Fyctia
Chapitre 3
Chapitre 3 l’ange du septième ciel
Aujourd’hui, le passé de Juju reste un mystère pour moi. Elle semble douée dans tout ce qu’elle touche. L’autre jour, elle s’est enfermée à la cuisine, mitonnant un mystérieux repas. Mes tentatives d’envahissement ont toutes été battues en brèche par un doux baiser et une légère, mais ferme pression corporelle pour me pousser dehors. Dans la journée, j’ai dû m’absenter, mais à l’heure convenue, je me suis présenté dans le séjour où elle avait dressé une table pour deux des plus romantiques, avec chemin de table rouge sur nappe blanche, bougie odorante allumée et rose pourpre dans un soliflore. J’ai rapporté une bouteille de Faugères, un rouge capiteux cultivé en pays héraultais. J’espère qu’il s’accordera au plat, car les odeurs de viande rouge que j’avais senties ont aiguillé mon choix.
Juju m’a embrassé et guidé vers ma chaise. J’aurais bien poursuivi cet échange corporel plus avant, mais ma douce ne l’entend pas ainsi. Elle a cuisiné toute la journée, alors je peux bien remiser ma fougue pour honorer ses efforts. Elle s’est volatilisée à la cuisine et je profite de son absence pour déboucher le vin. J’approche mon nez. Une odeur suave et charpentée titille mes narines. Cette AOC du Languedoc qui exhale des notes de café grillé avec un soutien de fruits rouges est parfaite pour les plats en sauce. Juju réapparaît portant une coquelle qu’elle pose au centre de la table. Elle a au visage le même sourire de vainqueur que lors de la fameuse soirée de scrabble. Elle soulève le couvercle, libérant des effluves de poivrons mêlés à l’odeur de la viande, avec un soupçon d’épice encore indéfinissable. Mon interrogation est de courte durée.
— J’espère que tu aimes le goulash, mon amour.
Ça y est, l’épice inconnue est identifiée ; du paprika bien sûr.
—À vrai dire, c’est une première pour moi.
Faisant le tour de la table, elle vint se coller contre moi, ses bras m’enserrant, sa main gauche caressant ma nuque. Je remarque seulement maintenant que pendant sa courte absence, elle s’est changée. Cette jupe rouge cintrée et ce top noir lui vont à ravir. Même si hier ma carte bleue a chauffé, je ne regrette pas ces emplettes vestimentaires pour cause de garde-robe à reconstituer. Sa longue chevelure qu’elle avait remontée en chignon pour cuisiner se répand sur ses épaules. Comment a-t-elle fait pour se transformer en pin-up en si peu de temps ? Était-elle transformiste de music-hall ? D’autres questions moins superficielles se bousculent dans ma tête. Le choix du goulash d’abord. Est-elle d’origine hongroise ? Son prénom est bien franchouillard et elle parle français sans le moindre accent. D’ailleurs, c’est idiot. On peut bien préparer une paëlla ou un couscous sans être pour autant Espagnol ou Arabe. Et puis il y a ces contusions sur son corps qui ne sont plus aujourd’hui que de vagues souvenirs, mais qui présument un passé atroce. Les bleus au corps disparaissent, pas les bleus à l’âme.
La soirée fut délicieuse. J’étais sous le charme et, je crois qu’elle aussi à en juger les regards énamourés qu’elle m’envoya. Nous parlâmes de tout et de rien. Beaucoup de moi, et particulièrement de ma carrière littéraire qu’elle m’encouragea à poursuivre, après le succès inespéré de mon autobiographie. Il faut dire que l’ami Peter m’avait grandement aidé en s’improvisant mon correcteur particulier. Par contre, je n’appris rien de plus sur elle, malgré mes maladroites tentatives d’inquisition. Notre rencontre est encore trop récente pour qu’elle m’avoue ses secrets, à moins qu’ils ne soient inavouables. Puis nous remîmes le couvert, mais dans la chambre cette fois. J’étais comblé au-delà de mes désirs, sauf sur un point, mon envie de mieux la connaître. J’escomptais qu’avec le temps, elle consente à satisfaire ma curiosité. Je savais que de toute façon, ce que j’apprendrais ne pourrait pas écorner le sentiment très fort qui m’attache dorénavant à elle ; c’est un amour tendre et sincère qui cimente désormais notre relation. C’est à cet instant que mon téléphone portable se mit à tinter sur l’air de la Traviata. Je regardai l’écran, et mon cœur se serra en lisant le nom de Serena.
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Eva Baldaras
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Il y a 7 jours