Fyctia
Chapitre 1
Ses mains glissent sur moi. Papier de verre qui m’arrache. Elles s’attardent sur ma poitrine nue. Puis elles descendent doucement le long de mes hanches. Elles ne s’arrêteront pas. Elles devraient me faire frémir de plaisir. Tout mon corps se crispe, se contracte. Attendre, attendre que cela cesse. Il va entrer son sexe dans le mien et je vais patienter, mimant une jouissance inexistante.
Depuis quand ce mensonge dure-t-il ? Je ne sais plus. Trop longtemps. Il se retire, se couche près de moi. Je regarde cet homme que je n’aime plus. Le devine-t-il ? Peut-être. Parfois, des doutes l’assaillent. Ses yeux d’un bleu profond m’interrogent. J’essaie de donner le change. Nous ne nous parlons pas. Plus. Si peu.
Je ne veux pas casser ce qui survit de Nous. Que reste-t-il ? Une vie qui suit son cours, bien huilée, efficace. Chaque jour, la même routine absurde. Le réveil, le travail, des hobbies aux antipodes l’un de l’autre. Nous évoluons dans des univers différents. Moi la musique, lui, le rugby. Toujours séparément, ne rien avoir en commun que ce lit qui ne peut à lui seul colmater cet amour qui se noie.
Je sors de la maison. Un joli pavillon sur une commune près de la mer.
On n’y va jamais !
La voisine apparait sur le trottoir. Sa main qui se secoue de droite à gauche et son immense sourire me saluent. J’efface d’un revers de main une larme sur ma joue et tente de l’imiter. La voiture démarre. Je roule. Conduite machinale. Les larmes coulent et ne s’arrêtent plus. « Tu pleures toujours quand personne ne te voit ! », s’indignerait Anouk. Je sors du lotissement. La double voie. La grande ville. Le bureau.
Une autre moi-même s’éveille. J’arbore un sourire circonspect. La pause déjeuner m’apporte une bouffée d’oxygène. Quelques collègues paraissent sur des fauteuils difformes qui soutiennent à peine le dos. Après, on s’étonne que ce soit le mal du siècle. Anouk et Axel — un des rares hommes de la boîte — s’esclaffent. L’atmosphère est légère.
« Qu’est-ce que vous avez fait ce week-end ? » Chacun raconte sa petite histoire.
« Moi ? Rien. »
J’aurais aimé sortir, mais Monsieur s’occupe du club de rugby quand il ne se consacre pas à son jardin. Il ne m’accorde que peu d’intérêt. Évidemment, je ne mentionne rien de tout cela. Je n’insiste pas trop sur ma lassitude et mon ennui. Je ne voudrais pas passer pour la mal baisée du bureau.
Anouk retourne travailler. Axel s’attarde. Grand, belle carrure, il me parle de son ex et de ses enfants qu’il garde une semaine sur deux. Depuis son arrivée dans la boîte, il y a quelques mois, nous discutons souvent de tout et de rien. J’aime sa présence. Elle me rassure. Celle de mon époux m’angoisse.
Dix-sept heures. Je rejoins le trafic. Une file de voitures patientent au feu rouge. Il passe au vert. J’avance d’une cinquantaine de mètres et me voilà de nouveau stoppée par la signalisation. Je redémarre enfin, récupère mes ados en centre-ville — il y a longtemps que je ne me déplace plus jusqu’à la sortie du collège et du lycée —. Arthur, l’aîné, raconte sa journée. J’écoute d’une oreille distraite. Je pense à Axel. Sa voix qui surpasse toutes les autres. Sa chevelure hirsute. Ses yeux d’un bleu si clair, presque translucides. Je chavire.
Le pavillon apparait, le grand arbre.
Théo s’extirpe de son jardin, s’approche, vient m’embrasser « Bonsoir chérie. » Puis il reprend ses activités. Quant à moi, je retrouve les miennes. Ai-je encore un mari ? Nous nous sommes égarés. Je ne sais plus où j’en suis. Tout est confus. Je sais juste que j’ai mal.
Le soir descend sur la colline, je scrute la vue à la recherche de mon amour. Le soleil teinte l’horizon de toits gris d’une couleur rosâtre.
Théo savoure une bière. Je range quelques chemises que je viens de plier. Je ne trouve pas les mots qu’il attend. Quoi lui dire ? Comment dire les choses ? Comment annoncer que je m’ennuie dans cette routine innommable. Qu’il ne me comble plus. Qu’il ne me gâte plus de gentilles intentions. Qu’il n’y a plus de discussion ni de disputes vite résolues sur l’oreiller ! Notre relation est devenue du vide. Je n’arrive plus à fournir d’efforts. En ai-je accompli ? J’en viens à me poser la question. Sûrement. Peut-être. J’ai oublié. Il en demande toujours plus jusqu’à ce que sa requête me semble insatiable. L’ai-je un jour comblé ?
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Griffesdehors
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Il y a 4 mois
PICOT
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Il y a 4 mois
WildFlower
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GrandQuizitor
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Biscuit de Lu
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Il y a 5 mois