Gaïa Psyché Chez tonton Diony' (2)

Chez tonton Diony' (2)

À l’intérieur, j'avais l'impression de découvrir un autre monde. Les corps se déhanchaient les uns contre les autres sur une musique un peu trop forte à mon goût. Je n’avais pas encore bu assez d’alcool pour les rejoindre, alors je me dirigeai plutôt vers le buffet. Les toasts au tarama que je voyais là-bas ressemblaient beaucoup à de parfaits compagnons de soirée.


Cydippe se pencha à mon oreille.


— Je vais danser !


Je mis quelques secondes à comprendre ce qu’elle me disait tant la musique était forte. Je n’eus pas le temps de lui répondre, elle s’était déjà glissée entre les corps.


Génial.


J’étais seule.


Je me retournai.


— Alors, par qui on commence ? murmurai-je.


Mon choix se porta sur le toast avec le plus de garniture. Je tendis mon bras et l’enfournai d’un coup dans ma bouche.


Tout du moins, c’est ce que j’aurais voulu faire, normalement.


Une main apparut sous la mienne et vola l’objet de mes désirs, plus rapide que l’éclair. Je n’avais eu le temps de ne rien faire. Au bout de la main, un homme. Avec le masque blanc qui recouvrait l’entièreté de son visage, je ne pouvais pas lui donner d’âge, mais il avait la peau lisse de quelqu’un n’ayant pas dépassé la quarantaine d’années. Il m’aurait fait plutôt bonne impression, normalement, avec son costard taillé à la perfection et son port droit. Même ses cheveux, dont je n’arrivais pas à distinguer la couleur à cause de l’éclairage, avaient l’air soyeux au toucher et bien entretenus. Il avait l’allure de quelqu’un d’important ou de très riche, peut-être. Je me sentis soudain mal habillée avec ma petite robe blanche de prêt-à-porter.


Sauf qu’homme important ou pas, il avait mon toast dans la main.


Je lui lançai des couteaux avec les yeux et il se figea, une main sur le point de remonter son masque et l’autre prête à enfourner ma tartine dans sa bouche.


— Je peux vous aider ?


Je m’empourprai, soudain embarassée par mon comportement. Ce n’était qu’un toast, après tout, il y en avait d’autres et il n’avait certainement pas fait exprès de prendre celui que je voulais.


Je secouai la tête.


— Non, non, rien du tout. Continuez.


Je me penchai pour piocher une autre tartine en espérant que mes cheveux couvriraient la gêne qui devait se lire sur mon visage. Quand je relevai la tête, l’inconnu remettait correctement son masque. J’aperçus brièvement sa mâchoire et son menton. Juste assez pour savoir qu’il était imberbe et qu’il devait avoir une vingtaine d’années, mais pas beaucoup plus. Un riche héritier peut-être ? Quel visage pouvait bien se trouver derrière ce masque ? Je l’imaginais beau.


Il appuya ses fesses contre le rebord de la table et je l’imitai, mal à l’aise.


— Vous ne dansez pas ? demanda-t-il.


Je tournai ma tête vers lui, un peu trop vite. Il voulait discuter ?


— Et vous alors ?


Je dûs forcer sur ma voix pour qu’elle porte à travers le bruit. Il haussa des épaules.


— Je fais une pause.


Je hochai la tête.


Silence.


Je me tournai vers le buffet. Je cherchais quelque chose à faire pour éviter la gêne. Je ne comprenais pas pourquoi j’étais si embarassée. Je n’étais pas très forte avec les inconnus, mais là, tout de même ! Finalement, j’attrapai un gobelet en plastique dans une pile neuve et scannai la table, à la recherche d’une bouteille.


— Je vous sers ?


Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Je ne l’avais pas entendu se rapprocher et il était juste à côté de moi à présent, une bouteille en verre dans la main. Elle venait de la rangée que je voyais un peu plus loin sur la table. Le vin de la vigneraie de Dionysos. Je n’étais pas une connaisseuse, mais pour que ça vienne du dieu lui-même, ça ne pouvait qu’être un cru de grande qualité. C’était pour cela que Dionysos était si populaire. Il n’était pas seulement dieu de l’ivresse et des fêtes. Il était aussi quelqu’un qui aimait partager, et on l’aimait pour ça.


J’avançai mon gobelet.


— Oui, s’il-vous-plaît.


L’homme versa le liquide rouge dans mon verre, la posture élégante.


Je me râclai la gorge.


— Excusez-moi, vous vous appelez…?


Il se servit également et se posa à nouveau contre le bord de la table.


— C’est un bal masqué, non ? Pour ce soir, restons des anonymes.


Je haussai un sourcil. Avec mon loup, il pouvait voir mes expressions, mais son masque intégral rendait son visage pour le moins… difficile à lire.


— C’est… froid, commentai-je après avoir hésité à parler.


— Je ne suis pas d’accord, contra-t-il, et son torse tressauta en même temps qu’il eut un petit rire. C’est ce qui rajoute de l’intérêt à cette soirée. Voyez ça comme un jeu ! Personne ne sait qui vous êtes, vous pouvez jouer le rôle que vous voulez.


Je plissai les yeux.


— Alors c’est ce qui vous intéressait en venant ici ? Est-ce que vous êtes un fugitif en cavale ?


Il croisa les bras sur son torse. Je l’amusais.


— Pourquoi ? Vous me dénonceriez ?


— Peut-être ! Avec ça, aucun risque de représailles.


Je pointai mon masque du doigt avec un sourire. Il ne mordait pas, finalement, cet inconnu.


Je cherchai une remarque intelligente à enchaîner et je m’apprêtais à la sortir quand mon regard accrocha quelque chose en face de moi : Cydippe se frayait tant bien que mal un passage à travers la foule. Cette fille avait de la force. Je serrai les dents d’empathie alors qu’elle balançait un coup de coude dans les côtes d’un gaillard de deux mètres. Elle avait un petit côté bulldozer… mais en jupe courte et avec du rouge à lèvres. Charmant.


Elle chercha quelque chose des yeux, les sourcils froncés, et son regard se posa finalement sur moi. Elle prit une grande inspiration, retroussa ses manches imaginaires et commença une marche furieuse dans ma direction.


Oh, oh…


Elle m’attrapa par le bras et me tira derrière elle, à nouveau vers l’amas de corps déchaînés et puant de sueur. Je balançai ma tête en arrière et scannai la pièce du regard. Une lumière passa à ce moment-là et éclaira le visage de l’inconnu. Nos yeux se croisèrent, ma respiration se coupa et puis… plus rien. J’avais été happée par la foule.


— Un connard m’a mis la main aux fesses ! cria Cydippe et j’entendis sa voix en sourdine, comme si j’étais sous l’eau, avant que la bulle éclate et que le brouhaha revienne autour de moi, brut, suivi de sa voix. Et attends, c’est pas le pire ! Il devait avoir cinquante… soixante-dix ans au moins ! Non mais j’y crois pas ! Tu te rends compte ?


Je plissai le nez de dégoût. L’anonymat, c’était cool, les pervers aux tendances limite pédophiles un peu moins. Malheureusement, les deux allaient souvent de paire… Même si je ne doutais pas que ma sœur exagérait un peu sur l’âge. Dégoutant tout de même.


Je continuai à chercher un peu à travers la foule mais c’était trop tard, les invités faisaient un mur qui ne laissait rien passer. J’avais perdu l’homme de vue.


Tu as aimé ce chapitre ?

38 commentaires

shamsumaru

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Il y a 4 ans

Rafale de love 💙💙💙

Estelle12345

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Il y a 4 ans

🙂😉

sarah_68

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Il y a 4 ans

Je vais essayer de commenter tout les chapitre 🙃 et liker

Gaïa

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Il y a 4 ans

bxidbwj c'est gentil !

M.m

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Il y a 4 ans

J’adore le début de l’histoire, ta un réel talent pour écrire! ❤️

Gaïa

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Il y a 4 ans

Merci beaucoup, je suis contente que ça te plaise !

Caro Handon

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Il y a 4 ans

À la lecture de tes deux premiers chapitres, je trouve que tu as une très jolie plume, fluide et fournie en vocabulaire. Le seul point qui me dérange, et c'est un avis très personnel, c'est Cydippe, ton personnage secondaire. Avec ce que tu nous en dépeins, elle est antipathique et peut-être est-ce l'effet que tu cherches. Cependant, je dois dire que je la trouve très (trop) présente que ce soit dans l'action ou dans les pensées de ton héroïne. Cela me donne l'impression que cette dernière est reléguée au second plan, alors que dans les premiers chapitres, la mise en place d'un attachement pour le protagoniste est important. Cela ne veut pas dire que ton texte est mauvais, loin de là, il s'agit juste de mon ressenti à chaud sur ton histoire :)

Gaïa

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Il y a 4 ans

Merci pour tes compliments ! Pour ce qui est de Cydippe : c’était volontaire de ma part, mais c’est vrai que c’est aussi à double-tranchant. Psyché est un personnage effacé, qui va apprendre à s’affirmer au fur et à mesure de l’intrigue, et je trouvais ça intéressant de le faire comprendre dans la description aussi. Mais c’est définitivement à réfléchir pour la réécriture, voir si ça marche vraiment !

emeline.21

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Il y a 4 ans

Bravo pour ce chapitre, et particulièrement pour les dialogues

Gaïa

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Il y a 4 ans

Merci ! Je galère toujours à les faire, alors je suis contente que tu les aimes 😁
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