Fyctia

"- Salaud, ça fait des mois que je te cherche !

- Mais oui, mais écoute j’ai préféré disparaitre comme ça, tout doucement sans faire de bruit…

- Eh bien moi j’aime le bruit tu vois. Le bruit des pas dans l’escalier, de la sonnette, des cris, du verre brisé, c’est tellement beau une scène de rupture ! la boum 1980"

Mars 2002

Dans mes pensées, je fixe anxieux la caravane ou nous avons laissé Silver, quelques minutes plus tôt.

Le golden boy se trouve toujours à mes côtés, mon profil me brûle, son regard reste rivé à moi.

Mais je ne lui accorde pas d’attention, trop concentré sur elle, obnubilé par nos retrouvailles.

Deux ans, depuis que nous étions quittés, pourtant je n’ai oublié aucun de ses traits, bien plus petite que moi, ses longs cheveux bruns qu’elle a dû nouer hâtivement forment un chignon désordonné.

On aurait pu lui donner le bon dieu sans confession, un visage de poupée, des traits fins, des grands yeux couleur noisette, un sourire qui dessine des fossettes au creux de ses joues.

Mais la petite brune ne possède que les airs d’une poupée, elle cache un tempérament de feu sous ses airs innocents. Elle a pour habitude de ne pas mâcher ses mots et d’exposer à tous, ses pensées. Et j’en ai fait les frais plus souvent qu’à mon tour.

Mais c’est ça qui me plait chez elle. Enfin, qui m’a plu. Oh, bordel, je ne parviens pas à faire le tri.

Son physique semble être le même, le teint un plus halé peut-être, la Californie offre cet avantage, la vitamine D s’emmagasine plus vite qu’à New York. Seul son regard parait différent, ou peut être seulement celui qui m’est destiné.

Sentant que l’acteur me jauge toujours, je me décide enfin à lui faire face.

Ses bras sont croisés et ses mâchoires serrées.

-Sacré coïncidence quand même ! crache- t-il.

-Je ne suis pas sûr de comprendre ?

-Des pompiers, on en a aussi à L.A ! Donc pourquoi vous ? questionne-t-il dédaigneusement.

-Il faudra voir ça avec votre patron.

Je ne lui accorde pas plus d’attention, s’il a quelque chose à redire sur ma présence, qu’il s’adresse à Boggs, mais s’il a des doléances, j’en ai davantage !

Nos façons de nous répondre suintent l’agressivité, revoir Silver déclenche tout un tas de sentiments en moi, ma mâchoire me fait souffrir, et j’ai clairement envie d’être ailleurs. Donc petit conseil, qu’il ne me cherche pas de trop cet idiot.

-Je vous ai à l’œil en tous cas ! ajoute-t-il en s’approchant de moi.

Andy est grand certes, mais, pas autant que moi. Je possède au moins cet avantage de mon côté.

Nous nous fixons en silence, pourtant notre langage corporel hurle à la confrontation, une main se pose soudain sur mon torse, je baisse les yeux, Silver se trouve entre nous. Depuis quand est-elle sortie ?

Elle ne me regarde pas, contrairement à moi qui scrute ses mouvements, puis lâche.

-Messieurs, un peu de tenue, reprenons notre travail.

De la tenue ? Je manque de m’étrangler tant ce qu’elle vient de prononcer est risible.

Elle m’a cogné une heure auparavant alors pour la tenue on repassera.

Sil se faufile entre nous, le contact de sa main plane furtif, pourtant je une chaleur où ses doigts m’effleurent.

Nous nous tenons toujours face à face avec le blond, la brunette nous dépasse, attendant qu’on lui emboîte le pas.

Je secoue la tête puis embraye.

-Silver, avant d’y retourner il faudrait qu’on parle tu ne crois pas ?

J’entends vaguement, Andy grommeler mais Silver se stoppe, se retourne et m’offre un sourire que je sais factice.

-Tu as deux minutes, suis-moi.

Elle adresse un hochement de tête à l’autre homme puis, se dirige au travers des décors du film sur lequel nous allons travailler.

Encore une fois, nous nous trouvons dehors.

Tout à l’heure quand je l’ai surprise dans les bras de l’acteur, une douleur a envahie ma poitrine. Pourtant je n’en ai pas le droit.

Nous sommes tous deux passés à autre chose.

Sil ne me regarde toujours pas dans les yeux et je m’en trouve frustré.

D’un geste elle passe une main dans son dos, pour en sortir un paquet de cigarette et en allumer une.

Je l’observe sidéré .

-Depuis quand tu fumes ?

Elle darde son regard sur moi, elle rougeoie de colère.

-Depuis toi !

Puis elle se remet à fixer l’horizon avant de reprendre.

-Tu en veux une peut être ? demanda-t-elle narquoise

Je souffle par le nez , elle connait mon aversion, qu’elle partageait aussi, pour cette merde.

-Non merci, j’inspire avant de reprendre. Silver, je sais, que j’aurais dû te répondre mais … Je m’interromps, quoi dire, aucune excuse ne peut adoucir mon geste.

-Tu m’as fait sortir pour ça ? Tu ne l’as pas fait. Il n’y a rien à dire Jackson. Faisons ce qu’on attend de nous, comportons-nous en adulte. Une fois ce film fini, tu reprendras ta vie, et moi la mienne.

L’entendre m’appeler par mon prénom, est douloureux autant qu’agréable.

-Sil je…

Elle m’interrompt.

-Contente que nous ayons éclairci ce point, elle jette son mégot expulse la fumée et ajoute, mon équipe attend !

Puis elle me planta là.

Cette collaboration s’annonce compliquée, je demeure fautif certes, mais elle ne me laisse pas vraiment de chance.

Silver passe le reste de la matinée à m’ignorer superbement, m’expliquant que pour aujourd’hui l’observation représente ma seule activité. Je me doute que Sil ne va pas me faire une place dans son univers, mais cette mise à l’écart me serre le cœur.