Fyctia

Facing West

The Staves

L’heure des adieux arriva et sans plus réfléchir, j’enlaçai mon grand-père de toutes mes forces.

“Tu vas me manquer Grand-père, je ne suis pas restée très longtemps mais ces deux jours en ta compagnie ont été les plus beaux.

– Ma chérie, moi aussi je suis triste de te voir partir aussi tôt mais je te sais près de moi, à seulement une heure de route. Sache que si tu as un souci, que tu as besoin de moi ou que tout simplement, tu as envie de revenir, n’hésite pas. Ma porte te sera toujours ouverte, quoi qu’il arrive.”

Son discours était si attentionné qu’il m’en fit couler les larmes, j’avais toujours été sensible et ce n’était pas devant ce genre de paroles que j’allais rester de marbre…

Il me serra dans ses bras une dernière fois avant de s’en aller, me laissant, moi et ma valise aux portes d’un nouveau chapitre.

Comme le jour précédent, je me rendis à l’accueil pour m’enregistrer, cette fois ci définitivement. Il était encore tôt et les enfants n’arrivaient que l’heure d’après alors je pris mon temps pour déballer mes affaires. La tente n’était pas gigantesque mais elle était très bien équipée avec deux lits et armoires dans chaque coin. Je testais le moelleux matelas d’un doigt… Et décidais que cela ferait l’affaire pour l’été. Je déposais une photo de mes parents sur ma table de chevet avant de ranger mes vêtements un par un dans un ordre que l’on pourrait décrire comme confus ou… bancal. Gwen avait elle-même déjà installé ses affaires et avait commencé à éparpiller ses affaires aux quatre coins de la chambre. J’étais décidée, nous allions très bien nous entendre !

La chaleur commençant à s'accentuer, je décidais de me changer et ce n’est qu’en sortant de ma nouvelle chambre pour aérer que je remarquais ma tenue de la journée déposée à même le sol.

Ça les dérangerait de ne pas poser les habits directement dans la terre ?!

Après les avoir épousseté, je découvris avec stupéfaction le slogan inscrit dessus :

“ Ce n’est pas parce qu’on ne mange pas les enfants qu’on ne les aime pas !”

Charmant…

J’espérais que c’était juste une mauvaise blague de la part de mes collègues car il était totalement hors de question que je porte cela devant les enfants, c’était le meilleur moyen de faire une mauvaise première impression. Je ne revêtit donc que le short ( sans qu’il n’y ait d’écriture particulière cette fois-ci heureusement ) et pris un tee-shirt dans mon armoire dans les tons rouges. Et oui, j’avais beau de pas vouloir porter l’affreux tee-shirt de la colonie, ce n’était pas pour autant que je ne devais pas respecter les couleurs officielles. Je croisais cependant les doigts pour que l’on m’autorise à m’habiller autrement qu’en rouge durant les futures semaines car je n’avais pas non plus un choix immense de tee-shirts de cette couleur. Je ne m’embarrassais pas de maquillage autre que l’habituelle simple couche de mascara et nouais les lacets de mes baskets.

Les bus n’allaient pas tarder à arriver et je me hâtais alors de rejoindre le groupe d’animateurs. Je fus soulagée quand je ne vis personne porter la soi- disant tenue. Il n’avait pas dû plaire ! Du moins, c'était ce que je pensais avant de me rendre compte que Luc n’avait pas résisté à la tentation de mettre le sien. Je me rangeais aux côtés de Sarah non sans lui demander :

“Est ce que ces t-shirts sont les uniformes officiels de la colonie ?

- Pas du tout, s’exclama-t-elle, ce n’est qu’une blague de Zachari pour les nouveaux, il ne s’en lasse pas ! Il change juste de slogan tous les ans, j’ai moi même eu le droit au mien…

“ Les enfants ne crient pas parce qu’ils sont heureux mais parce qu’on leur court après.”

Cela eu le don de me faire éclater de rire !

“ C’est un peu ma tradition, mon rituel pour les nouveaux avant que je ne puisse plus venir travailler ici dans le but de vous divertir ! Ajouta Zachari en nous rejoignant.

Et le pauvre Luc qui venait de comprendre son erreur m'adressa un sourire construit auquel je répondis par un “ Dépêche toi d’aller te changer, il ne faudrait pas que la directrice te voit.”

Il ne se fit pas prier et partit en courant, les joues rouges de honte. Il avait vraiment l’air d’être un gentil garçon, encore timide mais qui avec le temps, devrait réussir à converser un peu plus avec nous. Il n’avait en aucun cas l’air fragile ou faible, c’était l'exact contraire : persévérant et courageux. Étant moi même réservée, complexée et introvertie médaillée, je ne pouvais que comprendre ce que cela faisait que de se retrouver d’un seul coup entouré d’inconnus et de devoir les côtoyer chaque jour tout en essayant de créer des liens. Je savais ce que cela faisait de se faire discriminer ou mis de côté pour sa personnalité. Enfin ça, c’était ce que se plaisaient à dire les misérables personnes qui osaient se servir de la méchanceté gratuite… Et comme dirait mon meilleur ami : “Il n’y a bien évidemment aucune raison qui justifie la discrimination !” Si ces critiques nous avaient tous amené à un moment de notre vie à penser que nous étions différents, j'avais fini, moi, par me dire qu'il était normal de l’être et que ces personnes faisaient juste tout ce qui était en leur pouvoir pour cacher cette différence et prétexter une ressemblance.

Mais si Luke avait choisi cet endroit c’était sûrement car il cherchait à se dépasser, à combattre ses peurs. Non pas pour prouver à tous ceux qui l’avaient critiqué qu’ils avaient tort mais pour se prouver à lui-même qu’il avait raison. Cela n’avait beau être d’une déduction, cette pensée me fit sourire à pleines dents.

Les bus arrivèrent et une horde d’enfants en sortirent, tous plus excités les uns que les autres d’être arrivés en terre inconnue. Je ne tardais pas à appeler par leur prénom chacun des enfants dont j’étais la responsable. Je prenais très à cœur ma mission puisque mon but était maintenant de faire de leur été, le meilleur possible et de leur transmettre, à tous, les bonnes valeurs.