Fyctia

À peine le groupe arrivé à l’infirmerie, Zanael est prise en charge par deux elfes ne cachant pas leur surprise à la vue de la blessure de la métamorphe.

— Ne devrait-elle pas guérir d’elle-même ? demande la première.

Déjà affairée à inspecter la plaie, l’autre affiche une expression laissant sous-entendre le pire. Inquiète, elle prend la parole sans laisser le temps de répondre à l’interrogation de sa collègue, s’adressant directement à la patiente.

— Il y a déjà une nécrose importante. Comment t’es-tu fait cette blessure ?

Hésitante à entrer dans les détails, mais surtout affaiblie par cette brûlure ardente qui la consume de l’intérieur, Zanael reste silencieuse. Ne voulant surtout pas voir l’état de son amie empirer, Maeva choisit de ne rien cacher et se lance sans considération pour les conséquences de ses paroles.

— Quelqu’un a utilisé la nécromancie pour réanimer un griffon décédé dans des circonstances obscures. C’est cette bête envoûtée qui l’a blessé avec son bec.

Paniquées, les deux elfes reculent d’un commun accord. La seule mention de cette magie noire déclenchant en elles une peur abjecte. Conscient de l’effet des paroles de la jeune humaine, Guanuyr la toise d’un regard sévère. Reprenant tant bien que mal ses esprits, l’elfe ayant analysé la plaie s’avance vers Zanael, sa main tendue au-dessus de son corps. Après quelques secondes de grande concentration, elle soupire avant de donner son verdict.

— Un puissant poison circule dans son organisme. Je doute que notre magie soit suffisante pour l’éliminer entièrement. Au mieux, nous pouvons lui donner quelques heures, mais sa souffrance ira en augmentant jusqu’à avoir raison de sa résistance. Je suis désolée.

Horrifiée, Maeva se précipite au chevet de son amie, les yeux remplis de larmes.

— C’est moi qui étais visée par ce sort. Tout ça, c’est de ma faute ! proclame-t-elle, la voix vibrante de douleur.

Faisant un immense effort, Zanael affiche un léger sourire et prend la main de Maeva.

— Jamais je ne resterais là sans rien faire alors qu’une amie est en danger. Je ne regrette pas mon geste, même si cela doit me coûter la vie. Ta mission parmi les elfes ne fait que commencer et je suis heureuse d’y avoir contribué, ne serait-ce qu’une journée. Tu es vraiment spéciale, Maeva. Je suis contente d’avoir croisé ton chemin.

Touchée par les paroles de Zanael, Maeva éclate en sanglots, insensible aux multiples regards posés sur elle. Désirant plus que tout sauver son amie, elle pose sa main sur elle, faisant de nouveau appel à cette étrange énergie qui circule en elle. Un instant, tous peuvent voir sa main briller d’un faible éclat, mais le phénomène s’arrête brusquement alors qu’elle se sent glisser une fois de plus vers l’inconscience.

Assistant impuissante à ce nouvel échec, Sacha retient le corps inerte de sa compagne. Aidée d’une elfe, elles la placent sur le lit voisin de celui de Zanael. Curieuse, l’aide-soignante ne peut s’empêcher de questionner l’humaine.

— Qu’a-t-elle tenté de faire ? demande-t-elle.

— Je n’en ai aucune idée. Mon amie découvre tout juste ses capacités étonnantes. J’ai toutefois l’impression que son combat contre le griffon l’a épuisée. Pourriez-vous demander à Lana de venir ici dès que possible ?

Voyant l’expression décomposée de l’elfe, Sacha comprend que sa demande ne sera pas facile à remplir. Nerveuse, l’interpelée lui répond d’une voix si faible qu’elle est la seule à l’entendre.

— Lana a été convoquée d’urgence par votre académie plus tôt dans la journée. Apparemment, quelque chose de grave s’est produit et nécessitait sa présence. Personne ne sait quand elle reviendra.

Frappée de plein fouet par cette nouvelle angoissante, Sacha reste muette un moment. Après l’attaque de la veille et celle survenue aujourd’hui, elle craint le pire. Sans aucun moyen de contacter sa mère, elle se maudit intérieurement d’avoir accepté de suivre Maeva dans cette mission diplomatique. Perdue dans ses pensées, elle ne perçoit pas l’arrivée de deux nouvelles personnes dans l’infirmerie.

La clameur qui s’élève de toutes les âmes présentes dans l’infirmerie la ramène toutefois à la réalité. Reconnaissant le terme « humaine » répété à de multiples reprises par les patients alités, elle se retourne pour faire face à la source de cette stupeur généralisée. Son visage se fige alors dans une expression de totale surprise.

— Rhina !? s’exclame-t-elle, incrédule.

Consciente de l’effet de la présence d’une enchanteresse humaine, l’interpelée regarde brièvement Lana qui se tient à ses côtés pour obtenir son approbation avant de répondre. L’ayant obtenue, elle s’avance et entoure Sacha de ses bras. Étonnée par ce geste affectueux, la jeune apprentie l’accepte néanmoins avec joie.

— Sacha, je suis heureuse de te revoir. Cela ne fait qu’une journée, mais il s’est passé tellement de choses depuis votre départ que je me suis inquiétée pour vous deux.

Se séparant à regret de l’accolade, Sacha s’empresse de poser la question lui brûlant les lèvres.

— Que s’est-il passé à l’académie ? demande-t-elle, inquiète de la réponse à venir.

Se voulant rassurante, Rhina se retient de se précipiter au chevet de sa fille et prend le temps de répondre.

— Ne t’inquiète pas, ta mère se porte très bien, commence-t-elle d’une voix douce. Elle aurait voulu venir, mais ses nouvelles responsabilités demandent sa présence à l’académie.

— Quelles nouvelles responsabilités ?

Voyant le visage de son interlocutrice s’allonger, Sacha prend conscience de la gravité de la situation.

— Xanya est morte, répond Rhina d’un ton solennel. Son décès a été constaté quelques heures après votre départ, suite à une vague d’énergie qui a balayé la totalité de l’académie. Des éclaireurs nous ont rapporté la présence de nombreux corps dans une clairière à la limite du domaine. Tu te doutes bien que nous avons tout de suite pensé à vous deux, mais l’inspection des cadavres nous a révélé quelque chose qui dépasse l’entendement.

Profitant d’un bref silence de l’enchanteresse, Sacha s’empresse de prendre la parole.

— Les corps étaient ceux d’anciens combattants décédés à cet endroit plusieurs années plus tôt.

Estomaquée par les paroles de Sacha, Rhina la fixe d’un regard incrédule.

— Comment peux-tu savoir cela !?

— J’étais présente lors de cet affrontement. Je devrais d’ailleurs faire partie des cadavres. Il y a beaucoup de choses dont nous devons parler, mais le moment est mal choisi. Maeva vient de combattre un griffon envoûté et son amie, une métamorphe, a été mortellement blessée par cette créature. Les elfes disent que son temps est compté et qu’elles ne peuvent pas l’aider.

N'ayant pas réalisé la présence de sa fille à l’infirmerie jusque-là, Lana perd ses moyens et s’élance vers sa fille, le visage tordu par l’inquiétude.