Natia Kowalski Et que tombe la neige... Chapitre 15 : Stéphane🕯️

Chapitre 15 : Stéphane🕯️

Église Saint Pancrace - Salon funéraire


Olivia glisse son bras sous le mien et nous montons les escaliers jusqu'à atteindre le parvis de l'église. Il est presque dix heures trente, et avant la cérémonie religieuse, nous devons assister à la mise en bière.


Ma femme me surveille du coin de l'œil, comme le lait sur le feu. L'image me fait doucement sourire. Elle me rappelle ma mère et ses crèmes au chocolat, qu'elle préparait chaque dimanche. C'était mon dessert favori pour le goûter quand j'étais enfant. Je la revois encore, avec son tablier à fleurs, tourner à la louche les grumeaux de lait qu'elle voulait à tout prix éviter. Parfois, elle me mettait sur un tabouret et je pâtissais avec elle, nos deux mains serrées ensemble faisant le même geste. Dans le sens des aiguilles d'une montre.


Nous marchons lentement vers le salon funéraire. Maman est déjà prête à être installée dans son cercueil. Elle est vêtue de sa belle robe blanche parsemée de coquelicots. Celle qu'elle aimait tant. Je voulais simplement lui déposer un dernier présent. Dans ma poche, le collier de perles en nacre, que j'ai pris ce matin dans son coffret à bijoux, se fait plus lourd et la prise de ma femme sur mon bras se resserre.


Dans ses prunelles brunes, je lis son soutien mais aussi, par-dessus tout, cette force que je respecte et dont elle m'imprègne chaque jour de mon existence. Olivia est une bougie. Celle qui me guide dans les instants les plus sombres de ma vie. Notre flamme a quelquefois vacillé au cours de notre relation, mais jamais elle ne s'est éteinte.


Son regard sur moi ne faiblit pas, et je prends une profonde inspiration. Une odeur d'encens embaume les lieux et une gerbe de fleurs, dans des tons blancs et rosés, les couleurs préférées de maman, est posée près de la porte.


Nous sommes les premiers à entrer dans le salon funéraire, suivis de mon frère et de sa femme. Les enfants rendent leurs hommages au défunt, ensuite viendront les petits-enfants : Clément, Capucine et Géraldine. Benjamin, à dix-sept ans, n'a pas souhaité, la mort étant un concept trop angoissant pour un adolescent. Quant à Bastien, il est encore bien trop jeune. Miles et Marie, les compagnons des petits-enfants sont invités à les attendre à l'extérieur de la pièce. Je sais que Clément n'a pas apprécié cette règle, et je dois avouer que je n'étais pas spécialement pour non plus, mais je respecte la volonté de mon frère.


Lors d'un tel moment, il est préférable de comprendre les attentes et les émotions de chacun et, bien que mon frère conserve cet aspect autoritaire, les lèvres serrées par le chagrin, il est très affecté par la perte de notre mère. Ce matin, il m'a demandé s'il pouvait lire quelques mots en son honneur et, dans ses rétines chargées d'un brouillard opaque, j'ai lu toute son émotion. Le petit garçon qui sautillait sur les genoux de maman est toujours là, au fond...


Mon regard croise celui d'Armand alors que l'air se rafraîchit soudainement. Tout mon corps se tend. Ma mère est là, dans ce cercueil en bois. Je la vois pour la dernière fois. Elle est droite, digne, parfaitement maquillée ce qui sublime son visage ridé par le temps, et un sourire tendre vient éclairer mes lèvres tandis que je m'avance lentement pour lui prendre la main. Elle est glacée, et je l'entoure des deux miennes pour la réchauffer. Olivia s'est reculée, comme pour me laisser la place de faire mes derniers adieux à l'un des êtres que j'aime le plus au monde.


Maman.


Église Saint Pancrace - La nave


Le cercueil est installé devant l'autel de l'église. Il est ouvert et une trentaine de roses sont disposées sur une petite table ronde à sa gauche, pour l'hommage rendu à la fin de la cérémonie religieuse. Le prêtre va commencer son office. Mon souffle est suspendu à ce moment. Le silence, observé par toutes les personnes présentes, est puissant. On entendrait une mouche voler, disait souvent maman.


Elle aurait ri, juste pour pouvoir le briser. Ma mère ne supportait pas beaucoup le silence, sauf quand elle venait prier. Il fallait qu'elle bavarde, qu'elle discute, qu'elle bouge. Sans cesse. Et j'observais ce petit bout de femme s'agiter, jardiner, cuisiner, ranger, tricoter, dans toute la maison. Jusqu'à la fin de sa vie, elle a été ainsi. Dynamique, énergique, vivante.


Ma gorge se serre alors que le prêtre nous invite à nous asseoir sur les sièges de la nave de l'église. Armand, Fabienne, Olivia et moi sommes au premier rang. Sur ma gauche, je sens mon frère se redresser, comme si ce simple geste lui permettait de se ressaisir. À ma gauche, ma femme croise les mains sur ses genoux pour les empêcher de trembler. Mon attention se recentre sur le prêtre, sur son habit religieux. Il a une tache sur le col blanc. Ma pensée, impromptue et hors contexte, est interrompue par la voix de l'homme de foi qui s'élève et résonne dans l'église.


— Chers frères et sœurs, nous sommes réunis aujourd'hui dans la maison de Dieu pour rendre un dernier hommage à Claudine, que le Seigneur a rappelée à Lui. Nous venons dans le silence et la prière, portés par notre foi, pour lui confier son âme, afin qu'elle repose en paix, et pour accompagner ceux qui restent dans leur peine.


Il poursuit, alors qu'un vide, immense, se forme au creux de ma poitrine. Derrière moi, j'entends Capucine renifler discrètement. Fabienne, assise près d'Armand, essuie une larme qui roule sur sa joue pâle. Je ferme un instant les yeux. Tout, autour de moi, n'a plus d'importance. Je suis entièrement dévoué à cet instant, ce recueillement. Il ne reste que la voix du prêtre qui continue à résonner et à vibrer dans mes tympans.


— La mort n'est pas une fin, mais une transformation. Dans les Évangiles, Jésus nous dit : "Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra". Nous croyons en cette promesse et nous nous remettons à la miséricorde infinie de Dieu, confiant que notre bien-aimée Claudine trouve auprès de Lui la paix éternelle.


La paix éternelle, oui.

J'espère qu'elle la trouvera en compagnie de ma belle Alice, partie trop tôt.

J'espère qu'elles prendront l'éternité pour se raconter tout ce qu'elles n'ont pas eu le temps de se dire, de se confier. Je sens une larme, une seule, s'échapper et venir dévaler les vallons creusés par les rides, mourir sur ma mâchoire. Je ne l'essuie pas. Elle restera là, symbole de mon amour pour elles.


— Nous vous invitons maintenant à prendre un instant de silence pour rendre grâce pour la vie de Claudine, pour les souvenirs partagés, et pour l’amour qu’elle a semé autour d’elle. Prions ensemble pour elle et pour toute sa famille.


Je joins les mains devant moi, et je prends un moment pour faire face à mon deuil.

Tu vas me manquer, maman.

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27

27 commentaires

Emilie Hamler

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Il y a 3 jours

Bah tu m'as mis larmichette quoi. Bravo pour ce chapitre qui a dû être si dur à écrire. C'est chouette de l'avoir fait dû point de vue de Stéphane ! C'est touchant, triste mais sans tomber dans le pathos !

Natia Kowalski

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Il y a 3 jours

Ooooh merci beaucoup, ravie que ce chapitre ait pu émouvoir ! 💖 Oui, il n'a pas été facile, c'est clair mais je ne voyais personne d'autre que lui pour cette scène 😔

Leroux Ophélie

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Il y a 4 jours

C'est toujours difficile d'écrire ce genre de chapitre et je trouve que tu t'en tire très bien

Natia Kowalski

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Il y a 4 jours

Oui totalement, l'émotion était présente en l'écrivant 🥺 Merci 🥰

Scriptosunny

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Il y a 7 jours

L'idée que tu as eu de faire des points de vues sur (tous ?) les membres de la famille est géniale. On ressent vraiment les émotions de chacun au plus près. Ta plume est sublime, tout se lit avec facilité et surtout, c'est émouvant 🥹♥️

Natia Kowalski

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Il y a 7 jours

Oh merci beaucoup, ça me touche énormément♥️ Je ne sais pas si j'aborderai tous les points de vue (j'hésite encore pour Armand et Marie notamment) mais j'y réfléchis sérieusement💖 Des moments un peu plus "caliente" et humoristiques sont en cours d'écriture pour éviter de trop pleurer🤭

Mayana Mayana

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Il y a 8 jours

Tout est tellement bien retranscris dans ce chapitre... 🖤🥺 Je ne m'attarde pas

Natia Kowalski

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Il y a 8 jours

Merci, désolée pour ce petit moment de blues ❤️

Lys Bruma

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Il y a 10 jours

Ce chapitre est tellement touchant 🤍🤍🤍

Natia Kowalski

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Il y a 10 jours

Merciii ❤️
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