, elle ne fait pas dans les banalités d’usage.
━ Donc si j’ai bien compris, tu rêves d’être embauché chez Blue connexion ?
Je vois à son sourire moqueur et à son ton un brin condescendant, qu’elle ne partage pas cette aspiration. Sûrement parce que c’est hors de sa portée.
━ Ça se voit tant que ça ?
Vu le peu d’attention qu’elle me porte, si, même elle, l’a remarqué, c'est qu'on doit vraiment lire en moi comme dans un livre ouvert. En même temps, tant mieux si ma motivation pour décrocher un job se voit à des kilomètres.
Elle reprend, comme si elle avait lu dans mes pensées :
━ Tu sais qu’ils ne te proposeront rien tant que tu ne te seras pas démarqué du reste du troupeau ? C’est comme ça que ça marche ici. Il ne suffit pas de tout donner, ça c’est la base. Il faut aussi être innovant, disruptif, comme ils disent. Être un leader visionnaire et audacieux, complète-t-elle d’un ton cynique
Elle mime des guillemets quand elle énonce cette dernière remarque. C’est sûr que présenté comme ça, n’importe quel discours managérial ressemble au credo d’une secte.
━ Mais tu sais, ajoute-t-elle, il te suffit en réalité de prendre la main sur un projet qui va cracher du chiffre d’affaires, en l’enrobant de paillettes et de quelques mots-clés qui envoient du rêve. Cela devrait suffire pour qu’ils te proposent de rester.
━ Merci pour les explications, dis-je avec ironie, en levant mon verre vers elle. Et toi ? Tu ne t’appliques pas à toi-même ces précieux conseils ?
Je dois avouer que je suis un peu vexé de me faire donner une leçon, pertinente de surcroît, par l'asociale de service. Qui a visiblement mieux compris que moi les règles du jeu de la boîte. J’avais pensé, bêtement, qu’il suffisait de travailler et d’atteindre les objectifs qu’on me fixait.
━ Disons que je ne suis pas sûre d’être faite pour ce genre de carrière, élude-t-elle
Vu le portrait acide qu’elle vient de brosser du management chez Blue connexion, je ne peux pas lui donner tort. On est bien loin du robinet d’eau tiède ! Plus près du Che Guevara.
━ Alors pourquoi tu es en stage ici ? Tu as vu de la lumière et tu es rentrée ?
━ C’est bien payé, dit-elle d’un ton évasif. Et puis faire des stages permet justement de savoir ce qui te plaît ou pas.
Elle hèle le serveur qui accourt aussitôt, puis enlève d’un geste souple son sweat oversize.
━ Qu'est ce que vous prendrez ? demande-t-il.
Je déglutis, incapable de répondre face au spectacle qui s’offre à moi.
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Florence Duriez
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