Fyctia

Il y a du monde aujourd’hui aux écuries et Nathanaël se tient en retrait, son carnet sur les genoux, son stylo noircissant les feuilles une à une. Parfois il lève la tête pour observer sa compagne qui évolue dans la carrière. Montée sur son cheval de dressage, Hercule, Evy ressemble à toutes ces cavalières bien droites sur leur selle, les mains devant elle, le regard rivé sur la piste. L’encolure doucement enroulée, Hercule évolue d’un trot léger, aérien, semblant presque voler à chaque foulée. La jeune fille sur son dos est concentrée, et rien n’indique sa réelle condition. Nath sourit, fier de ce qu’il voit. Pourtant leur nuit a été agitée.

Oh oui ! Ils auraient pu s’adonner à ce que tous les couples font quand ils se retrouvent au lit mais pour Evelyne et Nathan, les choses sont un peu différentes.

D’une part la condition d’Evelyne fait que les plaisirs de la chair lui sont à présents refusés. Ou du moins les deux jeunes gens doivent apprendre à explorer cette part de leur vie autrement. En effet la chute d’Evy ayant sectionné sa moelle épinière au niveau des lombaires, elle n’a plus aucune sensation à partir du bassin jusqu’au bout des orteils. Disons-le franchement, elle ne peut plus avoir d’orgasme. Ou du moins, ne peut plus le ressentir. Pourtant, la jeune femme est de plus en plus demandeuse et se sent frustrée.

D’autre part, si Nathan se montre doux et attentif, attentionné et câlin envers sa compagne, il refuse d’explorer plus son corps et plus frustrant encore pour Evy, il refuse de la laisser elle, explorer son corps à lui.

Malgré la prévenance dont fait preuve Evelyne et ses nombreuses questions, Nathan est resté de marbre et a même commencé à regretter d’être resté pour la nuit, encore une fois. Tout ce qu’il voulait c’était rester auprès d’Evelyne, la couvrir de baisers, de câlins, être à ses côtés simplement. Il comprend finalement qu’elle n’aurait de cesse de rechercher plus. Pourrait-il un jour lui offrir ce qu’elle désire ? Et si leur relation perdure dans le temps, et si elle veut des enfants ? Le jeune homme chasse cette idée en secouant la tête et en revenant à son petit carnet. Cela n’échappe nullement à la cavalière qui croise son regard à ce moment précis sans que lui ne le remarque pourtant.

Deux heures plus tard, les deux jeunes gens sont à nouveau en voiture, en minibus, et sur le chemin du retour, Evelyne tient à revenir une fois de plus sur ce qui s’est passé la nuit. Sur l’énième refus de Nathan qu’elle ne comprend pas.

-Tu es un homme pourtant ! Comment se fait-il que tu ne veuilles même pas me toucher ? Je veux dire, quand j’étais avec Alex…

-Hey bien tu n’as qu’à retourner avec Alex, si c’est ça qui te manque tant ! s’exclame Nathanaël, en colère, en appuyant plus fort sur l’accélérateur.

Le minibus fonce à présent sur la départementale, avalant le bitume et les virages. Des images envahissent l’esprit du jeune homme et l’aveugle, le rendant sourd aux cris de sa compagne à ses côtés qui le supplie de ralentir, de s’arrêter. Dans le soir tombant, les phares d’une estafette l’éblouissent et le ramènent à la réalité. Au dernier moment Nathanaël donne un coup de volant pour ramener le minibus sur sa voie et se gare sur le côté.

Sa respiration est rapide, ses mains crispées sur le volant. Evelyne figée, choquée, est incapable de parler. Elle reste bouche bée et retient sa respiration, attendant que l’orage passe. Elle a eu la peur de sa vie. Finalement les doigts de Nath se détendent sur le volant.