Sandra MALMERA Et si le gris n'existait pas 6. L'origine 1/2

6. L'origine 1/2

Année indéterminée

Comme chaque matin, après avoir pu profiter de la fraîcheur de la peau délicate de mon aimée, Séléné, ma déesse de la lune pendant quelques instants avant son repos, je la quitte afin de remplir à mon tour ma mission. Prenant le relais de la sienne, nous jouons notre rôle de lumière et d’ombre. Dans une danse perpétuelle entre soleil et lune. Et aujourd’hui, n’échappera pas à la règle.


Alors c’est d’un pas décidé et le sourire aux lèvres de mes instants passés avec mon ange que je me dirige vers les écuries. Ma première mission : atteler mon char pour mener le soleil à son zénith. Je dois le rendre aux hommes, lui faire parcourir sa course pour mieux retrouver les bras de ma lune. Profiter de ce passage entre clarté et obscurité pour lui voler un baiser.


En pensant à elle, mes idées s’évadent. Je l’imagine allongée dans les draps de satin desquels je viens de m’extraire, sa longue chevelure blonde étalée telle une auréole au-dessus de son crâne. Magnifique, comme toujours. Ces pensées me poussent à caresser le creux de mon poignet. Le temps pour moi de baisser mon regard et d’observer mon cadeau le plus précieux. Celui que Zeus dans sa bonté d’âme, nous a offert.


Mon soleil, ma moitié qui forme un tout, une éclipse quand il est assemblé à la lune. Un tatouage indélébile, une bénédiction du roi parmi les dieux. Un don qui me permet d’être aux côtés de mon âme sœur quand bon me semble. Et en me dirigeant vers les écuries célestes, je ne peux qu’une fois de plus remercier mon cousin pour ce dessin d’ébène qui couvre mon épiderme.


Plus qu’un pas et je franchirais les portes dorées qui m’amènent à mes étalons ailés. Sauf que lorsque je pénètre dans ce lieu que je connais par cœur, l’atmosphère me paraît chargée d’électricité. Un courant d’air chaud me fouette le visage alors que mes sourcils se froncent sur mon visage. Je ne suis pourtant en retard que de deux minutes… Sauf que…

C’est déjà trop tard !


Quand mon regard s’accroche au dos de mon char, je ne peux que constater que mon fils, Phaéton s’est emparé de ma mission. Je le sais depuis longtemps, il croit pouvoir diriger le soleil, cette étoile si colérique, aussi facilement que moi. Mais ce qu'il ignore c'est qu'il m’a fallu des millénaires pour apprendre à le dompter alors avec lui qui est si jeune, rien de bon ne pourra ressortir de son entêtement.


D’ailleurs, je le sens déjà au plus profond de mon être. Le soleil est en colère, son feu se fait plus intense, plus brûlant. Je n’ai plus le choix, mes ailes si particulières se déploient dans mon dos. Elles prennent leur place tout en se teintant de noir. Je dois faire vite, reprendre mon rôle avant que les événements ne nous échappent. Cette fois, mon sourire a disparu, laisse place à des lèvres serrées et un visage fermé.


— Phaéton ! Mon fils !


Mon hurlement le percute dans son élan, et alors que je pensais le ralentir c’est tout le contraire qu’il se produit. L’inattention de mon fils le déséquilibre, il change de direction, zigzague même secouant le soleil en tous sens. Dans son sillage au milieu des nuages, il réveille brutalement les dieux les uns après les autres. Le plus inquiétant étant toujours la chaleur montante de mon compagnon. Le soleil s’embrase, irradie d’un feu rougeoyant qui commence à me faire peur.


C’est lorsque le grognement de Zeus me parvient que je prends conscience de l’ampleur des dégâts. Jusqu’ici, je n’avais pas prêté attention au sol sous nos corps, aux âmes à qui nous apportons le jour et la nuit. La terre se désagrège, se teinte d’une couleur sombre, d’un mélange de cris et de sang. Les hommes meurent sous la traversée lumineuse de mon fils. Et je ne sais que trop bien quel sort sera le sien quand Zeus aura attrapé son éclair.


Le ciel se couvre déjà alors que je ne suis plus qu’à deux battements d’ailes de Phaéton. Mais le temps vient à me manquer. Je peux l’observer sans pour autant avoir la chance d’y échapper. Cette lueur blanche frappe dans un bruit assourdissant le corps de mon fils. Il disparaît dans un nuage de cendre alors que moi, je suis propulsé en arrière. La chute est vertigineuse, je tombe. Le choc me coupe la respiration.


Toutefois, elle s’arrête nette quand une main vient attraper la mienne.

La lumière qui se dégage de cette étreinte ne me laisse aucun doute : ma Lune. Elle est éveillée. Réveillée comme tant d’autres par l’erreur commise par Phaéton. Il a cru pouvoir accomplir ma mission. Il m'en a menacé bien trop souvent sans que j’y prête attention. Aujourd’hui, c’est trop tard. Il n’est plus. Et le pincement que je ressens ne changera rien à ce qui m’attend.

Car, si Phaéton n’est plus, Zeus va tout de même vouloir punir le coupable.

Moi. Hélios, le dieu du soleil qui n’a pas su remplir sa mission.


Alors que mon ange aux ailes d’argent nous porte vers la salle du conseil. J’examine nos doigts emmêlés me demandant combien de temps il nous reste. C’est à notre entrée au cœur de l’arc des douze sièges que je perçois que l’atmosphère est électrique, elle est même orageuse. Les dieux choisissant peu à peu leur camp. Dans le tumulte de leurs pas et de leurs gestes, je capte le sourire sarcastique de celui que je nomme être mon ennemi.

Dionysos.


J’ai oublié depuis longtemps pourquoi il me voue une fureur si palpable, mais en ce jour, mon malheur le ravit au plus haut point. La chaleur qui émane de ma main liée à celle de ma Lune me ramène à elle. Nos regards se croisent et si le sien est plein d’espoir le mien essaie par tous les moyens de lui transmettre l’amour que j’ai pour elle. Peut-être est-ce nos derniers instants et mon seul désir est que Séléné ait conscience des sentiments que j’éprouve à son égard.


— Ma lune… tenté-je avant qu’elle ne me coupe la parole.

— Je sais. Moi aussi.


Nous n’avons pas le temps de poursuivre que le ton grave et autoritaire de Zeus nous force à nous tenir droits. Le silence s’élève sur l’assemblée. Un à un les dieux regagnent leur fauteuil. Le conseil peut enfin commencer. D’ailleurs, les idées pour me punir fusent toutes plus folles et éternelles les unes que les autres. Mais alors que la peur m’envahit, et que les doigts de Séléné se resserrent à m’en faire mal, le roi des dieux tape le sol avec sa foudre.

Ma sentence est choisie.


— Hélios, dieu du soleil. Ton fils n’est plus, mais par son acte irréfléchi la vie des hommes est en péril. Alors toi, le dieu qui leur apporte le soleil. Toi qui as pour mission de donner le jour à ces êtres de chairs. Toi qui fais fleurir la Terre quand tu brilles sur elle, éclore les plantes quand tu ris, tu es condamné à errer sur elle à l’égal des hommes. Tu perdras tes ailes et marcheras à leur côté.

— NON ! Vous ne pouvez pas ! Je ne vous laisserais pas faire ! Pas cette fois alors que vous avez créé l’éclipse pour nous !


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17 commentaires

Camille Jobert

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Il y a 5 ans

C'est triste ce que arrive à Helios ! Tout ça à cause d'un petit con qui n'a pas écouté son père 😠

Sandra MALMERA

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Il y a 5 ans

Oui, pauvre Hélios. 😥

Caro Handon

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Il y a 5 ans

Ce chapitre est super bien, tu nous dévoiles des personnages essentiels à la compréhension à ce que nous venons de lire. En revanche pour moi, j'ai une question et une remarque. Pour ma question, il s'agit plutôt de Séléné. Tu dis d'elle qu'elle a des ailes argentées, cela nous renvoie donc à ton héroïne, cependant, tu as expliqué avant que l'ange originel était Azylis. Je me demande donc pourquoi l'ange ici s'appelle Séléné (surtout avec le titre de ton chapitre) ? Le second point pour moi, c'est le moment où Phaeton subit la foudre de Zeus. Je pense que tu peux développer ce moment. Il perd un fils, peut-être son seul enfant, cela n'est pas à minimiser. Je trouve que l'on passe trop rapidement sur ce passage là. Nous n'avons pas non plus le ressenti de Séléné que tu pourrais transmettre via Hélios via un regard ou une expression sur le visage, quelques chose qui nous montrerait une réaction de la part de cette mère qui vient de perdre son enfant.

Sandra MALMERA

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Il y a 5 ans

Alors, justement l'histoire des identités est normale. Pour ce qui est de Phaeton, ce n'est pas le fils de Séléné et en plus, elle vient de s'endormir. De plus, ce sont des dieux et Hélios a d'autres enfants... mais je comprends ce que tu veux dire.

Sandra MALMERA

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Il y a 5 ans

Et justement l'origine... vient avant l'année 2518 où on découvre Azilys. 😊

Alec Krynn

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Il y a 5 ans

Quelle triste histoire, toi ça pour deux minutes de retard 😔

Sandra MALMERA

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Il y a 5 ans

deux pauvres petites minutes qui changent tout. 🤷🏼‍♀️

Senefiance

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Il y a 5 ans

Quelle scène grandiose ! On se sent définitivement petit😀. J ai hâte de lire ses aventures sur terre !

Sandra MALMERA

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Il y a 5 ans

Merci vraiment !

Marie-Eve Tries

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Il y a 5 ans

Histoire de Phaeton: il y a un magnifique tableau qui représente cela aux musées royaux des beaux-arts de Belgique, section Oldmasters. C'est une esquisse de Rubens pour la Torre Del Parada à Madrid. On peut reprendre les guidages, si vous avez besoin d'une visite guidée à Bruxelles, n'hésitez pas à m'envoyer un petit message. Je me ferai un plaisir de vous faire découvrir tout ça.
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