Fyctia
Silver 2/3
"- Les ogres c’est comme les oignons.
- Ça schlingue ?
Shrek - 2001"
Nous entreprenons nos tâches en silence ; avant cuisiner ensemble était une habitude. Dans la caserne, nous préparions à tour de rôle le repas de notre unité, chacun prenant plaisir à faire découvrir des recettes au reste de l’équipe ou de tester ensemble des extravagances culinaires.
Et puis dans l’intimité, Jackson adorait découvrir des plats du Costa Rica, il était rare que l’on dîne à l’extérieur ; donc cuisiner tous les deux, était habituel. Nous avions peu de temps libre et cela restait une activité que nous prenions plaisir à faire ensemble.
Replonger dans ces souvenirs me serre le cœur, je tente de chasser de mon esprit l’image de nous deux nous embrassant entre deux bouchées, ou de la viande carbonisée car nous avions étaient trop absorbés par nos étreintes pour prendre la peine de la sortir du feu.
De nos fous rire devant nos biscuits de Noël horriblement décoré. De verres de vin enchaînés, de dîners romantiques préparés.
Une larme s’échappe malgré moi et je la chasse d’un geste rageur.
-Tout va bien ? s’enquerre Jackson, qui comme à l’accoutumée est toujours trop attentif.
-Oui sûrement les oignons.
-C’est moi qui les coupe Silver, me rétorque-t-il les yeux rougis et les sourcils froncés.
-Tu sais bien que j’ai l’odorat développé, je le sens d’ici.
Il m’observe un instant, puis il murmure un ‘je sais’ à peine audible. Tout en secouant la tête il se concentre sur sa découpe.
-Bandit va bien ? demandé-je, histoire de changer de sujet. Parler de son chien ne semble pas être un terrain trop glissant. Même si l’évocation du canidé me rappelle notre première rencontre.
Un éclat de tendresse traverse son regard.
-Il va bien merci.
Cette conversation s’achève aussi vite qu’elle a commencé et le silence reprend ses droits.
Je ne saurais dire si c’est l’absence de bruit qui me gêne aujourd’hui, si je crains de ressasser le passé ou si malgré la haine que je devrais lui vouer une part de moi aimerait savoir qui est ce nouveau Jackson.
Depuis son retour dans ma vie, je me trouve tiraillée.
-Il te manque ?
Jackson relève la tête et me jauge, ce qui est de bonne guerre, depuis son arrivée, je n’ai pas pris la peine de lui demander des nouvelles ou de m’intéresser à lui donc mon ancien chef doit s’interroger de mes motivations.
Et à dire vrai, je me pose la même question.
-Oui, et New York aussi avant que tu ne poses la question, réplique-t-il piquant.
Il m’observe, calé contre le plan de travail, ses découpes étant terminées.
-Que fais-tu là, Jackson ? Tu n’as jamais aimé le cinéma, je lui demande perdue en m’essuyant rapidement les mains sur le torchon à côté de moi.
-Tu me l’as fait apprécier, contre-t-il, puis il soupire sachant que ce n’est pas ce que je souhaite entendre. Bien que sa confession m’ait provoqué un pincement au cœur, je n’en montre rien.
-Je n’ai pas eu le choix, le colonel qui gère mon district et le maire de New York me l’ont imposé.
-Qu’as-tu à y gagner ? demandé-je sceptique.
Son visage se tord dans une grimace de colère, il serre les dents puis lâche enfin.
- Ça ne te regarde pas vraiment. Pourquoi tu me fais la causette aujourd’hui ? Tu m’as clairement fait comprendre depuis le début que tu ne voulais pas de moi ici.
Son visage a rougi sous l’effet de la colère et le mien doit arborer la même teinte.
Il a raison certes, mais il ne peut pas occulter les raisons qui m’ont poussé à l’accueillir de la sorte. Je me suis montrée froide mais nos torts sont partagés.
Mon esprit me hurle que c’est lui qui a commencé et je tente de reléguer ma réflexion digne de la cour d’école en second plan.
Je ne sais quoi lui rétorquer, si j’ouvre les vannes des reproches que je possède à son encontre, je ne pourrai plus les refermer et cela fait deux ans que je tente de me défaire de cette histoire. Régler mes comptes avec lui ici est exclu.
Tyler arrive dans la cuisine, nous devons arborer des visages tendus, car il se fige sur le seuil et nous informe penaud, que tout le monde arrive.
Jack et moi, reprenons notre recette sans s’adresser la parole. Quelques cascadeurs déambulent dans la cuisine, faisant des commentaires sur l’aspect du plat, humant les odeurs ou bien encore nous relatant ce que nous avons manqué.
Les acteurs et le reste des techniciens patientent dans la grande salle de pause, le brouhaha des conversations et quelques éclats de rire nous parviennent.
Andy est le seul à se joindre aux doublures, il m’adresse un sourire en entrant dans la pièce puis se positionne à côté de Tyler.
J’avais minimisé la complexité de faire à manger pour autant de monde, finalement heureusement que Jackson a proposé son aide, car sans lui je serais encore en train d’émincer des oignons.
Je transvase les préparations dans les poêles afin de faire revenir la viande et les légumes ensemble et sans que je ne parle, Jackson se matérialise à mes côtés et m’aide à tenir les plats me facilitant le transvasement.
Comme pour le riz et les assaisonnements, je n’ai pas à ouvrir la bouche qu’il a déjà anticipé tout ce que je m’apprête à faire.
-On dirait que vous avez cuisiné ensemble toute votre vie, s’esclaffe Tyler.
Nous nous raidissons et nos traits se figent ostensiblement, puis j’offre au double d’Andy un petit rire forcé.
Les garçons portent les plats afin de les installer sur les réchauds de la salle de pause.
Je reste en arrière soufflant de soulagement.
Mon ami, qui attend à mes côtés, me sonde du regard, je lui fais un sourire encourageant et nous nous dirigeons ensemble au déjeuner.
7 commentaires
KatyLina
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Il y a un an
Jane--Ice
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Il y a un an