Fyctia

Fade into you

Mazzy Star

Une jeune femme entra suivie de son père. Elle avait l’air d’avoir mon âge et était assez petite à première vue. Je plissai les yeux discrètement pour mieux l’identifier et de ce que je pouvais voir, elle avait une frange ainsi que des lunettes. Il faisait encore trop sombre pour pouvoir discerner la couleur de ses yeux et je détournais le regard vers son père pour ne pas paraître trop curieuse. Mon grand-père se tourna ensuite dans ma direction et nous présenta.

“ Je vous présente ma petite-fille, Hazel. Ma chérie, je te présente mon ami de longue date, Gabriel et sa fille, Sarah.”

M’apprêtant à les saluer, je fus coupée dans mon élan par le dénommé Gabriel :

“ Mais oui bien sûr ! Ton grand-père nous parle souvent de toi, il était vraiment heureux de te savoir au Québec avec lui…”

Sentant un regard fixé sur moi, j’orientais le mien en direction de celui de la fameuse Sarah et… Je fus troublée. Son regard profond était braqué sur moi et une sensation inhabituelle prit place au fond de mon ventre.

Je sentis comme des bouffées de chaleur remonter de ma poitrine jusqu'à mon cou. Rougissant instinctivement, je baissais les yeux, espérant que l’obscurité cacherait mes joues cramoisies.

Je n’avais jamais réagi de la sorte en présence d’une autre personne, cela était tout nouveau pour moi. Je ne me sentais pas intimidée comme je l’étais habituellement, seulement, je me sentais irrémédiablement attirée vers elle. Une sorte de force invisible me poussait à la rejoindre.

Secouant la tête comme pour reprendre mes esprits, nous nous assîmes à table et coup du sort ou coup de mon grand père pour que je me fasse une amie, je me retrouvais en face d’elle. Son regard ne me quittait plus et je me relevais précipitamment pour aller chercher de quoi boire et manger. Le soleil commençait déjà à se coucher et tout en rassemblant les plats, je laissais les rayons du soleil effleurer mon visage. 

Retournant à table, je voyais bien que mon grand-père et Gabriel étaient complètement absorbés dans leur conversation tandis que Sarah, elle, se contentait de boire son verre, un sourire aux lèvres. 

Me décidant à engager la conversation, je commençais, d’abord hésitante :

“Alors hum… Sarah… tu fais quel genre d’études ?”

Question basique j’en ais conscience mais qui d’après mon peu d’expérience, peut m’en faire apprendre beaucoup sur la personne. Elle détourna son regard des deux hommes et me répondit toujours en souriant :

“Je suis en école d’infirmière, je viens de passer la première année dans le but d’obtenir un diplôme afin de devenir puéricultrice. 

– Je ne connais pas trop ce métier, je sais que tu dois travailler avec les enfants mais à part ça…, continuais-je sincèrement intéressée.

- Le métier de puéricultrice regroupe tellement de fonctions importantes et nécessaires comme la réalisation de soins infirmiers sur les enfants, la surveillance de leur état et bien évidemment, c’est à nous de prévenir les parents de l’avancée des choses. Ma première motivation est bien sûr les enfants, je veux participer à leur santé et faire de la prévention quant aux risques de la vie quotidienne.

- C’est tellement complet c’est vrai, et tu préférerais travailler dans quelles institutions ?

– Dans un service pédiatrique sans hésiter.

Et je ris, elle était tellement sûre d’elle, c’en était rafraichissant !

“J’ai déjà fait un stage et c’était mémorable, j’ai rencontré beaucoup d’enfants qui se battent contre la maladie. Ils sont si résilients et optimistes, ils représentent mes modèles. J’aimerai être plus comme eux, j’aimerai continuer de rire avec eux pendant que je les soigne, les aidant à combattre leurs maladies. Ces enfants n’auront jamais une enfance normale alors si je peux participer à la rendre un peu plus sereine et joyeuse alors j’ai tout gagné.

- Je suis admirative de ta détermination, c’est un réel exemple !

- Et toi alors, quelles études ?

- Moi ?, j’eus un rire gêné. Ce n’est pas comparable à tes projets. Je suis en licence de lettres, je ne suis pas sûre d’aimer ça et ne sais pas ce que je vais en faire. Voilà, fini. C’était rapide ! Dis-je en levant les mains en l’air.”

Elle appuya son visage contre les paumes de ses mains et mon niveau de gêne n’arrêtait pas d’augmenter. J’avais une envie furieuse de m’éventer. Si elle ne s'arrêtait pas de me regarder de la sorte, je croyais bien vraiment le faire. Elle continua de sa voix profonde et assurée :

“Je suis sûre que tu as bien plus que cela à raconter...”

Un frisson me parcouru, comment avait-elle su ? Je n’avais jamais parlé  à personne de ma passion, même pas à Raph. J’avais une certaine pudeur à en parler, une honte qui m’étreignait le cœur. 

“Je ne sais pas ce que tu veux dire par là… Dis-je en étant soudainement concentrée sur mon assiette."

Bravo Hazel, fait la conne comme ça et là par contre, tu ne sauras plus ce qu’elle dira pour de vrai puisqu’elle ne s'intéressera plus à toi !

" Pas de soucis, je ne te force pas !”

J’étais légèrement déçue qu’elle ne cherche pas à aller plus loin. Mes sentiments étaient contradictoires et je n’arrivais pas à les discerner les uns des autres complètement. 

Le repas se passa sans encombres, Sarah était vraiment gentille et solaire, elle me faisait souvent rire et j’aimais aussi beaucoup Gabriel qui ne pouvait s'empêcher de me taquiner. 

Je n’aurais jamais cru m’entendre aussi bien avec eux et surtout, je n’aurais jamais cru que ma première soirée passée à Québec se passerait aussi bien. Il partirent assez tard et je ne tardais pas à aller me coucher, nous sans repenser à cette fameuse Sarah. Elle avait remué quelque chose en moi qui m’était encore inconnu. Je décidais de passer à autre chose, après tout, je ne la verrais que très rarement. 

Je m’endormis rapidement, poussée par une immense fatigue. Ma dette de sommeil ne faisait que se rallonger et il me fallait me reposer.