Fyctia

- Hey Chucky, lèves toi ! La voix criarde de mon frère, Nathan, résonne dans ma tête.

J’ouvre un œil et reçois en plein visage sa serviette trempée. Je ne sais pas si c’est un don qu’il a, mais il excelle dans l’art de m’énerver.

- Si dans 20 minutes tu n’es pas assise dans ma voiture, tu pars en bus !

Grrrr

- C’est bon ! J’arrive ! Je grommelle tout en me hissant, à contre cœur, hors de mon lit.

J'ai une boule au ventre, j'ai juste envie de rester cacher sous ma couette en espérant que l'on m'oublie.

Nathan est mon aîné de deux ans, c'est un beau garçon et je ne dis pas ça parce que c'est mon frère. On peut dire qu'il a été gâté par la nature ou qu'il s'est approprié les meilleurs gènes de la famille. Il est grand, musclé avec des cheveux bruns ondulés. Il est l'une des stars de l'équipe de foot de l’Université. Il a beaucoup travaillé pour être à ce niveau et je l'admire pour ça.

Après un saut dans la salle de bain, j'enfile mes affaires soigneusement préparées de la veille. J’ai passé trois heures à redécouvrir mon dressing pour au final jeter mon dévolu sur une robe beige volante mi-longue, simple mais efficace. Je noue mes longs cheveux bruns en une tresse qui retombe sur mon épaule.

Je suis rejoint par Daisy, notre Cavalier King Charles, qui, comme à son habitude, me saute dessus comme si on ne s'était pas vu depuis des années. Elle me fait sourire et oublier un instant la journée interminable qui m'attend.

En descendant les escaliers, je sens l'odeur des pancakes de ma mère et son fameux sirop d'érable. Elle chantonne en les faisant virevolter dans la poêle, c'est indéniable, elle est tout aussi stressée que moi. Nathan lui est tranquillement assis sur un tabouret face à elle en train d'engloutir son petit-déjeuner. Ma mère fait partie de ses femmes dont la beauté naturelle est incontestable. Je ne tiens pas d'elle sur ce point…

- Mia chérie, te voilà ! Je t'ai préparé ton déjeuner... Se réjouit ma mère.

- - Et oui Chucky, ta maman a préparé ton petit goûter, dit Nathan hilare en me déposant un baiser sur la tête.

Je déteste quand il m'appelle comme ça. Il m'a surnommé Chucky le jour où ma meilleure amie, Tess, a eu une révélation sur son potentiel avenir de coiffeuse ! Tess s’était alors emparée des ciseaux et avait laissé tout son talent s'exprimer dans une coupe au carré plutôt asymétrique et sa dextérité de coloriste en aspergeant mes jolis cheveux bruns avec une bombe de peinture orange. Merci à Buffy contre les vampires enfin plus particulièrement Willow qui a inspiré Tess. À sa décharge, nous avions que 9 ans et depuis ce jour, mon frère s'évertue à me rappeler ce joli moment et les longs mois qui ont suivi pour retrouver une mine convenable et surtout ma dignité.

- Plus que 2 minutes ! Tic, Tac ! jubile Nath.

J'attrape au vol un pancake que je recouvre de confiture de framboises, embrasse ma mère et rejoins mon cher frère dans le garage.

Nous vivons tous les trois depuis que mon père a été chassé de la maison par Nathan, il y a deux ans maintenant. Il l'a fait pour nous protéger. Me remémorer cette période me met dans un état d'angoisse insurmontable. Ça nous a vraiment rapproché, on ne peut passer plus de deux heures sans prendre de nos nouvelles. À cette époque, ma mère s'est effondrée et a mis plus d'un an à reprendre le dessus. Du haut de ses 17 ans, Nathan a tout géré, il s'est occupé de nous et a endossé la plupart des responsabilités. On a tous les deux changé du jour au lendemain, Nathan est devenu un adulte bien trop tôt, quant à moi, je me suis renfermée et je vis avec un sentiment d'insécurité qui ne me quitte plus.

Je grimpe dans son 4x4, l'intérieur est en cuir beige et je déteste ça, il me colle à la peau. Il me lance un clin d’œil avant de démarrer. Le soleil m'éblouit, je sens la chaleur sur mon corps et je regrette déjà d'avoir mis des ballerines.

Sur le trajet, Nathan me raconte son premier jour à l'université, son stress et comment il a rencontré Adam, son meilleur ami et toute sa fine équipe sans oublier cette Pimbêche de Deborah qui lui sert de petite amie. Son histoire ne me rassure pas du tout, mais je ne lui fais pas remarquer.

Le campus de Vancouver est immense, il s'est agrandi depuis peu avec l'arrivée du nouveau directeur. Nous arrivons sur le parking rempli de voitures d'étudiants qui s'étendent à perte de vue. Cela me rappelle la fois où je suis partie à la recherche de mon frère pour son anniversaire. Encore une de mes brillantes idées…

Il m'a fallu plus d'une heure pour le retrouver. Je me souviens d'avoir été émerveillée par ces jardins verdoyants et cette forêt dense qui entoure l'université. Ce sentiment d'immensité quand on découvre les lieux pour la première fois. Tout me semblait démesuré, j'avais l'impression de rentrer dans une ces séries américaines où les résidences universitaires ont chacune leur propre univers.

D’ailleurs, lorsque je suis passée devant celle dites des intellos ! Plus connu sous le nom des « petits rats » en référence aux rats de bibliothèques. Je me suis dit que

Nathan serait ravi que j'en fasse partie. Sa petite sœur coincée dans une résidence où les soirées révisions rythmeraient son quotidien. Je suis sûr qu'assister à une fête et boire de l'alcool scellerait le renvoi de cette sororité.

- Mia !

Nathan me sort de ma rêverie ! Un peu perdue, je me rends compte qu'il s'est garé à côté de la voiture de Déborah. Elle est adossée à sa décapotable dans une robe noire et des escarpins roses. Je fais des efforts, mais je ne l'apprécie pas beaucoup, la seule chose dont elle se préoccupe, c'est d’elle-même.

J'ouvre la portière, Nathan me retient par le bras :

- Ne t’inquiète pas, dis-toi qu'au moins cent personnes sur ce campus ressentent la même chose que toi.

En effet, il n’a pas tort et cela a le mérite de faire baisser ma tension.

- Hey toi, ça y est, c’est le grand jour, s’esclaffe Deborah !

- Salut …

Deborah se jette au cou de mon frère en rejetant ses cheveux sur le côté comme si elle tournait une publicité.

- Allez