Fyctia

Jérémy se tenait devant Léo, la question résonnant encore dans l'air, lourde de sens. Le silence s’étira entre eux, seulement ponctué par les bruissements des feuilles et les échos lointains de l'école. Léo attendait une réponse, mais Jérémy sentait son esprit tourbillonner, en quête de sens, cherchant à comprendre ce qu’il voulait vraiment.

— Je… Je n’en suis pas sûr, finit-il par avouer. Tout semble si… flou. D’un côté, je me dis que je dois suivre ce qu’on attend de moi, être ce Héros que tout le monde veut que je sois. Mais… et si ça ne correspondait pas à ce que je suis vraiment ?

— Tu sais, Jérémy, commença-t-il, son ton plus doux qu’à l’accoutumée. On est tous dans cette foutue école, pris dans ce jeu de rôles, avec des attentes sur nos épaules. Toi, tu es censé être un Héros, moi… un bon élève, un soutien loyal. Mais la vérité, c’est qu’on n’est pas obligés de se laisser emprisonner par ça. Parfois, ce qui compte, c’est de savoir qui on veut vraiment être, pas qui ils veulent qu’on devienne.

Jérémy leva les yeux, croisant le regard de Léo. Il y avait dans ses yeux une chaleur réconfortante, quelque chose qu’il ne s’attendait pas à trouver. Jusqu’ici, il avait toujours vu Léo comme quelqu’un de réservé, détaché, qui se fondait dans le moule sans poser de questions. Mais en cet instant, il voyait une profondeur nouvelle.

— Et toi ? demanda Jérémy après un moment de réflexion. Tu ne t’es jamais demandé qui tu étais vraiment, au-delà de ce que l’école veut faire de toi ?

Un sourire énigmatique se dessina sur le visage de Léo. Il détourna le regard, comme s’il réfléchissait à la réponse avant de parler.

— Bien sûr que si. Tous les jours. Je me demande si tout ça en vaut la peine, si ça vaut le prix qu’on paie en sacrifiant des parties de nous-mêmes. Mais tu sais quoi ? Parfois, la clé, c’est de ne pas se laisser engloutir par tout ça. De se rappeler qu’il y a des moments, des gens, qui comptent plus que le rôle qu’on nous attribue.

Jérémy sentit une vague de reconnaissance l’envahir. Léo venait de lui ouvrir une porte, de lui montrer qu’il n’était pas seul dans ses doutes, que d’autres aussi luttaient contre cette pression silencieuse mais omniprésente. Et dans cet instant partagé, une nouvelle forme d’amitié commençait à se tisser entre eux.

— Merci, murmura-t-il, touché par la franchise de Léo. Je crois que… j’avais vraiment besoin d’entendre ça.

— Tu n’as pas à me remercier, répliqua Léo en souriant. On est tous dans le même bateau. Si on ne se soutient pas, qui le fera ?

Ils se mirent à marcher lentement vers le bâtiment principal, le poids de leurs pensées plus léger, mais les questions toujours présentes. Léo jeta un coup d’œil furtif à Jérémy avant de parler à nouveau, d’une voix plus légère cette fois-ci.

— Tu sais, il y a une autre façon de gérer tout ça. Parfois, il faut juste… relâcher la pression. Et je pense que tu en as vraiment besoin.

— Relâcher la pression ? répéta Jérémy, confus.

— Oui. Viens avec moi ce soir. On pourrait sortir, faire quelque chose de différent. Ne pas penser à l’école, aux attentes, juste… s’amuser. Ça te changerait les idées.

Jérémy fronça légèrement les sourcils, surpris par la proposition. Léo n’était pas le genre de personne à proposer des escapades spontanées, et encore moins à suggérer de déroger aux règles strictes de l’école. Mais en cet instant, l’idée d’échapper à la routine pesante semblait terriblement séduisante.

— Tu proposes qu’on… sèche le couvre-feu ? demanda-t-il avec une pointe d’incrédulité.

Léo haussa les épaules, un sourire malicieux étirant ses lèvres.

— Pourquoi pas ? Parfois, il faut savoir vivre un peu en dehors des règles. Ce n’est pas comme si on allait tout abandonner, c’est juste… une pause. Une soirée où on n’a pas à jouer les rôles qu’on nous impose.

Jérémy réfléchit un instant. Il se souvenait des soirées passées dans sa chambre, à ressasser ses doutes, à se demander s’il serait capable de devenir le Héros qu’on attendait de lui. Une pause dans tout ça semblait presque nécessaire.

— D’accord, finit-il par dire, un sourire timide apparaissant sur son visage. J’imagine que je pourrais avoir besoin de ça.

Léo lui donna une tape amicale dans le dos, visiblement satisfait de sa réponse.

— C’est ça l’esprit. On se retrouve à la sortie après le dîner. Fais-moi confiance, ça va te faire du bien.

Jérémy acquiesça, sentant un mélange d’appréhension et d’excitation monter en lui. Pour la première fois depuis longtemps, il avait l’impression de prendre une décision pour lui-même, et non en fonction des attentes des autres.

Alors qu’ils atteignaient l’entrée du bâtiment, Léo s’arrêta et regarda Jérémy une dernière fois avant de franchir les portes.

— Et, Jérémy… Ne te mets pas trop de pression. Tu n’as pas besoin d’être un Héros tous les jours. Parfois, juste être toi-même, c’est déjà suffisant.

Léo lui souris avant de prendre la main de Jérémy et de passer l'entrée de la porte principale.

Partant pour leur escapade nocturne.