Fyctia
Silver 2/3
"La mort a une curieuse façon de faire le tri parmi les priorités.
Pirates des Caraïbes, jusqu’au bout du monde - 2007"
Trois jours, nous sommes le 14 septembre, j’observe la ville de Los Angeles à travers ma vitre, les gens disposent à l’extérieur des bougies, des mots, des peluches, des fleurs et des photos.
Les appuis de fenêtres et les seuils des portes ressemblent à des autels funéraires, faisant augmenter mes angoisses.
Je prends mon courage à deux mains, en téléphonant à ma mère.
Elle décroche rapidement -Silver ?
Je souffle heureuse de l’entendre, même si une autre voix qui me manque.
- Maman, tu pourrais te renseigner pour moi s’il te plait ?
-Bien sûr, chérie à quel sujet ?
-J’aurais aimé avoir des nouvelles de mon ancienne unité …
-Qui as-tu contacté ? me demande-t-elle prestement
Je fronce les sourcils devant son ton.
-Et bien j’ai essayé de contacter mon ancien chef mais pas de nouvelles.
Un silence s’installe, je déteste ça.
-Maman je sais que tu n’approuvais pas mon travail, mais je veux juste savoir s’il est … S’ils sont vivants. Je …un sanglot s’échappe de ma gorge.
Ma mère souffle.
-Bien Silver, je vais voir si quelqu’un sait quelque chose sur ton ancien chef.
-Jackson Novak, je ne sais pas dans quelle caserne il a été affecté après mon départ, mais c’était une de New York.
Ma mère promet de se renseigner puis raccroche.
Je me laisse glisser le long du mur, posant ma tête entre mes jambes et laissant le flot de tristesse me submerger.
Quatrième jour. Le néant. Rien. Pas de nouvelles, ni de lui ni de ma mère.
Je repense à mes derniers moments dans le New Jersey. Est-ce une bonne idée de se replonger dans cette partie-là de ma vie ? Je me suis juré de tout laisser derrière moi, mais cet attentat remet les choses en perspective.
Pas de message sur mon bipeur, pas d’appels sur mon portable ni sur ma ligne fixe.
Les heures et les jours défilent, cependant rien n’a d’importance, la seule chose que je désire c’est d’entendre à nouveau sa voix.
Je devrais dû le haïr, son sort devrait m’être indifférent, pourtant je n’y parvins pas. Comment peut-on aimer quelqu’un à ce point, alors qu’on sait pertinemment que l’on ne représente rien à ces yeux ?
J’ai vraiment peu d’estime pour ma personne, et je suis prête à faire fit de tout ce qui s’est passé juste pour savoir s’il va bien. Pathétique !
Cinquième jour. Prostrée en boule sur mon canapé, je n’ai plus la notion du temps, heureusement que je vis seule, car je dois faire peine à voir.
Mon portable se met à sonner et mon cœur se gonfle d’espoir. Je me redresse vivement, j’avise du nom de l’appelant, ma mère. Peut-être a-t-elle des nouvelles ? Je me lève du canapé, et fais les cent pas tout en décrochant.
Ma voix éraillée à force de pleurer et de garder le silence fait peine à entendre.
-Maman tu as des nouvelles ? Il va bien ?
Un silence accueille mes questions et l’espoir ressenti un instant plus tôt laisse place à la douleur.
-Bonjour Silver, je suis désolée…
J’essaye de me contrôler, peut-être n’a-t-elle rien trouvé tout simplement.
-Tu es désolée parce que tu n’as pas eu l’information ? s’il reste un infime espoir, je ne dois pas m’affoler maintenant.
-Ma chérie, concernant ton ancienne unité à Newark, il n’y a pas de pertes à déplorer. Ils offrent leur assistance maintenant à l’île de Manhattan.
Je suis soulagée mais je me sens coupable le seul dont le sort m’importe, reste le sien. Je tente de prendre un air détaché, comme personne n’est au courant de ce qui s’est passé.
-Ah tant mieux. Et concernant mon supérieur Novak, sur New York ?
Eléonore pousse un soupir. Son mode de dialogue favori avec moi.
-Silver, ils sont en train de panser leurs plaies et la liste des pompiers ayant péris courageusement s’allonge. Ceux qui sont sortis des bâtiments vivants, décèdent à l’hôpital donc…
Je la coupe.
-Ne tourne pas autour du pot, s’il est … un sanglot m’empêche de poursuivre, il ne peut pas avoir péri.
-Je suis désolée Silver… Je raccroche, et glisse le long du mur.
D’avoir la confirmation que je redoute me plonge dans un état proche de la folie.
J’ai envie de hurler mais aucun son ne sort de ma bouche. Je verse un torrent de larmes, je ferme les yeux pour essayer d’endiguer le flot mais son visage m’apparait.
Comme si tout ce temps passé sans lui, à lui en vouloir n’a pas eu lieu.
J’aurais pu contacter ses frères ou son père, mais je ne connais ni leurs adresses ni leurs numéros.
Je reprends mon téléphone et compose son numéro. Je sais qu’il ne va pas décrocher mais je vais avoir au moins la chance de l’entendre. Je tombe sur le répondeur, et écoute sa voix. Puis celle d’une opératrice annonçant que la boite est pleine.
Je recommence mon manège un nombre incalculable de fois. Et à chaque fois mon cœur se brise davantage. C’est ridicule et complétement inutile, mais sa ligne va être coupée alors je profite de ça, essayant de graver son timbre de voix dans ma mémoire.
Je ne sais pas comment mon corps peut produire encore des larmes, mais je déverse un flot ininterrompu de torrents salés.
Des coups assourdissants résonnent dans tout l’appartement. Quel jour sommes-nous ? J’ai dû m’endormir où j’étais, c’est-à-dire par terre sur le tapis. Sous une montagne de mouchoirs. Charmant.
Qu’est-ce que c’est que ce vacarme ? Mon cerveau assimile enfin l’information et la traite. Quelqu’un toque à ma porte. Hors de questions que j’aille ouvrir. Que je vois quelqu’un. Je n’en n’ai pas envie, et pas la force surtout.
Je rabats le plaid sur moi, sans prendre la peine de me mettre sur le canapé. Je ne ressens presque aucune sensation, le confort est devenu une notion abstraite.
La seule certitude que j’ai, c’est la douleur que je ressens au fond de ma poitrine. Ou plutôt la sensation d’avoir un trou béant.
J’ai cru que mon cœur avait définitivement pris la tangente avec mon départ de Newark et toutes les décisions que j’ai dû prendre. Mais apparemment, il subsiste une partie de mon organe, j’aurai tellement voulu ne pas ressentir cette douleur, que tout s’arrête, être détachée de son sort, mais non.
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Livre_e
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Alexenrose
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