Scarlett Owens Et si c'était toi ? Le frisson de la peur

Le frisson de la peur

Elina, le jour du rendez-vous


- Voici ma carte, n’hésitez pas à me rappeler si vous avez des questions.


Voyant que je ne tendrai certainement pas la main pour qu’il puisse y glisser sa fameuse carte, l’homme la dépose sur la table devant moi avec une sorte de sourire contrit.

Je pense qu’il a très bien compris que je ne le rappellerai pas.

Et après cette rencontre catastrophique, sans doute s'en réjouit-il.

Quoique, si c'était vraiment le cas, il cesserait d'insister, non ?


Voici près de quarante cinq minutes qu’il m'expose les raisons pour lesquelles, selon lui, je devrais rejoindre sa société de production : rien de ce qu’il me dit ne m'intéresse, sa boite prétendument innovante est douteuse, il s’attribue tout le mérite d'idées avant-gardistes et originales qu'il a probablement piqué à de pauvres gourdes débutantes mais talentueuses qui auront cru à son baratin !


Ce type est pompeux et vaniteux !

Exactement le genre d’attitude que je ne supporte pas. Je n’ai aucune tolérance pour ces Mr-Je-sais-tout qui se croient supérieur à la terre entière et surtout aux femmes. Il ne m'a pas trompé une seule seconde, dès son arrivée dans ce bar, j'ai tout de suite décelé la fouine sous l'homme, la misérable grenouille qui se veut plus lourde que le bœuf * !


Arrivée un peu en avance à ce maudit rendez-vous, j’ai retrouvé Gabrielle devant le bar-café, qui m’attendait anxieuse. Elle était persuadée que je lui ferai faux-bond, comme les fois précédentes... Ce qu’elle ne savait pas, c'est que son discours de la veille m’a réellement reboostée, et ma conversation de ce matin avec Panda a fini de me convaincre qu’il fallait que je sorte de ma routine et que je regarde vers d’autres horizons.


Pas professionnellement ! Bien sûr que non. C’est hors de question que je change de job et d'entreprise. J’aime mon environnement de travail, j’y suis heureuse et épanouie et comme on le dit si bien, on sait ce que l’on perd mais on ne sait jamais ce que l’on gagne à aller papillonner ailleurs.

Mais sur le plan personnel, il est certain que je dois changer les choses.

J’avais des projets, avant... Je les ai oubliés.

Je me suis oubliée dans ce semblant de vie que je mène.

Tout cela est terminé, je ne me contenterai plus de si peu.

Je vais sortir, sourire à la vie et aux gens qui m’entoure. M’entourer d’amis et rire. Savourer les petits plaisirs que j’ai renié depuis quatre ans.


Prendre le temps de m’assoir à une table dans un café est l’une de ces choses simples que j’aimais faire avant. Je regardais les passants entrer et sortir et je leur imaginais une vie.

J’ai toujours adoré faire ça.

Observer leurs démarches ou attitudes et en déduire leur mode de vie.

Une jeune femme pas maquillée, coiffée d’une simple queue de cheval qui entrait en coup de vent pour se commander un café à emporter, était une jeune maman surbookée qui allait être en retard pour aller récupérer ses gamins à l’école.

Un homme en costard-cravate obnubilé par son téléphone était un avocat hautain et prétentieux parce qu’il ne prenait même pas la peine de lever les yeux de son fichu mobile pour dire bonjour à la serveuse qui lui faisait pourtant de l’œil...


J’ai toujours eu de l’imagination.

Un rien m’a toujours permis de m’évader.

Regarder le monde me manque.

Je ne m'en étais pas rendu compte avant, mais c’est pourtant le cas !


Ma vie est devenue terne, elle manque de couleur et de fantaisie. Gabrielle a raison.

J’ai laissé la honte et la culpabilité obscurcir mon jugement ... et mon avenir.

Madeleine a égayé ma vie un temps: elle m’a maintenue sur le rivage des beaux jours ensoleillés les premiers mois de mon arrivée ici. Mais à sa mort, même si j’ai cru m’en sortir, je me suis enfermée dans un cocon protecteur impénétrable et j'ai sombré...

Ma vie est devenue un film muet en noir et blanc, et j’ai tenu tout le monde à distance.


Je ne veux plus faire ça.

J’ai besoin de plus.

Je sais qui je suis, je sais d’où je viens et maintenant grâce à Panda, j’entr'aperçois où je vais.


C’est toujours dans ces moments où je me sens forte, où je me sens prête, que je me souviens d’un mot ou d’une phrase de Madeleine. Elle m’a dit tellement de choses... J'ai appris beaucoup auprès d’elle en dix petits mois, mais il a fallu que Gabrielle me remette les pendules à l’heure pour me rendre compte que j’avais bien besoin d’une mise à jour...

Je revois ma chère Madeleine me dire un soir, peu avant son décès :

“Peu importe ton passé, peu importe les pas ou les kilomètres que tu as parcouru... Promets-moi de ne pas ignorer l’amour quand il viendra sonner à ta porte. Promets-moi, Elina, de lui tendre les bras...Choisi-le. Choisi l’amour quand il se présentera à toi. Tout arrive si vite, et tout passe trop vite. Crois-moi, tu ne veux pas te retrouver seule à mon âge à vivre de regrets...”




J’ai promis ce soir-là. Cela lui tenait tellement à cœur que je lui aurais promis la lune pour l’apaiser. Et je me rends compte que j’ai failli rompre ma promesse...

J’ai une chance inouïe d’être aussi bien entourée, aussi bien conseillée.


Quand je suis arrivée devant elle tout à l’heure, je ressenti le besoin de remercier Gabrielle de m’avoir ouvert les yeux à temps, avant qu’il ne soit trop tard. Je l’ai donc prise dans mes bras. En lui ai murmuré un franc merci.

Après un bref temps d’hésitation où elle est restée les bras ballants, prise au dépourvue, elle m’a rendu mon étreinte, avant de s’écarter et de me faire un clin d’œil complice.


- Pas de quoi, trésor ! C’est maintenant que le plus dur est à accomplir. Mais vous n’êtes pas toute seule, ok ?


- Ok !


- Bien, alors entrons. Nous sommes un peu en avance, je vais pouvoir vous faire goûter à leur délicieuse tarte au citron meringuée. C’est un véritable délice !


- Oh non, merci mais je ne pourrais rien avaler...


- Tss-tss, pas de ça avec moi. Vous êtes là, avec moi DANS un bar, ça se fête ! Laissez-moi ce petit plaisir !


Et sans me laisser argumenter davantage, elle a passé son bras autour du mien et m’a guidé vers l’intérieur de l’établissement.

Bien sûr, elle avait encore une fois raison.

Non seulement la tarte était succulente mais en plus, un apport supplémentaire de sucre avant l’arrivée du fameux Mr Noiret ne fut pas superflu pour supporter tous ses ronds de jambes.


J’essaye de me reconcentrer sur la conversation en cours : il m’avait pourtant semblé qu’il était à deux doigts de prendre congé... C'est bien ce que font les gens quand ils tendent une carte de visite, ils disent "appelez-moi' et s’en vont, non ?

À mon grand désarroi, Gabrielle et lui semblent avoir trouvé un nouveau sujet de discussion...


Soupirant intérieurement, je balaye des yeux les autres tables du restaurant. Et les clients peu nombreux disséminés par-ci par-là.

Ce que je vois alors me glace le sang...




* "La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf" est la troisième fable du Livre I des Fables de Jean de La Fontaine. La fable dénonce tous ceux qui veulent se donner l’apparence qu’ils n’ont pas.

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18

18 commentaires

Princilia Daci

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Il y a 4 ans

Oh c'est panda ??? Elle le connait ?!!! En tout cas, tu gères super bien le mystère !

Scarlett Owens

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Il y a 4 ans

Merci 😊. Et Panda or not Panda ? 🤔 Peut être bien que oui, peut être bien que non !!! 😜

Mymy M. *Sakuramymy*

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Il y a 4 ans

Oh qui a t elle vu?

Scarlett Owens

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Il y a 4 ans

Je me le demande aussi 😜

cedemro

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Il y a 4 ans

Petit coup de pouce !

Scarlett Owens

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Il y a 4 ans

Merci 😊

Sissy Batzy

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Il y a 4 ans

Elle a revu une ancienne connaissance j'ai l'impression... tu as embarqué du thriller dans ta romance , bien vu !

Scarlett Owens

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Il y a 4 ans

👍☺️❤️

ArlyQuinn

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Il y a 4 ans

Panda ? Elle voit Panda ? Elle le connaît ? OMG,la suite, vite...

Scarlett Owens

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Il y a 4 ans

🔜 À suivre...
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