Fyctia

When the party's over

Billie Eilish

Après être passés par l’attraction de la “Dame Lune” qui envoyait de l’eau dans les airs afin d’éteindre nos wagons lumineux, nous essayâmes le “Diablisse” qui représentait un mélange un peu vague de démons et de sucreries. D’après l’agent du manège, cela était apparemment un moyen efficace pour mettre en garde les enfants contre les folies du sucre. J’avais dû rater la partie “mise en garde” du manège puisque je venais justement de leur acheter à tous des sucettes. 

Oh et puis s’ils voulaient vraiment faire attention à la santé de ces pauvres enfants, ils n’avaient qu’à disposer moins de magasins tentants un peu partout dans le parc ! 

Je savourais tranquillement ma sucette, le sourire aux lèvres mais ça… C’était avant de me rendre compte qu’il manquait quelqu’un !

Cette pensée eut le don de me ramener à la réalité et mon sang se glaça. Je recomptai mon petit groupe et observais les visages des enfants un à un. Je ne m’étais pas trompée, Salma n’était plus là. 

“ Joachim, où est passé Salma ? Chuchotais-je dans le but de ne pas affoler les enfants. 

– Je… Je ne sais pas.”

Lui aussi venait de se rendre compte de la disparition de son amie. Je posais alors la même question à Iris qui ne m’apprit pas davantage de choses. J’envoyais alors un message à Gwen qui en apprenant la nouvelle, rappliqua aussitôt, accompagnée de Sarah. La revoir ne fit que renforcer un peu plus le nœud déjà présent dans ma gorge mais ce n’était pas le moment d’y penser. 

“S’il arrivait quoi que ce soit à Salma, je ne me le pardonnerai jamais...” Chuchotais-je inlassablement. 

Je n’arrivais pas à dire quoi que ce soit d’autre. Seul son nom et un cri de pure souffrance résonnait dans ma tête. Était-ce le souvenir de mon propre cri ou la culpabilité qui me faisait imaginer celui de Salma ? Je n’étais plus sûre de rien. Le regret m’étreignit le cœur d’une telle force que j’en eu le souffle coupé. Je tentais vainement de reprendre ma respiration. J’entendis faiblement Sarah m’intimer de m'asseoir. Mes jambes tremblantes s’effondrèrent. 

Putain Hazel, ressaisis toi, c’est pas le moment de t’évanouir !

Je me forçais à sortir du brouillard dans lequel la panique m’avait plongé. 

“Ok Ok Hazel, respire. J’ai besoin que tu fasses cela pour moi d’accord ? Elle ne peut pas être bien loin. Je suis sûre qu’elle est en sécurité, c’est une petite fille intelligente.”

Et je la crus.

Parce que bizarrement, avec elle près de moi, je n’avais plus peur. Et ce constat acheva de me redonner le courage dont j’avais besoin. 

Ensemble, nous traversâmes l’entièreté du parc d'attractions sans jamais cesser de crier son nom. Mes yeux étaient à l'affût, cherchant le moindre mouvement suspect. Je peinais à me concentrer sur ce que Sarah était en train de raconter. J’avais conscience qu’elle essayait de me détendre mais cela ne marchait tout simplement pas. J’avais BESOIN de voir de mes propres yeux que Salma allait bien et de l’entendre me le dire de sa propre bouche. 

Sarah soupira lourdement en me tirant par le bras, m’indiquant de m’arrêter.

“Écoute Hazel, rien de tout ça n’est de ta faute et…

-Bien sûr que si, répliquais-je. Tous ces enfants sont sous ma responsabilité et je me DOIS de prendre soin d’eux. J’ai mal fait mon boulot et c’est de ma faute si tu es obligée de rester avec moi. Toute cette situation est de ma faute !” Criais-je, les larmes aux yeux.

Soudainement elle me prit dans ses bras et enfouit son visage dans mon cou. Abasourdie, je refermais doucement mes bras autour d’elle. Son corps si chaud et son odeur sucrée étaient tellement réconfortantes. Même si le chagrin était toujours présent… Il me paraissait plus doux et ma culpabilité me paraissait moins lourde à porter.

Au moment même où je me séparais d’elle, j’entendis mon nom crié au loin suivi de longs sanglots. 

Salma. 

Je tournais la tête d’un coup sans chercher à en savoir plus. Elle courut vers moi, le visage plein de larmes. Je la pris dans mes bras et cherchais la moindre petite blessure.

“ Salma, est-ce que tu vas bien ?!

- Pardon, je ne… Ne voulais pas autant m’éloigner, je vou… Voulais seulement aller voir les bonbons et… Et je me suis… suis… Suis perdue….

- Non non, ne t’excuse pas, c’est à moi de te demander pardon.” Lui dis-je tout en essayant ses larmes du bout des doigts.

Son petit corps tremblait et je l’amenais près d’un muret où je la fis s’assoir. 

“ Salma, est ce que tu peux me promettre de ne plus t’éloigner s’il te plaît ? La prochaine fois que tu voudras aller quelque part, je t’accompagnerai d’accord ? 

– Je te le promet, dit-elle, le visage maintenant dénué de toutes larmes.

– Et en plus comme ça, tu pourras partager ces souvenirs avec tes amis, c’est toujours plus sympa quand on est plusieurs !”

Je pris sa main dans la mienne et ensemble, nous rejoignirent Sarah et Gwen qui arrivaient avec les enfants. Joachim et Iris se jetèrent sur Salma qui ne savait plus où donner de la tête.

“ Doucement les enfants, les prévint Gwen, laissez là un peu respirer.”

Ils voulurent s’écarter mais Salma les retint contre elle. Joachim rougit violemment tandis qu’Iris jouait avec les cheveux de sa meilleure amie. Pas de doute, Salma leur avait fait peur aussi !

Heureusement pour nous, Salma n’était pas restée seule très longtemps, à peine quinze minutes. Qui sait ce qu’il lui serait arrivé si nous n'avions pas été si proches d’elle ? Je secouais la tête, préférant ne pas y penser. 

“ Merci au fait, murmurais-je en me rapprochant de Sarah. Tu m’as été d’une grande aide et sans toi, j’aurai sûrement encore plus perdu mes moyens que tout à l’heure.

– Ne me remercie pas, tu n’en as pas besoin. J’aimerai juste savoir… Fais-tu souvent des crises de panique aussi violentes ?”

Mon sourire s’éteint et une boule de peur prit place dans mon estomac. 

Pouvais-je vraiment lui révéler que oui, je ne pouvais pas dormir à cause de tous ces cauchemars et surtout… Pouvais-je vraiment lui révéler la raison dont j’avais si honte ?

Me voyant hésiter, elle posa une main rassurante sur mon épaule.

“ Tu me le diras quand tu seras prête et à ce moment ci, je serais là pour t’écouter”.