Fyctia

Deux jours plus tard, j’ai encore mal à la tête à cause de la soirée et de mon manque de sommeil que je n’ai pas rattrapé. Mes parents n’ont pas remarqué ma disparition ce soir-là et mes sœurs ne m’ont pas vu là-bas. Alors tout va bien. Pendant le week-end, je les ai juste entendus parler de la fameuse bagarre que j’ai déclenchée, et apparemment, elles étaient parties bien avant. Tant mieux pour moi ! Sinon, j’ai passé le week-end à cacher ma main qui était gonflée à cause du coup de poing.

Ce matin, j’enfile l'uniforme de l’université, qui est entièrement noir. Je ne sais pas si je vais à un enterrement ou en classe. D’ailleurs, quelle université débile oblige un uniforme ? Je parie que ça doit plaire à ma mère. Hélas pour elle, j’ai choisi le pantalon à la place de la jupe. Je mets ma veste tailleur noir et j’attrape mon sac avant de quitter la maison. C’est le chauffeur de mes parents qui me dépose. Juste avant d’entrer à l’université, je défais le chignon strict que ma mère m’a forcé à faire, pour les rattacher en vrac avec une pince qui laisse dépasser mes cheveux blonds sur le devant de mon visage.

Cette année, je suis en dernière année. La plupart de mes cours portent sur l’économie et la sociologie. Une angoisse commence à monter en moi quand j’approche de la salle de mon premier cours. Et si je croisais les gars de la soirée ? J’entre dans la classe sans regarder les gens de peur de voir quelqu’un et je m’assois au fond à côté d’une fille. Puis le cours débute.

— Salut, murmure la fille. Je m’appelle Lili Laurens, tu es nouvelle ?

— Salut, moi, c'est Enara Wilson.

— Tu as un lien de parenté avec les sœurs Wilson ?

— Andriana est ma jumelle, et Kassie est ma petite sœur.

— Wow… J’ignorais qu’elles… Ah, mais si ! La sœur qui est partie vivre à l’étranger quelque temps.

— C’est ce qu’elles ont dit…

J’ai bien envie de rire. Dans ma famille, on fait tout pour garder bonnes apparences. Ce n’était sûrement pas bon pour les affaires de dire qu’il n’arrivait pas à gérer leur fille. Lili souffle sur une de ses mèches de cheveux qui tombent sur son visage.

— Moi, je suis arrivée l’année dernière ici. Avant, j’étais en Australie pour le travail de mes parents, maintenant, je vis chez ma grand-mère. Et j’ai du mal à m’intégrer. Donc je suis ravie de te rencontrer.

— En vrai, j’étais dans un internat pour personne indisciplinée. Cela permettait d’avoir un contrôle total sur moi.

Lili explose de rire, mais se calme aussitôt quand le prof lui fait une remarque.

— Je t’appréciais déjà avant, soupire-t-elle, mais là, je suis sûre qu’on va devenir super copine. J’ai moi aussi passé deux ans dans une école comme ça lors du lycée. Mes parents n'arrivaient pas à me gérer. En fait, j’étais juste hyperactive.

J’explose de rire à mon tour. Nous continuons de faire connaissance pendant tout le cours et même le cours suivant puisqu’on a choisi les mêmes cours.

Toute la matinée se passe à merveille, je n’ai même pas croisé mes sœurs. Des gens me lancent des regards curieux, sûrement parce que je suis la nouvelle. A l’heure du repas, la cafétéria est blindée de monde. Nous passons devant la table de mes sœurs. Andriana est à deux doigts de me poignarder avec ses yeux. Contrairement à l’internat universitaire où j’étais, le repas d’ici est délicieux.

Durant le repas, Lili me montre où se situe le groupe des sportives, des footballeurs, des gens un peu différents des autres. On est dans cette partie-là de la cafétéria. Puis elle se fige avec une tête à mourir de rire, comme si elle venait de voir un truc improbable.

— Putain ! Pourquoi ils regardent notre table ?!

Je me tourne sur ma gauche pour voir ce qu’elle regarde. Sauf que je tombe face à quatre regards que je connais très bien. Merde ! Je détourne aussitôt le regard. Je rêve de disparaître sous la table mais leurs yeux passeraient à travers. J’ai le chic pour me mettre dans la merde toute seule. Ce sont les gars de la soirée, les quatre.

— C’est un truc de fou, ils te regardent. Surement car tu es nouvelle. Ce week-end, ils ont déclenché une bagarre à la soirée de Chloé. Je n’y étais pas, mais j’en ai entendu parler. J’aurais aimé voir No…

— Je sais, coupé-je.

— Comment ça ?

— Il y avait une fille avec eux, elle a assommé un gars avec une bouteille.

— Ouais, encore une de leur copine sûrement.

— C’était moi. Je suis allée à la soirée en sortant par ma fenêtre et j’ai provoqué la bagarre. Mais je ne suis pas leur copine, je jouais à un jeu d’alcool, certes avec eux.

— Oh mon Dieu ! T’es incroyable ! Sur le campus, ce sont les petits rois, ils foutent la merde partout où ils passent et ils sont terriblement sexy.

— Comment s’appellent-ils ? demandé-je, curieuse.

— Le blond, c’est Rafe. Le brun aux cheveux rasés, c’est Spencer. L’autre brun s’appelle Sohan, et le dernier et meilleur pour la fin, Maddox.

Je croise le regard de Mad, alias Maddox, et un frisson parcourt mon corps. Nous nous évadons de la cafétéria car je me sens très mal à l’aise. Nous allons aux toilettes avant notre prochain cours.

— Et du coup, qui j’ai frappé ?

— Noah, un abruti, alias le gars de ta sœur Andriana. Hélas, il est aussi dans cette université et tu vas rapidement le recroiser.

Noah va vouloir me rendre la monnaie de sa pièce quand il va me voir. Et puis, mes sœurs vont apprendre que c’est moi qui a déclenché la bagarre. Elles le diront à ma mère. J’aurais dû rester chez moi au lieu d’aller à cette stupide soirée. Mais attends ! Andriana a un copain mais je l’ai vu embrasser un autre gars à la soirée. Je donne ce scoop à Lili. Soudain, la porte s’ouvre violemment. Nous sommes nez à nez avec Andriana. Quand on parle du loup…

— Figure-toi que Noah, mon copain que tu as assommé, m’a dit que c’était toi à la soirée. Qu’est-ce que tu foutais là-bas ?!

— Euh…

— Je vais le dire à maman ! Je lui avais dit de…

— Tu ferais mieux de la fermer Andriana ! s’exclame Lili. Je suis sûre que tu ne veux pas que Noah sache avec qui tu étais dans la piscine. Alors tu gardes son secret et nous gardons le tien. Allez, retourne voir tes copines. Et puis, passe le bonjour à ton abruti de gars et souhaite-lui un bon rétablissement.

— Tu n’oserais pas faire ça, n’est-ce pas Enara ? dit ma sœur.

— Elle n'osera probablement pas, admet Lili, mais moi oui.

— Très bien. Sache que c’est la dernière fois.

Andriana sort des toilettes en me jetant un dernier regard noir. Une fois partie, je me retourne vers Lili, et je la serre dans mes bras. Elle ne sait pas à quel point j’apprécie ce qu’elle vient de faire. Je la remercie du fond du cœur. Je comprends pourquoi ses parents l’ont envoyée en internat.

En fin de journée, je sors sur le parking devant le campus. Mon chauffeur n’est pas là, donc j’attends qu’il arrive. Une voiture s’arrête devant moi, et les deux vitres se baissent. Ils sont tous là, les quatre gars de la soirée.

— Salut mon cœur, dit Rafe.