Fyctia
Chapitre 9
La dernière journée de la semaine s'achève enfin. Je suis épuisée. Je paye le prix de mes nuits blanches. Une semaine à peine s'est écoulée depuis le braquage et pourtant, j'ai l'impression que c'était il y a des années lumières. J'ai veillé chaque nuit et attendu son retour mais il n'est pas revenu.
Mardi vers 4 heures du matin, j'ai balancé le miroir contre le mur. Il ne s'est pas brisé, dommage.
Mecredi à l'aube, j'ai mis les chaussures à la poubelle.
Jeudi à la première heure, j'ai fait estimer le collier mais je ne l'ai pas vendu.
Chaque jour, j'ai ruminé, râlé, pesté. J'étais d'une humeur massacrante. Alors, ce soir, je compte bien m'amuser. Pour une fois, c'est moi qui ai choisi où on allait et j'ai une folle envie de danser en boîte de nuit.
Je brosse mes cheveux jusqu'à ce qu'ils prennent l'apparence d'une longue masse lisse et soyeuse. Un souvenir de la première fois où j'ai été en discothèque me revient. J'avais 16 ans.
C'est dégueulasse pourtant Manelle, Aurore et moi buvons tour à tour dans une ruelle à côté du club. L'excitation prend le dessus sur la colère. Une énième dispute avec ma mère m'a poussée à ouvrir le bar de mon père, à prendre une bouteille d'alcool fort au hasard et à sortir.
Aurore a 17 ans. Manelle est la seule majeure. Nous ne sommes pas certaines de pouvoir rentrer... Nous misons sur nos tenues.
Je suis triste ce soir et un peu déçue. Noah a embrassé une fille ce matin. Je pensais qu'il m'aimait bien mais apparemment, non. Ou pas assez. Ou juste, il m'aime mal.
Aurore cache le reste de la bouteille derrière un tas de cartons et nous rejoignons la boîte. Nous y entrons finalement sans aucune encombre. Je suis directement happée par un univers particulier. Le son est fort. On doit crier pour se comprendre. Ça fait tout drôle. La volume me prend à la gorge et je ressens la musique à fond dans ma poitrine. Des lumières multicolores passent parfois sur mon visage.
L'une derrière l'autre, nous tenant par la main, nous nous faufilons entre les gens qui dansent. Nous trouvons une place près de miroirs et nous dansons pendant des heures. Quand on est trop essoufflées, on se repose, se prenant dans les bras, en nous déhanchant plus lentement. Des hommes vont et viennent cherchant le contact avec nous. Certains ont le privilège de danser quelques minutes les mains sur nos hanches. Je pense même que Manelle a embrassé un ou deux mecs.
Quand on ne tient plus sur nos jambes et qu'on a mal aux pieds, on rentre chez Aurore. Sa mère est là mais elle s'en fiche qu'on débarque à 3 heures du matin. Elle se la joue cool mais elle est juste en dépression depuis que son mari l'a quittée. Apparemment, l'argent ne fait pas le bonheur.
Une fois arrivée dans sa chambre, chacune dépose ses trophées sur le lit. Manelle y dépose deux portefeuilles, Aurore une montre et un portefeuille et moi deux portefeuilles et une alliance.
- Tu fais chier Hélèna, t'as encore gagné, dit Aurore en faisant semblant d'être triste.
Nous n'avons pas besoin d'argent. On fait ça pour l'adrénaline et par ennui. Si nos parents étaient plus présents, on serait peut être plus sages. Entre mes parents, la mère dépressive d'Aurore et les parents de Manelle qui préfèrent leur job à leur fille, je ne sais pas qui remporte la palme du parent le plus nul...
- Prête Hélé ?
Manelle me sort de mes pensées en entrant sans ma chambre. Elle a remonté ses cheveux dans un chignon négligé et s'est maquillé les yeux dans des tons sombres. Elle porte une robe dorée. Elle tourne sur elle-même et je découvre que son dos est complètement nu. Elle est sensationnelle.
- Alors ?
- Une vraie bombe ! Tu te souviens de la première fois que j'ai été en boîte ? C'était avec toi et Aurore.
Elle réfléchit quelques instants et hoche la tête.
- Et notre première virée en voiture ? ajoute-t-elle.
Je ris. C'était la voiture de mon père... Et bien sûr, personne n'avait le permis.
- Et nos premières vacances ? dit-elle en se cachant les yeux avec ses mains.
Comment oublier ? Ibiza. Sur un coup de tête.
- Et notre première nuit en cellule ? je pouffe en mettant les mains sur ma tête.
On s'était fait arrêter parce qu'on avait vandalisé la voiture du connard qui a trompé Aurore. Je me souviens encore de la sensation quand j'ai abattu une batte de baseball sur le pare-brise... Galvanisant.
On a tout vécu à trois : les joies et les peines, les hauts et les bas, les meilleurs voyages comme les pires moments. On s'est raconté nos premiers baisers, nos premières fois, nos chagrins d'amour...
Aurore me manque mais je sais qu'elle est heureuse. Elle a rencontré un homme en or et vit maintenant auprès de lui à Rome. Il ne reste que Manelle et moi. Elle qui papillonne et tombe amoureuse d'un homme différent tous les mois et puis il y a moi. Je ne sais pas très bien où me situer. Ma vie sentimentale est désertique. J'ai eu quelques aventures mais sans plus. Je n'avais pas le temps de m'investir dans une relation... Ça m'arrangeait aussi. Je devais m'occuper de mon petit frère. À présent, il est temps que je réfléchisse à mon avenir et que j'ouvre la porte à un homme. Peut-être ce soir ?
3 commentaires
EmyDestiny
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Il y a 10 mois
Carl K. Lawson
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Il y a un an
TinkerBecks
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Il y a un an